Les spéculations n'en finissent pas autour du nouveau chef d'Etat iranien. Qui est le nouveau président iranien, l'ange que voient en lui les millions d'Iraniens qui l'ont porté à la magistrature suprême, ou la face cachée du démon, le «taliban» ressuscité ou le «fasciste» en gestation comme le regardent beaucoup en Occident? De fait, plus modestement, Mahmoud Ahmadinejad, estime n'être que «le petit serviteur du peuple» iranien (ce qui ne manque pas de rappeler le fameux «petit père des peuples» de Russie qu'a été en son temps Staline de triste mémoire) Bref, l'inconnu de Téhéran fait problème, fracassant la hiérarchie établie et démentant tous les sondages et spéculations, il se pose comme une énigme dans un champ politique iranien lui-même occulte! L'Occident s'alarme et s'inquiète, s'interroge sur le devenir de ses relations avec l'Iran des mollahs, tandis que les timides ouvertures initiées par Mohammed Khatami semblent devoir passer par pertes et profits. En Iran même, les réformistes et les «modérés» fustigent une victoire qu'ils estiment loin d'être limpide, ni aussi loyale qu'on veut le faire croire. Le nouveau président iranien, semble ainsi, dans une première approche, faire l'unanimité contre lui, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'Iran. Et sa première déclaration, en tant qu'élu, n'est guère faite pour rassurer, quand M.Ahmadinejad, dont l'intronisation est prévue le 3 août, rendant hommage à l'imam Rouhollah Khomeyni affirme que «La voie de l'imam, c'est la voie absolue de la République islamique, il a été l'artisan de la Révolution, il est la référence de la Révolution». Cela ne facilite pas non plus la lecture des possibles qu'offre le nouveau président. Toutefois, les milieux diplomatiques iraniens s'astreignaient à rassurer en indiquant que «La politique du régime est une politique de détente. C'est une des grandes lignes de la politique du régime, et cela va continuer», déclarait hier Hamid Reza Assefi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, interrogé par la presse sur l'avenir des relations de l'Iran avec la région après l'élection de M.Ahmadinejad. «Nous poursuivons avec les autres pays une politique de confiance, de coopération et de participation. Nous allons étendre encore davantage les relations avec les pays de la région», a-t-il dit. «Je ne crois pas que les grandes lignes de la politique du régime changeront avec le nouveau président» a-t-il estimé. Ce dernier a déclaré hier, que l'Iran «n'avait pas vraiment besoin» de relations avec les USA et assurer en revanche que son gouvernement poursuivra les discussions sur le nucléaire avec l'UE. Seul l'avenir dira quelles sont les intentions du nouveau président en matière de relations internationales et surtout quelle sera sa marge de travail, -c'est sans doute cela qui donnera la vraie dimension politique du nouveau chef de l'Etat iranien-, et son indépendance politique, même relative, par rapport aux religieux qui dominent le champ politique iranien. La situation est en vérité assez inédite dans la mesure où l'intronisation de M.Ahmadinejad, réputé ultraconservateur, un ‘'pur et dur'' élevé dans la foi du khomeynisme, brouille les cartes et rend illisible un espace politique iranien passablement chahuté par le rigide contrôle qu'opère sur lui le Conseil des Gardiens, institution non élue, véritable Etat dans l'Etat, cause première de l'échec des réformes initiées par M.Khatami. Dans une première allocution à la télévision nationale, Mahmoud Ahmadinejad, a dit sa détermination à «travailler» avec tout le monde et «invite» ses anciens adversaires à collaborer avec lui, indiquant: «J'invite tout le monde. Le temps de la compétition électorale est révolu et celui de l'amitié a commencé. Notre gouvernement sera, si Dieu le veut, celui de la gentillesse, du travail et de l'effort». Il est cependant resté vague sur ce qu'il compte faire dans l'immédiat, tant au plan interne, que celui des relations de l'Iran avec l'étranger n'évoquant à aucun moment le problème qui préoccupe en priorité l'Occident, le nucléaire et l'intention de Téhéran de reprendre l'enrichissement de l'uranium. Sur ces points, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, M.Assefi, a affirmé devant la presse, que «le nucléaire est une affaire de macro-politique, cela ne change pas avec le changement de président», répondant aux inquiétudes de l'Occident devant un éventuel durcissement après l'élection de M.Ahmadinejad. M.Assefi a souligné que «les négociateurs sont choisis à un haut niveau (du régime) et ils vont suivre la même voie que jusqu'alors, cela n'est pas un sujet d'inquiétude». Sur cette question du nucléaire, le consensus semble en fait total entre les différents hommes politiques iraniens, comme l'a montré la campagne électorale présidentielle. Au plan interne, le vaincu du scrutin du 24 juin, Akbar Hachemi Rafsandjani, ne décolère pas et accuse ses adversaires en dénonçant «d'énormes irrégularités» et les «conditions de sa défaite» affirmant: «Ils ont utilisé les moyens de l'Etat de manière organisée et illégale pour intervenir dans l'élection», et dit son scepticisme quant au dépôt d'un recours: «Je ne compte pas déposer de recours auprès de juges qui ont montré qu'ils ne peuvent ou ne veulent rien faire», en référence, estime-t-on, au Conseil des gardiens, clé de voûte du système islamique. Plus concret, le président sortant, Mohammed Khatami, appelle au respect du résultat de la présidentielle. Pour l'heure, il faut faire avec l'inconnu Mahmoud Ahmadinejad, dont la dimension politique reste un mystère.