Le massacre des musulmans dure depuis des années Le Prix Nobel de la paix est la fille du général Aung San, héros de l'indépendance du pays et chantre du nationalisme birman, écartant les différentes composantes ethniques du pays. Aung San Suu Kyi s'inscrit clairement dans cette ligne politique, tracée par les moines bouddhistes. Alors que l'ONU ne cesse de tirer la sonnette d'alarme sur un massacre qu'elle qualifie de génocide, en Birmanie, perpétré à l'encontre de la minorité musulmane, les Rohingyas, par la population et la junte militaire qu'encouragent activement les moines bouddhistes, la lauréate du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi a brillé pendant des semaines par son silence éloquent. Bien que pressée par d'innombrables institutions et personnalités des mondes de la politique, de la culture et des sciences, elle a refusé de s'exprimer sur la question jusqu'à jeudi dernier, pour prendre à contre-courant l'opinion internationale en qualifiant les Rohingyas de «terroristes», justifiant ainsi l'extermination dont ils sont la cible. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette attitude de la «Dame de Rangoun». D'abord, elle est de fait le chef de l'Etat, un Etat où l'armée conserve un poids politique incontournable, même si la fin de la junte paraît «définitive». Elle conserve ainsi les postes de la Défense, de l'Intérieur et des Affaires frontalières. Et elle a un quart du Parlement. Le tout dans une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir civil. Ce sont l'armée et les dirigeants locaux de l'Etat de l'Arakan, dans lequel vivent les Rohingyas, qui ont la position la plus féroce. Autre raison: le prix Nobel de la paix est la fille du général Aung San, héros de l'indépendance du pays et chantre du nationalisme birman, hostile aux autres composantes ethniques du pays. Plusieurs raisons peuvent expliquer le silence de la «Dame de Rangoun». Autre raison: Aung San Suu Kyi s'inscrit clairement dans cette ligne politique et assume, sans sourciller, l'antagonisme atavique entre le bouddhisme et l'islam depuis les temps de la conquête arabo-musulmane. Voilà pourquoi sa sortie du bois pour accuser de «terroristes» les survivants de l'ethnie Rohingyas peut paraître logique. Ce qui l'est moins, c'est qu'en acceptant le couronnement du prix Nobel de la paix, elle a implicitement fait siennes les valeurs et les devoirs qui lui sont attachés. Et ces valeurs et devoirs ne vont nullement dans le sens d'un nettoyage ethnique comme celui que la Birmanie inflige aux musulmans, interdits de citoyenneté, interdits de vivre dans la dignité et dans la paix, interdits d'exil puisque l'armée les poursuit jusque dans leur exode à destination du Bengladesh en disséminant les mines sur les axes et les voies de passage, contraignant le gouvernement de Dacca à protester énergiquement après la mort et les graves blessures d'un certain nombre de Rohingyas dont des femmes et des enfants. Faut-il lui retirer ce prix au nom de ces dizaines de milliers de victimes qu'elle balaie avec un sang-froid effrayant? Rejetant l'enquête de l'ONU sur les massacres et niant farouchement l'existence d'un nettoyage ethnique, malgré les évidences quand on sait que 270.000 Rohingyas, soit un tiers de cette communauté, ont désespérément cherché refuge au Bengladesh au cours des derniers mois, Aung San Suu Kyi a rencontré la chef de la diplomatie indonésienne, Retno Marsudi, venue tenter de faire pression sur la Birmanie.»La violence et cette crise humanitaire doivent cesser immédiatement», avait lancé dimanche passé le président indonésien Joko Widodo conscient de la colère qui grandit dans son pays à ce sujet. D'autres dirigeants des pays musulmans ne pouvaient pas demeurer en reste. L'Iran a réagi par son MAE, Javad Zarif, qui a réclamé «une action internationale pour éviter un nettoyage ethnique» et au Pakistan le MAE a exigé une enquête sur toutes ces «atrocités». Islamabad s'est dit «très inquiet face au nombre croissant de morts et de musulmans rohingyas forcés à se déplacer», alors que le Premier ministre de Malaisie, Najib Razak, stipule que «la situation terrible de nos frères et soeurs rohingyas doit être améliorée pour le bien de la Birmanie et de toute la région». Seul, le comité du prix Nobel n'a pas encore dit son mot sur la question, justifiant la réserve glacée de Aung San Suu Kyi, indifférente à la commission internationale dirigée par l'ex-SG de l'ONU Kofi Anna qui appelait la Birmanie le 24 août à «donner plus de droits à sa communauté Rohingya,(sous-citoyenne dans son pays), faute de quoi elle risque de se radicaliser». Faut-il attendre novembre prochain et le voyage du pape François, ardent défenseur de la cause Rohingya, pour que Aung San Suu Kyi s'en émeuve? Déclaration du ministère des Affaires étrangères L'Algérie a exprimé, hier, dans une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères (MAE), Abdelaziz Benali Cherif, sa «grande préoccupation» face aux violences perpétrées à l'encontre des citoyens birmans de confession musulmane, appelant le gouvernement birman à la «protection en urgence» de ses citoyens Rohingya. M. Benali Cherif a affirmé que «les drames qui se déroulent quasi à huis clos en Birmanie, dont sont victimes les citoyens birmans de confession musulmane, ont atteint des cimes inqualifiables dans l'horreur, selon les informations rapportées par de nombreuses sources médiatiques et diplomatiques», soutenant que «ces violences sont une source de grande préoccupation» pour l'Algérie. «Nous appelons le gouvernement de Birmanie à prendre toutes les mesures qui s'imposent pour faire la lumière sur ces violations et s'acquitter de son devoir de protection de ses citoyens Rohingya», a-t-il poursuivi. «La communauté internationale est également appelée à agir en urgence, notamment dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies et du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, pour mettre un terme définitif à la violence exercée contre cette population vulnérable et prévenir le drame humanitaire dont les contours se dessinent chaque jour davantage»..