Les parlementaires connus pour donner la charge ont accusé l'administration d'être le premier responsable de la prolifération de la corruption. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a essuyé des tirs nourris de la part des parlementaires de la chambre basse qui lui ont demandé de rendre des compte concernant les affaires et les scandales qui ont éclaboussé la place publique. Ils ont exigé que les «nababs» de l'industrie qui ont profité des largesses des banques publiques qui leur ont accordé des crédits faramineux et dont ils n'ont utilisé qu'une partie infime alors que le reste s'est volatilisé, rendent des comptes. Une cinquantaine d'interventions ont été enregistrées hier dans les travées de Zighout-Youcef à l'occasion du débat en séance plénière consacré au projet de loi relatif à la prévention et la lutte contre la corruption. La corruption a suscité inquiétude et appréhension et à un moindre degré, de la satisfaction. Les intervenants ont condamné le phénomène qui gangrène la société du sommet aux bas-fonds. Ils ont néanmoins averti contre la politique du deux poids, deux mesures dans l'application de cette loi en appelant à l'impartialité de la justice dans le traitement des affaires et que cette lutte engagée par le gouvernement ne soit dirigée que vers un parti et non un autre. Allusion faite à la fameuse campagne «mains propres» initiée en grande pompe par l'Exécutif. La transparence et l'intransigeance ont été exigées dans le traitement des affaires liées à la corruption et le blanchiment d'argent, notamment à celles qui concernent les banques privées, certaines institutions et personnalités notamment les scandales qui ont éclaté récemment et qui ont mis sous les feux de la rampe des personnages influents. Le député Boutouiga comme à l'accoutumée n'a pas raté le coche pour acculer le ministre en lui demandant ce qui se passait au sein de son ministère et s'il subissait des pression. Il chargera le ministre en l'interrogeant sur les 2000 milliards accordés par une banque étatique à un investisseur connu pour être à la tête d'une grande entreprise et qui n'a investi que 400 milliards. Houria Bouhired, quant à elle, s'est longuement appesanti sur les missions dévolues à l'organe national chargé de la lutte contre la corruption institué par la mouture. La député propose de revoir «les dispositions de l'alinéa 10 et relatif à la coordination intersectorielle qui est à la charge du chef du gouvernement». Elle ajoute que le ministre doit oeuvrer «à élargir les missions de l'organe aux aspects de détection des infractions majeures commises par les responsables des institutions de la République et tout particulièrement en charge des secteurs stratégiques tels que celui de la justice, de la sécurité, de l'armée, des douanes, des impôts et des collectivités locales. Dans ce cadre, l'organe serait habilité à engager des poursuites à l'encontre de tout fonctionnaire et élu, quels que soient son grade et sa fonction». Ahmed Guerza a fait une intervention dans laquelle il a évoqué le sujet sensible du contrôle sans lequel aucune politique n'est efficace, notamment celui dont a la charge l'institution parlementaire. «Chacun, a-t-il dit, connaît l'importance de l'élaboration des lois de finances et de règlement budgétaire dans l'activité parlementaire universelle. En Algérie, le droit de regard sur les finances publiques et de sanction de l'action gouvernementale est reconnu à notre APN par la Constitution et la loi 84-17 du 7 juillet 1984. Cependant, le contrôle financier est accompli à moins de 20% de la norme légale en vigueur.» Dans son allocution d'ouverture, le ministre a justifié l'élaboration du texte qui revêt une grande importance par le fait que la loi vient «traiter l'un des phénomènes les plus graves dans la société et qui commence à menacer la stabilité et la sécurité de notre pays, à la fois sociale et économique, en raison des effets et conséquences résultant de l'aggravation terrible de la corruption dans sa conception la plus large et globale, de toutes sortes de corruption répugnante». Et d'ajouter: «Le présent projet de loi s'inscrit dans le cadre de la concrétisation effective de la réforme de notre système juridique.» Il enchaînera en rappelant que le texte vise à «l'éradication de la corruption de ses origines et de ses sources, et prend son essor du grand souci d'exécution du programme du président de la République». Il faut signaler que les parlementaires n'ont pas omis de tirer sur l'administration qui est la première responsable dans la prolifération de la corruption. Dans ses réponses aux députés, le ministre s'est voulu sans complaisance. «Tout fonctionnaire de n'importe quelle institution, du simple agent jusqu'au plus haut responsable, est concerné par cette loi. Les délits de corruption sont passibles de 20 ans de prison. Et d'ajouter: «J'ai suivi avec attention les 56 interventions et j'ai enregistré toutes les remarques de ceux qui portent les préoccupations du peuple. C'est la première fois que je fais face à autant d'interpellations. La justice est la responsabilité de tous. La défense de son indépendance concerne tout le monde. Le pouvoir judiciaire n'est pas du ressort du ministre, ce dernier est du pouvoir exécutif». Une précision que le ministre de la Justice et garde des Sceaux a tenu à faire. Il a répliqué aux interrogations concernant la campagne «mains propres». «Nous travaillons dans le silence et la sérénité sans nous soucier des couacs et des agitations des uns et des autres. Ce qui se passe dans mon département avec tout ce que cela suscite de fébrilité n'est que le retour du travail normal qui entre dans le cadre des réformes engagées par le gouvernement. Il n'y a aucun retard dans le traitement des affaires. Notre objectif est de construire l'Etat de droit qui doit être souverain». Le ministre a fait le plaidoyer des juges en les qualifiant de «la fierté du pays». «La corruption n'a pas de couleur», a-t-il affirmé. Revenant sur la loi qu'il propose, il a défendu le fait que son département à travers ce texte, ait la moindre volonté à cibler certaines personnes que d'autres ou de jeter le discrédit ou la suspicion sur qui que ce soit. «La lutte contre la corruption est l'affaire de toute la société, a-t-il ajouté, nous sommes conscients qu'avec ce texte, il nous est impossible d'éradiquer le fléau. C'est pour cela que la prévention est essentielle». Les statistiques qu'il a données sont édifiantes. Il a passé en revue les quatre années où on a enregistré une hausse dans les procès liés aux délits financiers. En 2004, il y a eu 3390 procès liés à la corruption. 1464 procès ayant trait aux détournements de fonds, 448 pour dilapidation des deniers publics. 4091 procès pour contrebande. Il a évoqué «les opérations cultes concernant le financement des partis», des opérations qui seront dorénavant contrôlées. La déclaration des biens touchera tout agent quel que soit son grade. Au cas contraire, des sanctions tomberont, la Cour des comptes sera réactivée d'une manière effective. Et enfin le ministre a demandé aux députés d'user de leurs prérogatives de contrôle.