Ouf, j'y suis La société a évolué, les mentalités aussi, l'Etat est plus présent en matière de disponibilité de structures d'enseignement, autant de facteurs qui ont fait que la vapeur s'est renversée. Le taux de réussite des filles dans les examens des trois paliers de l'Education nationale et aussi à l'université, montre -on ne peut mieux- que la société algérienne a connu des mutations sociologiques et historiques que nul ne pourra contester. Cette évolution touchant la gent féminine suscite moult questions et maintes réflexions quant aux causes de ces propulsion et progression au premier rang de l'échiquier scolaire et professionnel à la fois. Les résultats du bac 2017 démontrent que les filles sont largement en tête par rapport aux garçons. L'écart est presque de moitié, 65% contre 35%, c'est-à-dire que la question n'est pas une question de concurrence et de «rivalité» somme toute naturelle, bien au contraire, l'écart qui s'est creusé entre la fille et le garçon en ce qui concerne le taux de réussite dans les examens scolaires est d'ordre sociétal, et les réponses se trouvent dans cette évolution socioculturelle de la société en général. Mais, il reste tout de même que les vraies causes se font exprimer par l'histoire de l'Etat algérien après l'indépendance du pays. Cette remarque est longuement étayée par les spécialistes des dynamiques et des évolutions sociales des sociétés, comme c'est le cas pour notre jeune Etat. Les mutations qui ont été enregistrées depuis l'indépendance du pays, selon les observateurs avertis «depuis les premières années de l'indépendance, l'Etat a fourni des efforts pour généraliser la scolarisation à partir de 6 ans. Une récente circulaire du ministère de l'Education est venue confirmer ce principe de l'Etat, devenu une obligation pour tous les parents d'élèves à travers l'ensemble du territoire national. Une politique qui a eu des résultats qui peuvent êtresdiscutables aujourd'hui encore. Le pouvoir de l'Etat n'a pas eu gain de cause, face à des considérations culturelles, sociales et économiques», ce déploiement de l'Etat-national en encourageant la construction des écoles dans des endroits lointains de l'intérieur du pays, a beaucoup aidé dans l'introduction des filles à l'école et participé fortement dans l'affirmation de la gent féminine dans les rouages de la société et les institutions du pays. Néanmoins, ce changement a ses propres relents qui se justifient par rapport aux paradigmes qui régissaient la société pendant des décennies à travers la chape de plomb qui frappait la moitié de la société au nom d'un conservatisme foncièrement patriarcal et censitaire, faisant de la femme une sorte d'anathème, voire un tabou qui doit être réduit à sa juste représentation des plus éhontées. Donc, même cette approche réductrice et minorée de la femme a fait que cette dernière doit trouver son salut dans le savoir, c'est-à-dire, l'instruction. Une étude qui a été publiée par un groupe de sociologues de l'Institut de recherche Cread a conclu que «permettre la scolarisation d'une fille était rare, un droit que beaucoup de filles algériennes n'ont pas eu. On pourrait citer ici quelques causes qui ont poussé certains parents à ne pas scolariser ou à ne pas continuer la scolarisation de leurs filles. L'éloignement des écoles du domicile, l'idée encore très répandue pendant des années qui faisait que les garçons avaient plus le droit d'étudier, et que les filles devaient rester à la maison pour aider leurs mères, marier le plus tôt sa fille, ne pas avoir les moyens de faire rentrer tous ses enfants à l'école, donc sacrifier les filles, ou éviter tout simplement que l'on dise que ce père laisse sa fille aller à l'école». Cette explication faisait présenter la fille comme appendice d'une famille qu'il faut sacrifier sur l'autel d'un statut patriarcal ne faisant reconnaissance qu'au garçon comme étant le prolongement, voire le garant de ce système censitaire et patriarcal de la société. Ce poids fait de contrainte sociale et de l'exclusion de la fille dans la société a poussé ces dernières à s'attacher à l'idée de s'instruire pour se libérer du joug de la domination familiale et des relents du conservatisme pour atteindre une forme de promotion sociale lui permettant de s'affranchir des pesanteurs de l'archaïsme. Si on doit parler de la réussite des filles en général dans leur cursus scolaire et universitaire, il faut mettre au clair cette évolution qui n'est autre que l'évolution imposée par la volonté politique d'un Etat qui a cassé les verrous de la féodalité héritée de la période coloniale en propageant et en généralisant l'instruction et la gratuité de l'enseignement. Cette donne se fait sentir comme un argumentaire des spécialistes en la matière en soulignant que «actuellement, ces raisons et d'autres existent toujours, mais elles sont presque rares. La société a évolué, les mentalités aussi, l'Etat est plus présent en matière de disponibilité de structures d'enseignement, autant de facteurs qui ont fait que la vapeur s'est renversée. Mais au-delà de tous ces aspects, il y a cette prise de conscience des filles algériennes qui depuis deux décennies ont décidé presque silencieusement de mener leur révolution, de changer leur sort, leur statut et leur vie. Leur seule arme, ce sont les études, elles semblent non seulement l'avoir comprise, mais en plus convaincues que c'est leur seul salut».Cette présence de l'Etat dans les recoins les plus lointains, en construisant des structures d'instruction a favorisé cette dynamique de scolarisation des filles de façon massive. Cette évolution historique et qualitative de l'instruction des filles fait dire aux observateurs que «l'accès des femmes au système éducatif est sans conteste un des paramètres qui a marqué le plus les changements intervenus dans la condition féminine en Algérie depuis l'indépendance, les chiffres le prouvent sur trois décennies». Ce constat est conforté par les progrès que vient d'afficher la gent féminine algérienne dans tous les secteurs économiques et autres institutions de l'Etat. Ce qui est paradoxal aujourd'hui, c'est que les filles prennent le dessus sur les garçons dans un contexte qui renseigne sur les vrais enjeux d'une situation socioéconomique qui vient de secréter une réalité faisant du gain facile et de la rente un critère de l'enrichissement et de l'affirmation sociale. Cette nouvelle donne a poussé les garçons à déserter les écoles et ne pas s'intéresser à l'instruction pour s'impliquer dans le monde des affaires et de ce qui est activité rentière. Beaucoup d'observateurs considèrent que ce changement socio-économique est pour beaucoup dans le recul des taux de réussite des garçons dans les examens nationaux comme c'est le cas pour le bac qui est un examen national pour lequel les garçons n'affichent pas tant d'engouement dans la mesure où la promotion sociale se fait aujourd'hui par le seul recours au jeu de la spéculation et l'économie parallèle pour accéder à un rang social porteur. Si les filles considèrent toujours que seule l'instruction est susceptible de leur permettre d'accéder à la promotion sociale et de gravir dans le rang social, les garçons semblent préférer la voie de la facilité qui consiste à n'imposer son statut social que par une seule logique, celle de l'argent facile et de la rente.