Le Premier ministre a fait ce qu'un chef de la majorité est appelé à faire en de pareilles circonstances Ce n'est pas la première fois que l'on assiste à ces joutes verbales quelque peu violentes, mais à chaque fois, Ahmed Ouyahia en est l'un des acteurs. Ahmed Ouyahia a gagné un double pari, ce jeudi à l'APN. Il y a eu d'abord, celui classique de la votation. Le Parlement a majoritairement approuvé le plan d'action de son gouvernement. Le Premier ministre en a profité pour mettre en évidence les acquis physiques du pays, en réponse aux nombreuses critiques des députés de l'opposition. Les logements, les hôpitaux, les barrages et autres universités réalisés en 18 ans, attestent, selon Ouyahia, d'un développement, appréciable qui repose sur l'oeuvre majeure qu'est la Réconciliation nationale.Le second pari est d'ordre politique. Le Premier ministre a fait ce qu'un chef de la majorité est appelé à faire en de pareilles circonstances. Il a donné du sens à la démocratie. Cela suppose, en effet, la prise de risque d'une altercation entre la majorité parlementaire et l'opposition, sans que cela ne sorte de l'enceinte législative. De fait, les Algériens ont été témoins d'une passe d'armes politique. Ahmed Ouyahia qui s'est adressé à l'ensemble des députés a pris le soin de séparer ce qu'il pourrait qualifier du «bon grain de l'ivraie». L'homme politique qui a toujours su jouer à merveille le rôle de «sniper» a choisi ses cibles et tiré dans le mille. Quoi qu'en disent les partis «victimes» de la précision du Premier ministre, ils ne peuvent pas rétorquer que l'homme a menti ou qu'il a déformé certaines réalités. Pour le dialogue, tamazight, l'appel à la révolution ou les appels du pied pour entrer au gouvernement, Ahmed Ouyahia n'a rien fait d'autre que de rafraîchir une actualité que tout le monde connaît en Algérie. Même les «saignées» que vivent ces partis et qu'on imputait, il y a quelque temps, aux manigances machiavéliques des services de renseignements, sont des faits vérifiables. Que Ouyahia réveille ces «mauvais» souvenirs, pour «déshabiller» une opposition qu'il estime trop extrémiste passe pour un exercice normal dans n'importe quelle démocratie de par le monde. Un chef de l'Exécutif est légitimement en droit de répondre aux attaques proférées par des partis de l'opposition parlementaire. Dans le cas de figure de l'Algérie, c'est même un signe de bonne santé de la démocratie qui n'a manifestement pas un Parlement passif, dominé par le pouvoir exécutif. Les députés de la majorité ont le droit d'appuyer le gouvernement et leurs confrères de l'opposition ont également le droit de le «démolir», sans que cette querelle ne soit transportée dans la rue. C'est la définition même d'une démocratie parlementaire où les électeurs sont censés déléguer leur «espoirs» ou leur «rage» à des représentants qui doivent l'exprimer face au gouvernement. On n'a donc pas assisté à un «spectacle» politicien, mais à un échange franc entre deux tendances qui composent le paysage politique national. Dans l'arène qu'a représentée l'Assemblée populaire nationale, il n' y a eu que trois vainqueurs: la liberté d'expression, le droit à la critique et l'obligation d'écouter l'Autre. Sur cet aspect du débat parlementaire qui a retenu l'attention de la sphère politique durant toute une semaine, il est clair que l'Algérie a marqué des points. Ce n'est pas la première fois que l'on assiste à ces joutes verbales quelque peu violentes, mais à chaque fois, Ahmed Ouyahia en est l'un des acteurs. Maîtrisant parfaitement l'art de la communication politique, le Premier ministre use sans modération de l'espace que procure la démocratie naissante en Algérie. Tant, il est dit que la politique c'est d'abord l'art de bien s'exprimer pour convaincre, l'Assemblée est le lieu idoine pour reculer à chaque fois les lignes rouges. Cette mission incombe à l'opposition. Et celle-ci a ses propres «communicateurs». On a vu des interventions d'une grande hardiesse et des tabous brisés dans l'enceinte du Parlement. L'opposition, qui bénéficie d'un rôle institutionnel dans la nouvelle Constitution, est une composante essentielle de la démocratie. Et c'est en tant que telle qu'elle mérite, elle aussi, d'être acculée à ses derniers retranchements, justement pour donner aux «lignes rouges» brisées tout leur poids dans la construction de cette démocratie. Ne faut-il donc pas interpréter la «dispute» entre le «pouvoir» et l' «opposition», comme un moment tout à fait naturel, comme on pourrait le constater dans n'importe quelle Assemblée de n'importe quel pays démocratique. C'est dire que Ahmed Ouyahia a su obtenir son quitus de l'APN avec l'art et la manière.