Angela Merkel semble assurée de rempiler pour un quatrième mandat de chancelière après les élections de dimanche. Mais l'incertitude est totale sur ses futurs partenaires au gouvernement et sur le cap futur de l'Allemagne. Les sondages prédisent tous une confortable victoire à la dirigeante conservatrice, au pouvoir depuis déjà 2005, même si son parti se tasse dans la dernière ligne droite face à la poussée des extrêmes. L'institut Insa a crédité mardi son camp démocrate-chrétien de 36%, loin devant les sociaux-démocrates de Martin Schulz (22%), dont la campagne sur le thème de la justice sociale ne mobilise pas dans un pays proche du plein-emploi. S'ils en restent là, les conservateurs allemands seront néanmoins proches du niveau de leur défaite en 1998 (35,1%) et contraints de chercher un ou plusieurs alliés. De quoi ternir quelque peu le succès d'Angela Merkel. Et de compliquer sa tâche pour former une coalition majoritaire dans les prochaines semaines. «Je dis à tout le monde que cette élection n'est pas encore décidée», a-t-elle prévenu mardi sur la chaîne RTL, manifestement préoccupée par le léger repli de son mouvement dans les enquêtes, «chaque voix compte». La Chambre des députés s'annonce émiettée, avec pas moins de six partis appelés à y être représentés, du jamais vu depuis 1990. A commencer par les extrêmes, la gauche radicale et surtout la droite nationaliste et anti-migrants de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), premier parti de ce type à entrer en force dans l'enceinte depuis 1945. Tous deux sont crédités d'au moins 10%. «Nous ne savons pas vraiment quel type de gouvernement nous allons avoir, le suspense politique viendra après le vote de dimanche», résume Sudha David-Wilp, analyste au German Marshall Fund. L'AfD et la gauche radicale ayant été d'emblée exclus, restent l'option d'une reconduite de l'alliance droite-gauche avec les sociaux-démocrates, qui rebute toutefois une part grandissante de la base du SPD et de l'opinion, ou un accord avec les deux derniers partis promis au Bundestag, les Libéraux du FDP et les Verts. Le FDP, ressuscité avec un programme clairement à droite après avoir été éjecté en 2013 du Bundestag, est a priori un allié naturel des conservateurs, avec qui il a gouverné entre 2009 et 2013. Problème: le FDP, crédité de 9% des voix, n'est pas en position à lui seul de donner une majorité à Mme Merkel, qui pourrait alors tenter d'élargir le duo à un trio avec les écologistes. Une constellation qui existe déjà depuis peu au niveau régional dans le nord de l'Allemagne. Cette alliance inédite au niveau fédéral, s'annonce toutefois difficile à réaliser, tant les différences de fond sont importantes entre Verts et FDP, proche des milieux d'affaires, notamment sur l'avenir du diesel. Autre sujet de conflit: les Libéraux lorgnent sur le portefeuille des Finances de Wolfgang Schäuble, poids-lourd du parti d'Angela de Merkel et qui n'entend en rien passer la main. Plus fondamentalement, une alliance avec le FDP risquerait de compliquer les projets de réforme de la zone euro promus par le président français Emmanuel Macron et que Mme Merkel s'est dit prête à discuter. Le FDP y est opposé car il craint de voir l'Allemagne payer pour les autres pays. Un casse-tête pour la chancelière qui va devoir s'atteler après le scrutin à des négociations «assez difficiles et longues», prédit Thorsten Benner, du Global Public Policy Institute. Les tractations se dérouleront dans un climat que l'entrée prévue au Bundestag de la droite populiste va contribuer à tendre dans les prochains mois. La campagne semble «ronronner, mais il y a aussi beaucoup de colère», dans une partie de l'opinion du fait de l'arrivée d'un nombre record de migrants ou du creusement des inégalités, analyse M. Benner. L'AfD semble aussi imperméable aux polémiques, même lorsqu'un de ses dirigeants, Alexander Gauland, fait l'éloge des soldats de l'armée du IIIe Reich. «C'est la première fois depuis plus de 70 ans que nous aurons des Nazis au Reichstag», a clamé le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel.