C'est bon de dire qu'il faut envoyer les meilleurs, mais combien avons-nous de meilleurs? Le 21 juin courant, la délégation algérienne qui doit prendre part à Almeria, en Espagne, aux 15es Jeux méditerranéens, quittera le pays par un vol spécial. Parmi ceux qui devaient prendre part à ces joutes, beaucoup n'y seront pas. Non pas à cause de défection de dernière minute de la fédération concernée, mais pour d'autres considérations. On rappellera qu'il y a un peu plus de deux mois, l'escrime puis les sports équestres avaient décidé de se retirer, estimant que leurs représentants n'étaient pas en mesure d'assurer une participation honorable. L'opérateur de cette mission des Jeux méditerranéens est le Comité olympique algérien. C'est lui qui, en relation avec les fédérations, arrête la liste des participants. Cela ne se fait pas sur une simple décision. De nombreuses réunions COA-Fédérations ont eu lieu sur le sujet tout en informant le MJS, celui qui est chargé de distribuer les fonds publics pour financer une telle opération. A propos de financement, il est important de signaler qu'à l'heure où ces écrits sont rédigés, le COA n'a reçu aucun centime pour la participation à ces Jeux. De même, pas une fédération n'a reçu de subvention au titre de l'année 2005. Comme d'habitude, cet argent n'atterrira dans leurs caisses qu'une fois la compétition terminée. Cela s'est vérifié l'an dernier avec les Jeux olympiques d'Athènes puis les Jeux sportifs arabes d'Alger. L'argent est arrivé bien après chacune des deux compétitions. Cette année, à son tout début, 10 milliards de centimes ont été alloués à l'ensemble des fédérations au titre, croyait-on, de la préparation de participation aux JM d'Almeria. En fait, ces 10 milliards n'étaient que le reliquat de la subvention attribuée l'an dernier pour les Jeux olympiques d'Athènes et les Jeux sportifs arabes d'Alger. C'est dire que les fédérations sportives jonglent et font du porte-à-porte pour préparer des compétitions internationales. Et avec cela on leur exige des podiums. Le 21 juin donc, certains sportifs engagés aux JM n'iront pas à Almeria. Il y a deux jours, une coupe terrible s'est effectuée dans la délégation algérienne. On avait déjà enlevé l'équipe féminine de volley-ball. Voilà que la suit celle des garçons. Ajoutez à cela la lutte, le tennis de table, l'aviron et une multitude d'athlètes enlevés çà et là dans d'autres disciplines. Le hand serait prêt lui aussi à se retirer. La cause à tout cela : le critère d'excellence, c'est-à-dire on ne prend que celui qui assure une place sur le podium. C'est tout de même drôle parce qu'au départ, avant que la liste de la délégation algérienne soit arrêtée, les pouvoirs publics avaient insisté sur trois critères : l'excellence bien sûr, les jeunes talents et la participation féminine. Pour cette dernière, on a vu comment on a agi avec les filles du volley-ball. Pour les jeunes talents, ils sont peut-être réservés pour les calendes grecques. Reste l'excellence. Et là les pouvoirs publics commettent une erreur. Il faut être réaliste. On connaît fort bien le niveau du sport algérien. Qu'on nous dise quels sont les sportifs excellents que nous avons, c'est-à-dire ceux capables d'atteindre le podium? Ils peuvent être comptés sur les doigts d'une seule main. A partir de là, pourquoi enlever le volley et conserver le football, le basket-ball, la majorité des nageurs, des athlètes et d'autres sportifs alors que l'on sait pertinemment qu'ils n'atteindront jamais le podium? Dans ce cas, puisque le critère d'excellence est appliqué à la lettre, envoyons cinq athlètes à Almeria et arrêtons les frais. Les jeux d'Almeria sont un grand rassemblement de la jeunesse du Bassin méditerranéen. C'est l'occasion pour les pays de la rive nord de rencontrer les pays de la rive sud en un rendez-vous basé surtout sur l'amitié. Le sport est tout à fait secondaire. Ces Jeux ne sont même pas qualificatifs à une compétition du type Jeux olympiques. En enlevant des disciplines à une semaine du début des Jeux, c'est rendre un très mauvais service aux Espagnols qui vont se