Le siège du ministère du Commerce à Alger Le ministre «oublie» de dire qu'une industrie ça ne se pense pas en un seul trimestre, qu'un retour sur investissement, ça prend plusieurs années. Les projets d'implantation d'usines d'assemblage de véhicules sont gelés, avec à la clé une commission destinée à revoir le cahier des charges fixant les taux d'intégration de ces usines et dont les conclusions tardent à voir le jour. Un groupe de travail est dédié à l'étude de l'utilité du système CKD-SKD, avec l'arrière-pensée de le liquider, à voir le rapport ministériel noir le concernant. Toute une commission planche sur le foncier industriel et une autre sur l'industrie minière, notamment l'important gisement de phosphate, dans une totale opacité et aucune échéance annoncée pour la remise des conclusions. L'image que donne présentement l'industrie nationale est celle d'un vaste chantier à l'arrêt, sans aucune perspective sérieuse de relance. En «épicier» un peu trop près de ses sous En effet, le ministre de l'Industrie et des Mines a donné un coup d'arrêt à toute la politique industrielle initiée par ses prédécesseurs. Son seul argument tient à son «coût» qu'il estime exorbitant et à l'impact sur le consommateur. Mahdjoub Bedda n'a que ces deux motifs, lorsqu'il se met à expliquer les actions de blocage systématique de toutes les actions engagées dans le cadre de la diversification économique. En «épicier» un peu trop près de ses sous, le ministre n'entrevoit toute démarche qu'à l'aune du bénéfice immédiat qu'elle est censée dégager et la satisfaction tout aussi immédiate du client. Un petit commerçant n'en penserait pas autrement. Il suffit de suivre son discours sur l'assemblage automobile pour s'en convaincre. Il annonce l'échec d'un processus démarré, il y a à peine quelques mois. Il faut savoir, à ce propos, que la décision gouvernementale d'obliger les concessionnaires à investir dans des activités industrielles ou semi-industrielles en rapport avec la filière automobile n'est entrée en vigueur qu'en 2017. Le seul projet qui a connu un début de concrétisation était celui de l'unité d'assemblage de Hyundaï. Pour casser la démarche précédemment mise en place par le gouvernement sortant, Bedda a sorti le coût du véhicule sur le marché, arguant que l'investissement sur une usine revient plus cher que l'importation. Ce genre de propos sont exactement ceux que tiendrait un petit commerçant qui préférerait revendre un produit acheté en l'état plutôt que de le transformer sur place. A titre illustratif, l'industrie du lait en Algérie a été détruite par ce genre d'attitude. En effet, lorsque le prix de la poudre de lait a chuté sur le marché internationl, un ministre de la trempe de Bedda a estimé plus rentable d'importer la poudre et provoqué ainsi, l'asphyxie des producteurs locaux de lait, dont le produit n'était plus concurrentiel. En alignant ses critiques, le ministre «oublie» de dire qu'une industrie ça ne se pense pas en un seul trimestre, qu'un retour sur investissement, ça prend plusieurs années, que dans l'intervalle, la plus-value est à chercher dans la formation de nouvelles compétences nationales et à terme d'un transfert de technologie. Bref, dans l'industrie automobile, un secteur qui commençait à trouver quelques repaires dans l'environnement économique nationale, l'important était de planter le décor pour un épanouissement à court et moyen terme. Dans ce genre d'industrie le moyen terme se déploie en décennies. Or, Bedda a décidé de sévir quelques mois seulement après le premier bourgeon de l'industrie automobile nationale. Et en gelant l'ensemble des projets de montage de véhicules légers en instance, sur instruction du Premier ministre, Mahdjoub Bedda impose à la filière une situation rocambolesque de sorte qu'on ne sache pas ce que veut le gouvernement. Le «petit» mensonge du ministre Et pour cause, à travers ce gel et sachant la réduction drastique des importations de véhicules de tourisme, la tension qui s'exerce actuellement sur le marché de l'automobile deviendra intenable à très brève