Prenant ses fonctions de Premier ministre, le 13 mai 1940, Winston Churchill use de son art dévastateur et de son redoutable génie de la rhétorique pour mobiliser le peuple britannique face à «la peste nazie». Dans son discours, resté célèbre, prononcé devant les députés, il a asséné cette foudroyante formule: «Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur.» Empruntés au registre de la souffrance, ces quatre mots ont eu l'effet de boulets de canon qui allaient éclabousser les Panzers allemands aux portes de Bruxelles et de Paris. Plus de soixante-dix ans plus tard, nous voilà à peu près dans la même problématique, celle qui consiste à user de l'éloquence des mots pour mobiliser une population, même si le contexte est totalement différent. Sollicitant la magie des mots, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a opté pour un triptyque fait d'espoir, de sérénité et de réalisme dans un message qu'il a adressé aux Algériens dans ce contexte économique très difficile. «J'adresse aux Algériens un message d'espoir et de sérénité politique reposant sur des bases réalistes que nous aurons l'occasion d'expliquer ultérieurement», a indiqué Ahmed Ouyahia dans une déclaration à la presse au lendemain de sa réunion avec les chefs des partis de la majorité parlementaire consacrée à l'examen des grands axes du plan d'action du gouvernement. Il y a un aveu, une sincérité et un engagement dans ce triptyque. Le Premier ministre reconnaît que le pays est en pleine bourrasque financière, il avoue la détresse économique, mais ne renonce pas. Il s'engage. Ainsi, évoquant le plan d'action du gouvernement, qui sera exposé dimanche prochain devant les députés, Ouyahia a affirmé que l'objectif premier de ce texte «très riche est de parachever la mise en oeuvre du programme du président Bouteflika, plébiscité par le peuple en 2014», saluant les étapes franchies sur la voie de sa concrétisation durant les trois dernières années et demie à travers le nouveau modèle de croissance approuvé en Conseil des ministres en 2016. Après trois années de crise, le pays n'a pas sombré dans l'abîme grâce à «la politique éclairée tracée par le chef de l'Etat qui a permis de trouver une sortie à l'impasse financière qu'a connue le pays». Le Premier ministre donne le sens des faits et tente de trouver la formule juste pour souligner des batailles décisives. Il atténue les critiques et arrondit les extrêmes. Les plus terribles déroutes peuvent ainsi se convertir en victoires par la magie des mots. Après avoir rappelé que l'Algérie a opté depuis plus de vingt ans pour le pluralisme politique et dispose aujourd'hui d'institutions élues représentatives, Ahmed Ouyahia a souligné que «c'est l'un des rares pays dans le monde dont le Parlement est composé de 35 partis politiques» et que «l'Algérie jouit aujourd'hui d'une liberté d'expression rare et évolue en tant que pays en développement avec ses difficultés et ses succès sous la conduite du président Abdelaziz Bouteflika». Pour le Premier ministre, le débat politique sur la conjoncture économique difficile que traverse le pays et les tentatives d'exacerbation du climat politique s'expliquent par l'approche des échéances électorales, ajoutant que «certains saisissent l'occasion pour leurs pré-campagnes électorales». Par son triptyque, Ouyahia vient de nous installer dans la vraie communication de crise, la vraie communication de mobilisation. Un chantier est désormais ouvert. Il lui faut ses artisans et ses orfèvres.