Quel «20 Août» célébrerons-nous samedi prochain? Celui de 1955 qui a induit le sursaut révolutionnaire, il y a soixante et un an? Celui de 1956 et le congrès de la Soummam, il y a soixante ans, qui donna à l'Algérie ses premiers textes doctrinaux? Celui de 1957 et la rencontre du Caire qui a vu les premières fissures dans la citadelle frontiste, avec l'apparition du clanisme? Ou encore le 20 Août 1958 avec les premières purges dans les rangs du FLN? En fait, le mois d'août aura été un mois spécial qui jalonna et marqua la marche de la Révolution algérienne. Si les deux premières dates sont ponctuellement célébrées, il n'en est pas de même pour les autres, supprimées des faits du Mouvement national. Et pour cause! C'est dire combien ces dates de notre parcours historique sont importantes pour l'Algérie, pour les Algériens. Mais au fait, que savent réellement les Algériens de leur histoire, de l'histoire de la Révolution et plus singulièrement du Mouvement national? Autant dire rien, de fait, pas grand-chose dès lors que l'histoire officielle et les manuels scolaires sont restés muets sur ces épisodes, néanmoins sensibles, de notre Révolution. Aussi, n'est-il pas temps de réhabiliter outre l'histoire de notre Révolution, les hommes qui ont été derrière l'avènement du plus fondamental évènement politico-militaire de la deuxième moitié du XXe siècle, dont l'impact direct a été la libération des peuples africains et asiatiques du joug de l'oppression et de la colonisation. La guerre d'Algérie avait notamment libéré l'Afrique et induit une nouvelle approche par les dirigeants du monde du fait colonial dont l'aboutissement le plus congru a été l'adoption par l'Assemblée générale de l'ONU de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux [Résolution 1415 (XV) du 14 décembre 1960] trois jours après les massacres des manifestants de Belcourt (Alger) par l'armée française d'occupation. Simple coïncidence? Le fait est que le peuple algérien est sorti en masse dans les rues le 11 décembre 1960, avec les retombées que l'on sait. Cela n'a pas été assez souligné, d'autant que la France avait tout tenté [à l'époque] pour s'opposer au vote de cette résolution qui allait bouleverser la carte géopolitique mondiale. Les «20 Août» ont donc été des moments-clés dans la nouvelle donne politique internationale qui a mis au banc de la société les pays colonialistes, accélérant les indépendances des peuples, singulièrement en Afrique où la France - notamment - s'est délestée de ses colonies africaines pour défendre «ses départements français» d'Algérie. Mais la roue avait tourné. Il était trop tard et ce que Paris persistait à qualifier «d'évènements» d'Algérie a été bel et bien une guerre sanglante livrée par la quatrième puissance mondiale de l'époque au peuple algérien. Ce tournant historique, les «20 Août» l'ont rendu irréversible, car il n'était plus possible de revenir en arrière. La fable de l'«Algérie française» avait vécu. Le sursaut révolutionnaire du 20 Août 1955, dans le Nord-Constantinois, remettait les choses à l'endroit; le 20 Août 1956 - c'est en fait le moment le plus crucial de la Révolution algérienne - s'est tenue le Congrès de la Soummam, en plein coeur de l'Algérie combattante, donnant à la Révolution ses premiers textes doctrinaux et une assise politique; le 20 Août 1957 - date curieusement passée sous silence par l'histoire officielle - constitua en fait une rupture et un tournant dans la conduite de la guerre d'indépendance, avec l'apparition des clans au sein du Mouvement national de libération. Au Caire il y eut une certaine remise en cause des options du Congrès de la Soummam [notamment la primauté du politique sur le militaire] dont les effets se sont manifestés lors du Congrès du Cnra à Tripoli de juin 1962. Si ces épisodes de la guerre de Libération nationale sont quasiment inconnus des Algériens - du moins de la génération post-indépendance - il en est presque de même pour les deux 20 Août «officiels» qui ont marqué la guerre d'Algérie, dès lors qu'une certaine opacité entoure toujours aussi bien le 20 Août 1955, que le 20 Août 1956. Une page blanche qui demande à être remplie. Sur tous ces faits, motus, l'Histoire est restée muette, qui n'a pas cru devoir prendre en charge ces aspects fondamentaux de l'identité nationale et repères de sa légitimité. Les manuels scolaires orientés n'ont pas permis à la jeunesse algérienne de connaître ses héros, ceux qui ont conduit la Révolution. Voilà un pan de notre histoire qui demande à être réhabilité. L'Algérie a perdu un million et demi de ses fils et filles. Pourtant, des villes, villages, rues et avenues du pays continuent de porter des noms étrangers, des cités identifiées par des numéros (Cité des 800 Logements, 1200 Logements..). Ce sont ces repères de l'Histoire de la Révolution - occultés, ou pleins de non-dits - qui font défaut pour comprendre l'Algérie d'aujourd'hui et les ruptures qui l'ont marquée depuis l'indépendance du pays.