échéance. Comment donc Bedda parviendra-t-il à son objectif qui consiste à réduire les prix des voitures neuves en défiant toutes les lois commerciales. Même un «épicier» rirait de la logique suivie par le ministère de l'Energie et des Mines. Le «petit» mensonge du ministre sera très vite découvert. Entre-temps, c'est toute la filière automobile qui risque de disparaître, en raison du discours d'«épicier» d'un ministre qui fait tout pour contenter les importateurs, tout en affirmant le contraire. Le discours de Bedda sur la filière mécanique, pour destructeur qu'il puisse être, semble avoir été pensé pour toute l'industrie du pays. Son réquisitoire, truffé de contradictions, sur le dispositif CKD-SKD en dit long sur son «amateurisme» lorsqu'on parle d'investissement, de croissance ou encore de stratégie économique. Il descend en flammes ledit dispositif, arguant qu'il coûte cher en avantages douaniers, ne crée pas assez d'emplois et ne dégage pas de plus-value à l'export. Cela, tout en disant chiffres à l'appui, que chaque entreprise intervenant dans ce dispositif a créé en moyenne 333 emplois et a multiplié son chiffre d'affaires à l'export par 4, en trois ans seulement, malgré un environnement hostile et trop bureaucratisé. Bedda a annoncé la remise en cause de tout le système, sans un mot pour les 20.000 travailleurs qui risquent de perdre leurs postes, mais surtout, sans apporter la moindre alternative à la destruction de tout un pan de l'industrie nationale. Le ministre a là aussi, justifié ses critiques en termes d'enveloppe réservée aux importations d'intrants et aux prix des produits assemblés chez-nous qu'il dit être plus cher que ceux importés. L' «épicier» dans un costume de ministre s'arrête à des aspects superficiels et semble pressé de démolir le peu d'industrie qui commence à naître dans le pays, s'acharnant sur des opérateurs économiques créateurs de richesses et les réduisant au statut mineur d'importateurs-déguisés. Le mot n'a pas été prononcé pour tous les chefs d'entreprise, mais l'on devine aisément, dans l'attitude et le discours du ministre de l'Industrie et des Mines, une tendance à la suspicion systématique et une réelle volonté de détruire tout ce qui a été édifié durant plusieurs années, dans le domaine de l'industrie. Mahdjoub Bedda ne se casse même pas la tête de savoir ce qui peut empêcher les entreprises algériennes à investir le marché international, parce qu'il les juge incapables de réaliser pareille prouesse. Visiblement mal informé de la réalité de l'économie algérienne, l'homme se contente de donner des coups à ce qui existe déjà, sans prendre la peine d'en tirer le meilleur. Il ne sait pas qu'un assembleur de camions a déjà réalisé des exportations, que plusieurs assembleurs de smartphones et d'électroménagers ont fait de même et qu'au lieu de leur couper les ailes, il aurait été plus judicieux de les accompagner pour améliorer leurs performances à l'international. l'opinion nationale n'a absolument rien vu de constructif Là n'est pas la principale préoccupation du ministre qui, depuis son arrivée à la tête de l'Industrie nationale, n'a rien fait d'autre que de fermer les robinets. En près de trois mois, l'opinion nationale n'a absolument rien vu de constructif dans l'action de Mahdjoub Bedda. Le même constat est d'ailleurs à faire concernant l'autre pan de l'intitulé de son ministère. Le secteur des mines est resté aphone. Pourtant, il devrait constituer une priorité. Le ministre l'énonce comme tel, mais lorsqu'on lui pose la question sur le fameux projet de l'extraction de phosphate en association avec des entreprises indonésiennes, il se contente d'annoncer la mise en place d'une commission d'audit. En définitif, contrairement à son prédécesseur, Abdesslam Bouchouareb, qui avait une réelle vision de ce que devrait être l'industrie nationale à moyenne et longue échéance, Mahdjoub Bedda a accepté le poste qu'il occupe juste pour mettre en oeuvre un certain nombre de décisions, dans l'ignorance totale de ce que celles-ci peuvent constituer de dangereux pour l'économie du pays.