L'absence de nombreux sénateurs illustre «l'intérêt» que ces derniers portent à l'action gouvernementale. «Laisser faire, laisser passer», disait l'éminent économiste britannique Adam Smith. Face à quelque 80 sénateurs, sur les 148 sièges que compte la chambre haute du Parlement, venus, officiellement, débattre de la déclaration de politique générale du nouveau gouvernement, Ahmed Ouyahia n'a pas dérogé à la règle. Chiffres de l'ONS en main, ton rassurant, document à l'appui... bref, il a prononcé un discours charpenté qui, toutefois et comme il fallait quelque peu s'y attendre, n'a pas fait broncher les élus du peuple. L'ambiance à l'intérieur de l'hémicycle Zighoud-Youcef a pris un sérieux coup de chaleur. Bien sûr, l'été approche et les vacances estivales - tant attendues - pointent à l'horizon. Il ne faut surtout pas compter sur les membres du Conseil de la nation acquis, dans leur grande majorité, au parti du chef du gouvernement, pour mettre à ce dernier des bâtons dans les roues, comme ce fut le cas, il y a quelques jours à l'APN, les députés du FLN, du PT et d'El Islah avaient vivement critiqué la politique du gouvernement. D'ailleurs - bizarre pour une institution dont le rôle principal est le contrôle de l'Exécutif - les membres du gouvernement se sont tous, et sans exception aucune, présentés à l'hémicycle tandis que le nombre des absents de l'autre côté du perchoir est patent. S'il ne fait aucun doute que la majorité des sénateurs adopteront, mot pour mot, la feuille de route proposée qui n'est en fait que l'appendice du programme du président de la République, il y a lieu de s'interroger sur le calme «précaire» des élus du FLN, qui ont fait plutôt montre de pondération, se contentant tantôt de vanter les mérites de la politique du chef de l'Etat, leur premier et suprême chef et tantôt de soulever quelques détails complètement inappropriés et qui tiennent beaucoup plus de la rubrique des chiens écrasés que de celle de politique générale. Ceux du MSP, comme à l'accoutumée, font la pluie et le beau temps, face à leur chef de file, tout sourire, heureux de la nouvelle stature politique, celle qui lui permet faire, ne serait-ce pour quelques secondes, le tour du propriétaire dans les couloirs luxueux de l'institution. A l'exception de l'ire qui s'est emparée de la formation islamiste suite à la suppression de la filière des sciences islamiques des lycées et les «fetwas» politiques fricotées à volonté. Pour ce faire, les élus de l'ex-Hamas, n'ont pas été si méchants comme certains commentateurs incrédules le pensaient. Le seul sénateur que compte le plus vieux parti de l'opposition, n'a pas jugé utile de se mettre de la partie. L'approbation est acquise et il n y a pas lieu, dès lors, de croire au père Noël. Les membres du gouvernement, eux, savaient, l'ambiance combien oppressante du Sénat. Temmar, de nouveau dans le staff, a eu du mal à saisir les subtilités de la langue arabe châtiée. Tout bonnement, il a mis un casque «interprète», pour mieux comprendre le discours de son chef. Zerhouni, en vrai bosseur, n'a cessé, tout au long de la matinée, de consulter, voire scruter des documents qui ont beaucoup retenu son attention. Les autres, osaient, de temps à autre, quelques sorties en dehors de l'hémicycle, histoire de prendre un peu l'air ou, peut-être de «tuer» le temps. Car, outre la chaleur suffocante d'hier, le programme du gouvernement sera, sans nul doute, adopté et «advienne que pourra» comme nous l'a confié un sénateur du tiers présidentiel, sous le couvert de l'anonymat.