Une consécration logique pour le ciseleur du verbe Le doctorat Honoris causa de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou a été décerné hier mardi 3 octobre au poète Lounis Aït Menguellet. La cérémonie de remise de cette distinction qui s'est déroulée au niveau de l'amphithéâtre était grandiose. Le monde artistique et culturel, ainsi que les représentants de l'Etat étaient présents avec à leur tête le ministre de la Culture Azzedine Mihoubi, chargé personnellement par le président de la République de transmettre ses félicitations. La salle était archicomble. Les présents étaient venus assister à la cérémonie, mais aussi être les témoins d'une distinction historique. Devant une salle pleine d'étudiants, d'invités de divers horizons culturels, artistiques, sportifs et autres, une jeune voix soprano de Djilali Mouhri, a interprété avec brio une chanson de Lounis avant de céder la parole aux représentants de l'université. Le recteur a été le premier à intervenir pour remercier d'abord les initiateurs de ce prix ainsi que les représentants de l'Etat fortement présents. Ce dernier a d'abord rappelé la genèse de l'initiative et les conditions académiques nécessaires pour décerner cette distinction universitaire. Genèse d'une distinction Le mérite était incontestable, mais la procédure requérait tout un cheminement académique. Le professeur Ahmed Tessa a donc expliqué aux présents le cheminement qu'a pris la distinction avant d'être décernée. Tout d'abord, l'initiative nécessitait l'approbation du conseil scientifique de l'université. Réuni le 19 mars 2017, le conseil a donc donné son aval au projet de remettre le prix à Lounis Ait Menguellet. Par la suite, la décision de ce conseil scientifique de l'université Mouloud-Mammeri devait avoir le O.K. du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Déposé sur son bureau, affirme Ahmed Tessa, Le ministre Tahar Hadjar n'a pas hésité à apposer sa signature. Le recteur a, au passage, mentionné la disponibilité infaillible du ministre à accompagner et aider les initiatives émanant de l'université de Tizi Ouzou. Après le sceau du ministre, il ne restait donc qu'une étape, la dernière. Le titre nécessitait l'aval du président de la République lui-même. Ce fut sans attendre que le président Bouteflika a avalisé le projet avec l'envoi sur place du ministre de la Culture comme représentant personnel. Pour conclure son allocution faite avec beaucoup d'émotion, Ahmed Tessa a appelé à honorer nos grandes personnalités et de ne pas attendre que la mort nous les ravisse. Hier donc, à la remise du prix et lors de sa prise de parole qui ressemblait plus à l'homme de lettres qu'il est plutôt qu'au ministre, Mihoubi a transmis les félicitations du président Abdelaziz Bouteflika au poète Lounis Aït Menguellet. Pour rappel, le doctorat honoris causa est une marque de distinction ou un prix honorifique décerné par une université à une personnalité éminente ayant posé sa marque dans un domaine particulier. C'est un grade universitaire qui s'obtient sans que le récipiendaire ait nécessairement fait des études universitaires. Il a été décerné pour la première fois par l'université Sorbonne en 1918. Lounis est docteur honoris causa Lounis Ait Menguellet est donc désormais élevé au rang de docteur honoris causa par l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. En fait, comme l'a bien mentionné le ministre dans son intervention, la distinction est mutuelle, car le poète est une sommité qui honore celui qui l'honore. Dans son intervention, le ministre de la Culture a appelé les universités algériennes à organiser des rencontres et colloques sur ce grand poète et à s'intéresser à l'étude de ses expériences populaires. Sorti de son petit et beau village Ighil Bouammas, Lounis a atteint l'universalité avec sa poésie et son verbe. Ce qui fera dire au docteur Djellaoui que si Lounis Ait Menguellet avait écrit sa poésie dans une des langues dominantes actuellement, il aurait eu le prix Nobel de littérature. «Mais, nous qui le comprenons, ajoute-t-il, nous lui avons décerné ce prix plusieurs fois.» Lounis a enrichi la bibliothèque par le nombre impressionnant de thèses et travaux de recherches menés sur son oeuvre monumentale. Une dizaine de thèses universitaires, dont la majorité est actuellement dans les bibliothèques auxquelles s'ajouteront bientôt dix autres travaux de recherches entre doctorat et master en cours de réalisation par des chercheurs. Enfin, prenant la parole au milieu d'une foule nombreuse, Lounis Aït Menguellet a exprimé ses profonds remerciements à tous ceux qui ont contribué à l'idée de lui décerner le doctorat. Pédagogique dans sa réflexion, le poète s'est dit très ému et heureux pour trois raisons. La première, affirmait-il, c'est que ce sont les miens qui ont pensé à m'honorer. Cette raison évoquée en premier lieu, exprime on ne peut mieux la pensée profonde et la philosophie du poète qui a toujours observé le comportement des siens les uns les autres. Parfois évoquant sa fierté; d'autres fois, son dépit de la fratenité écorchée. La deuxième raison qui a rendu le poète très heureux, c'est le fait qu'il soit honoré par l'université qui porte le nom de l'illustre Mouloud Mammeri. Aït Menguellet était ému que ce soit l'université de Tizi Ouzou qui l'honore de ce titre, elle, qui a toujours été à l'avant-garde des luttes pour tamazight. Enfin, fidèle à lui-même, Lounis était heureux parce le doctorat honoris causa est aussi dédié à tous ceux qui l'ont écouté et tous ceux qui l'ont aidé dans sa carrière, d'une manière ou d'une autre. C'est à ces gens-là que le doctorat honoris causa est décerné, semblait dire le poète.