Celui qui a porté haut la voix du chant targui, a été inhumé hier dans l'après-midi. C'est dans l'air du temps. Nos artistes, on ne reconnaît leur talent de façon officielle qu'après leur décès. C'est le cas du chantre de la musique targuie, Athmane Bali, disparu tragiquement avant-hier à Djanet, suite à la crue provoquée par les fortes chutes de pluie qui se sont abattues sur la région, jeudi et vendredi derniers. Ce n'est qu'après leur décès qu'on s'exprime pour se lancer dans des harangues hortensiennes. Devra-t-on se contenter de cela? Dans un message adressé à la famille du défunt, le président de la République a tenu à rappeler les qualités de Atmane Bali. Il était un «artiste talentueux qui restera à jamais dans le coeur de tous les Algériens de par sa sincérité, sa sensibilité et le choix rigoureux des paroles, de sa musique au caractère spécifique reflétant la profondeur de l'histoire et l'authenticité du patrimoine». Athmane Bali, de son vrai nom Mebarek Athmani, a été surnommé le blues de l'oasis. Il est né en 1953 à Djanet, au village d'Ouballou, dans un environnement de mélomanes et de poètes. En 1995 et 1997, le chanteur enregistre deux CD dans la capitale française, assouf (nostalgie) et assarouf (le pardon) avec Steve Shebran, un percussionniste bassiste franco-américain, avec qui il travaillait depuis 1992. Aussi, le travail remarquable qu'il a réalisé avec le saxophoniste français, Padovani, demeure l'un des exploits les plus salués. Car opérer une fusion entre le jazz et le tindi n'est pas de tout repos. Ça demande quand même beaucoup de doigté et d'imagination créatrice. Chose qui ne manque pas à notre artiste. Le spectacle animé par ce duo, présenté en fin mai dernier à l'Agora de Riadh El Feth a laissé des empreintes indélébiles chez les nombreux fans qui étaient venus assister à un métissage musical hors pair. Sa dernière apparition remonte à une dizaine de jours. Il a été invité à l'émission Fen Bladi, produite par Canal Algérie. Il était à la fois auteur, compositeur et interprète du Tindi. C'est lui qui a sorti ce genre musical de la région de Djanet pour le transporter à d'autres parties du territoire national et à l'étranger, reconnaissent nombre de spécialistes. Il a animé plusieurs festivals et galas en Algérie et à l'étranger, et était un virtuose de l'Imzad, instrument à corde faisant la spécificité du genre musical targui. Son orchestre avait pour caractéristique d'être constitué des principaux membres de sa famille dont sa mère. «Il en fut l'excellent ambassadeur à travers de nombreuses capitales du monde entier. De Prague à Pékin, de Paris à Londres, de Tokyo au Caire, il a porté la parole, le message des hommes libres de notre grand Sahara», a noté la ministre de la Culture Mme Khalida Toumi. Ainsi, après la disparition de celui qui a porté haut la voix du chant targui, qu'en sera-t-il de l'avenir, ou plutôt du devenir du tindi? C'est une question qu'il faut se poser, d'autant plus que des artistes issus du Grand Sud, de la carrure de Athmane Bali, ne sont pas légion. Il y a certes quelques groupes dispersés çà et là, mais ils disparaissent avant même leur apparition. Et le tindi, qui fait partie du riche patrimoine culturel national, devra être promu et protégé. Cela notamment, à une époque où les genres musicaux poussent comme des champignons.