L'euphorie de la victoire à la présidentielle semble bien oubliée pour Emmanuel Macron en chute libre dans les sondages Emmanuel Macron pourrait bien essuyer sa première déconvenue électorale demain lors du renouvellement de la moitié du Sénat français, ce qui ne l'empêcherait pas de gouverner, mais pourrait compliquer l'adoption de certaines des réformes-clés qu'il a promises. Le vent d'euphorie des renversants succès électoraux est retombé au sein du parti présidentiel, La République en marche (Lrem), alors que la cote de popularité du jeune chef de l'Etat centriste a fortement chuté cet été. Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, reconnaît ne pas s'attendre à un «raz-de-marée» lors des sénatoriales, contrairement à la vague de députés pro-Macron qui a déferlé sur l'Assemblée nationale à l'issue des élections législatives de juin. «Le cyclone En Marche! n'est plus force 5 depuis longtemps», commente Philippe Raynaud, professeur de sciences politiques à l'université Panthéon-Assas, à Paris. Le parti de M. Macron, qui compte actuellement 29 sénateurs, affiche un objectif modeste: consolider son implantation au sein de la Chambre haute, où près de la moitié des sièges seront renouvelés (171 sur 348). «Il faut déjà reconduire le groupe et on veut essayer d'aller plus loin», indique prudemment François Patriat, chef de file des macronistes au Sénat. Le camp présidentiel aborde ces élections avec deux handicaps. La nature même du scrutin, au suffrage indirect, n'est pas favorable au chef de l'Etat. Seuls ont droit de voter les parlementaires, maires, élus locaux... Or, «En Marche! s'est construit dans un rapport quasiment direct entre Emmanuel Macron et les Français. Aux sénatoriales, ça ne fonctionne pas comme ça», note François Miquet-Marty, du cabinet de conseil Viavoice. Surtout, ces dernières semaines, le gouvernement a pris plusieurs décisions très mal accueillies par les élus locaux: suppression de 300 millions d'euros de dotations aux collectivités, exonération de la taxe d'habitation pour la majorité des ménages, alors qu'elle représente un tiers des recettes des communes françaises, baisse du nombre d'emplois aidés... «Le gouvernement a accumulé une série de gaffes et il a tout fait pour prendre les élus à rebrousse-poil», grince le sénateur centriste Vincent Capo-Canellas. Ces éléments risquent d'empêcher le parti présidentiel de modifier au Sénat les équilibres droite-gauche traditionnels, comme il avait réussi à le faire à l'Assemblée. Selon les experts, le Sénat, à droite depuis 2014, devrait le rester. «Le président de la République, qui souhaitait 'un alignement des planètes'', risque de ne pas l'avoir», a commenté dans la presse le président du Sénat, Gérard Larcher, en prédisant que la majorité de droite, à laquelle il appartient, sera «confortée» demain. En pratique, l'absence de majorité au Sénat n'empêchera pas Emmanuel Macron de gouverner. En France, la Chambre haute a le pouvoir de retarder l'adoption des projets de l'exécutif auxquels elle est hostile, mais le dernier mot revient aux députés. En revanche, le feu vert du Sénat est en théorie indispensable pour réviser la Constitution. Or le chef de l'Etat entend faire adopter d'importantes réformes constitutionnelles d'ici l'été 2018, dont la réduction d'un tiers du nombre de parlementaires, qui devront recueillir l'assentiment des 3/5e de l'Assemblée nationale et du Sénat, soit 555 élus. Si quelque 400 députés devraient lui être acquis (dont 313 du parti Lrem), il faudra convaincre près de 160 sénateurs. Le pari n'est donc pas gagné. Mais en cas de blocage au Parlement, le président a déjà annoncé qu'il organiserait un référendum. Le Sénat, une institution d'habitude assez discrète dans le paysage politique, qui souffre d'une image poussiéreuse - la moyenne d'âge y est de 64 ans - espère en tout cas gagner en visibilité pendant le quinquennat. «Avec 313 députés Lrem à l'Assemblée nationale qui se sont engagés à voter tous les textes du gouvernement, il n'y a plus vraiment de discussions au Palais Bourbon. Le Sénat, lui, reste une vraie force de proposition, avec des parlementaires vigilants et expérimentés», fait valoir le sénateur Cédric Perrin, du parti de droite Les Républicains. «Je veux que le Sénat incarne une opposition exigeante», renchérit son président, Gérard Larcher.