20 Août 1955/20 Août 1956! L'Algérie célèbre aujourd'hui, deux dates charnières qui ont inversé le cours de la révolution. La première a redynamisé la lutte de libération, la seconde lui donna un socle politique et stratégique. Il est patent qu'en évoquant le «20 Août» nous avons à l'esprit les «deux» 20 Août qui ont redonné du sens à un combat que d'aucuns estimaient sans issue. Soixante-deux ans et soixante et un ans après, ces deux évènements demandent à être mieux appréhendés et restitués dans le contexte de l'époque de la lutte des peuples coloniaux pour l'indépendance. Le 20 Août 1956 a été un tournant dans l ́histoire de l ́Algérie d ́une manière générale, celle de la guerre de Libération nationale plus particulièrement. Si le 20 Août 1955 - sursaut révolutionnaire du Constantinois - a replacé la guerre de Libération dans la trajectoire tracée par l ́Appel du 1er Novembre 1954, le 20 Août 1956 a donné aux dirigeants de la Révolution, dans la conjoncture du congrès de la Soummam, d ́affiner et de préciser les objectifs et les priorités de la Révolution, comme d'investir une direction dont la lourde charge était de mener la révolution jusqu ́à sa conclusion: l ́indépendance pour l ́Algérie. De fait, les «20 Août» ont redistribué les cartes du combat libérateur dans le sens qui lui a été tracé par l'Appel du 1er Novembre 1954, Appel confirmé donc par le congrès de la Soummam du 20 Août 1956. Aussi, le 20 Août a-t-il redonné du souffle à la révolution, fait taire les divergences et mis chacun face à ses responsabilités historiques qu'il(s) avai(en)t à assumer. Il faut relever cependant le fait que peu d'Algériens connaissent réellement les péripéties qui ont été celles induites par l'avènement des «20 Août». On évoque le «20 Août» 1955 et 1956 - dont nous célébrons les 62e et 61e anniversaire - mais que connaît la génération post-indépendance du 8 Mai 1945 qui prépara l'avènement du 1er Novembre 1954, du 19 Mai 1956, du 28-4/Janvier/Février 1957, du 19 Septembre 1958, du 11 Décembre 1960, du 17 Octobre 1961, du 19 Mars 1962 et, ce n'est pas le moindre, des 1/3/5 Juillet 1962, dates qui ont jalonné la révolution et écrit les plus belles pages de notre Histoire? Peu de choses en vérité! Cette carence n'est pas due uniquement aux historiens [auxquels il appartenait, appartient en fait, de faire la lumière sur cette période de notre Histoire, mais aussi sur «toute» notre Histoire, ancienne et contemporaine] mais (surtout?) à la chape de plomb que les responsables politiques du pays ont imposée, depuis l'indépendance, sur la connaissance des faits et des gestes d'une révolution qui a bouleversé le concept même de lutte pour les indépendances, avec pour résultante la libération du continent africain. Mais cette révolution et ses événements restent méconnus du peuple algérien et particulièrement de la jeune génération. Si la révolution a triomphé c ́est grâce à l ́adhésion du peuple algérien dans son ensemble, qui a mis en échec les tentatives de division de la France coloniale. C'est également l'extraordinaire effort diplomatique du FLN dont les envoyés ont sillonné la planète pour faire connaître la Révolution algérienne, ce sont aussi, les écrivains et les artistes algériens qui ont mis leurs plumes et leurs pinceaux au service du combat libérateur, contribuant grandement à expliquer au monde, dans des messages forts, une révolte populaire qui a changé la notion du combat pour l'indépendance. Alors, sommes-nous, comme on ne cesse de le faire croire, un peuple sans Histoire, donc sans mémoire? Certes non, l'Histoire atteste - cf; Gaia, Syphax Massinissa, saint Augustin, la Kahina, Tarek Ibn Ziad, l'Emir Abdelkader, Ahmed Bey - que l'Algérie est l'un des plus anciens territoires habités et policés de l'Histoire universelle. Or, cette maxime peut, dans plusieurs cas, s ́appliquer à un pays qui a laissé, dans l ́ombre, des faits et des évènements relatifs à son histoire. C'est cela le paradoxe de l'Algérie, riche d'une Histoire multimillénaire, ignorante de son passé historique et méconnaissant son histoire contemporaine. Or, l'histoire reste ce lien dans lequel se ressource la nation en assumant ce qu ́elle a fait et pu faire de positif et, certes, également ce qui lui fut imputée comme négatif. C ́est seulement de cette manière que l ́on réconciliera les Algériens avec eux-mêmes et avec leur Histoire. Aussi, commençons par comprendre la symbolique des «20 Août».