Il est clair que le président de la République n'ignorera pas les réclamations d'une aussi importante formation politique. La campagne que compte lancer le FLN contre la loi portant «reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés» est manifestement l'acte politique majeur de l'année. En effet, il est clair que la démarche du parti de Abdelaziz Belkhadem n'engage pas seulement sa formation politique mais interpelle la conscience collective de deux nations qui sont sur le point de construire un «partenariat d'exception», comme le soulignent les officiels français eux-mêmes. Dans ce concept que Paris veut généreux, l'Etat français y a mis le présent et l'avenir des relations entre les deux pays. Quant au passé commun, des expressions, telles: «Nous nous sommes fait la guerre», ou «la période 54-62 est une page douloureuse où, des deux côtés, beaucoup de mal a été fait» sont privilégiées par la France officielle pour ne pas mettre le doigt sur la plaie coloniale. Au partenariat d'exception, l'Algérie répond par un autre concept qui a trait à la «refondation des relations» entre les deux pays. A travers, cet intitulé, les responsables algériens entendent amener les deux nations à voir leur histoire commune en face, sans faux-fuyants. Or, la promulgation en février dernier de la fameuse loi qui, dans son article 4, stipule que «les programmes de recherche universitaires accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française (...) et accordent aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires, la place éminente à laquelle ils ont droit.» Pour le FLN, c'est là une tentative de déformation de l'histoire au risque de voir des contre-vérités à jamais consignées dans les manuels scolaires et autres thèses universitaires françaises. Se joignant donc à de très nombreux enseignants d'histoire qui ont dénoncé la loi, le parti majoritaire en Algérie se donne le droit d'intervenir dans le débat et entend peser de tout son poids sur la scène politique, tant algérienne que française. En effet, il y a lieu de souligner que la sortie du FLN ne passera sans doute pas inaperçue outre Méditerranée où, quoi qu'on dise, les souvenirs de la guerre d'Algérie sont loin d'être relégués au musée de l'histoire. A droite comme à gauche, le personnel politique de l'Hexagone est très partagé sur le rôle joué par la France coloniale en Afrique du Nord et particulièrement en Algérie. La récente déclaration du président de la République au sujet des massacre du 8 mai 54, avait été, rappelons-le, assez mal appréciée par l'Etat français qui, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, avait regretté que la vérité soit dite crûment. Avec l'entrée en scène du FLN, le débat prend une autre dimension et il est fort probable de voir les partis d'extrême droite française brandir la campagne du FLN comme une menace contre la «grandeur passée de la France». Pareil comportement, on le verra également chez certains politiques de gauche qui, faut-il le souligner, n'arrivent toujours pas à se défaire des penchants paternalistes qu'ils ont envers l'Algérie. Il est évident par ailleurs, que l'offensive que compte lancer le FLN a des partisans au sein de la sphère intellectuelle française qui, faut-il le souligner, à l'occasion des débats passionnés sur le 8 Mai 45, a su développer un discours qui rétablisse les vérités historiques, non pas seulement sur les massacres, mais sur toute la présence française en Algérie. Au plan strictement officiel, les choses n'iront peut-être pas jusqu'à remettre en cause les avancées concrètes constatées depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, mais il est à craindre un petit ralentissement dans la démarche devant mener à la signature du traité d'amitié algéro-français. Et pour cause, avec la campagne que compte mener le parti au pouvoir en Algérie contre la loi de février dernier, ce sont deux conceptions différentes des relations entre les deux pays qui s'entrechoquent. Il est clair que le président de la République n'ignorera pas les réclamations d'une aussi importante formation politique, d'un côté, et l'on ne peut pas espérer que Jacques Chirac gèle la fameuse loi, sans provoquer un tollé au sein de sa propre majorité. Cela dit, la démarche du FLN a ceci d'intéressant, au sens où elle crève un abcès qui empoisonne les relations entre la France et l'Algérie depuis 1962. Il s'agit de pousser, d'une manière ou d'une autre, la France à ne pas se voiler la face par rapport à son passé colonial.