L'attentat, qui a coûté la vie à deux policiers la veille de cette fête, a non seulement froissé les Kabyles de Tafoughalt, mais a également «court-circuité» la fête dans cet te région de la Kabylie. Tandis que la Kabylie se trouve dans une impasse totale concernant la question du dialogue, relancée le 6 décembre dernier par le chef de l'Exécutif et une délégation des ârchs, une série d'attentats meurtriers et d'incursions terroristes continue cependant de secouer la capitale du Djurdjura. Selon des témoignages recueillis auprès des habitants de la région Boghni-Draâ El Mizan «la terreur a atteint son paroxysme. Nous assistons chaque jour à des scènes de violence et de crimes». «Ce regain de violence n'est pas seulement l'oeuvre du Gspc, il émane également la part de ces jeunes voyous qui se comportent depuis quelque temps, en véritables «desperados» dans la région», souligne avec amertume un ingénieur de Frikat. Si les incursions terroristes ont visiblement provoqué la psychose parmi les populations, comme cela a été le cas notamment au village de Tafoughalt ou deux policiers ont été froidement assassinés la veille de l'Aïd, la crainte de se faire agresser par ces «desperados kabyles» est omniprésente à travers les douars isolés du Djurdjura. «On ne le dira jamais assez, c'est une anarchie terrible qui s'est installée ici», raconte un commerçant de Draâ El-Mizan. Et d'ajouter: «C'est comme à la jungle, c'est la loi du plus fort (...). Il y a quelques jours un commerçant a été dépouillé de toute sa marchandise à Boufhima alors qu'il s'apprêtait à se rendre au marché de gros.» Rapt, racket, viol, vol à la tire et autres incursions terroristes, tout semble être permis ces derniers temps en Kabylie. Outre le mépris des groupes armés qui n'a d'égal que le racket systématique «des dignes rejetons du Djurdjura», la convoitise des «desperados kabyles» pour les objets de valeur susceptibles de rapporter sur le marché parallèle du «trabendo» des sommes d'argent substantielles, a fini par engendrer son lot de victimes sur l'axe Ouadhias-Tizi Ghennif. Selon nos interlocuteurs, «ni les ârchs ni les autorités locales ne se sont sentis préoccupés par cette situation». Car «si les délégués des ârchs sont absorbés par leurs ambitions politiques, les autorités locales, quant à elles, sont totalement absentes du terrain», avoue un citoyen de Draâ Sachem. Bien qu'il soit impossible d'examiner les raisons profondes de cette situation, il reste que certains évoquent, ici et là, l'impact du chômage, de la cherté de la vie et la pauvreté qui a atteint des proportions alarmantes en Kabylie. D'autres, en revanche, ne manqueront pas de citer «les fourberies» de certains milieux politiques qui «auraient poussé la région au pourrissement en attisant la haine ou en poussant la jeunesse au crime». En attendant, la journée de l'Aïd a été vécue comme une journée ordinaire marquée par la peur et le froid des premières neiges du Djurdjura. «C'est l'Aïd le plus triste de notre existence», disent à l'unanimité les Kabyles.