retrouver à gérer des compétitions bancales. En effet, le hand, le volley filles et garçons étaient placés dans des poules de 3. Imaginez un peu le problème posé au comité d'organisation. En outre, il ne faut pas oublier que des matches avec les équipes d'Algérie étaient programmés depuis longtemps pour la télévision. Ajoutons que des compatriotes installés en Espagne, ont dû prévoir (et acheter des billets) d'assister à des matches des équipes algériennes. On voit un peu ce que la coupe effectuée dans la délégation provoque comme situation cocasse. Et puis n'omettons pas la très mauvaise image du sport algérien que l'on donnera aux fédérations internationales dont les commissaires techniques ne manqueront pas de faire un rapport en ce sens. Il aurait été utopique de penser un seul instant que l'équipe masculine de volley-ball était capable d'un exploit dans ces Jeux. La participation à ces joutes est très relevée avec l'Italie, la Grèce, l'Espagne, la France, la Croatie qui ont pour habitude de jouer la ligue mondiale, c'est-à-dire le top en matière de compétition internationale dans la discipline. Quel intérêt ont ces équipes à venir participer aux JM qui ne servent pas le développement de la discipline dans leurs pays respectifs? Elles y viennent, malgré tout, pour donner la réplique à des formations d'un niveau plus faible juste pour que celles-ci acquièrent de l'expérience et sachent ce qu'est le volley-ball de haut niveau. Ce n'est pas en bloquant des sportifs qu'on leur permettra de s'épanouir. En 1985, l'Algérie organisait les Jeux sportifs nationaux. Cette année-là, une petite fille toute frêle, venue de Constantine, avait pointé son nez dans l'athlétisme. Elle s'appelait Hassiba Boulmerka. Trois ans plus tard, on avait décidé de l'engager aux Jeux olympiques de Séoul en tant qu'invitée ( elle n'avait pas réalisé les minimas). Elle était donc allée en Corée du Sud et elle n'avait rien gagné. Il n'empêche que la petite avait côtoyé les plus grands noms de l'athlétisme et avait gagné en expérience. Surtout dans la gestion des grands événements. En 1991, elle a été sacrée championne du monde du 1500 m à Tokyo. Un an plus tard, ce fut l'or olympique à Barcelone. Si on avait appliqué, à l'époque, les critères de sélection qui prévalent aujourd'hui, Hassiba ne serait jamais partie à Séoul aux JO de 1988, tout comme elle n'aurait pas participé aux mondiaux d'athlétisme de Tokyo en 1991 puisqu'au départ elle n'avait aucune chance d'accéder au podium. On doit donc éviter de briser un élan. Qui sait si parmi ceux à qui on vient d'interdire de participer aux JM, il n'y a pas de la graine de champions? De la graine à qui on a brisé un rêve car on suppose que ces sportifs sont en préparation depuis longtemps. D'ailleurs, le fait que la coupe ait eu lieu signifie que de nombreux stages (payés bien sûr) ont été faits pour rien. On ajoutera que ce n'est pas la première fois qu'on retire des athlètes en dernière minute. On l'avait déjà fait en 2001 (Tunis), 1997 (Bari) et 1993 (Languedoc-Roussillon). Il n'est pas interdit de retirer des disciplines mais le mieux est de le faire suffisamment à l'avance pour éviter que de l'argent soit investi pour rien. Cette année, le comité d'organisation des JM a donné le 22 avril comme date limite pour réserver au niveau du village méditerranéen. Le COA avait réservé pour 300 personnes et payé comme avance 30% de la somme totale. Cela signifie que l'argent qui a été payé pour les sportifs qui n'iront pas à Almeria, l'a été pour rien. On dira que ce sont les fédérations qui ont décidé de se retirer d'elles-mêmes. Le moins que l'on aurait pu faire, dans ce cas, c'est de leur imposer la participation pour éviter que l'argent ait été investi pour rien. Enfin, on termine sur le comité international des Jeux méditerranéens dont le président est M. Amar Adadi, un Algérien. A Almeria, il y aura le renouvellement de cette instance. On a très mal servi notre représentant en retirant un certain nombre de disciplines et de sportifs. Comme si l'Algérie avait un tas de présidents d'instance sportive internationale.