Le ton monte entre Madrid et Barcelone alors que les Catalans ne lâchent rien et restent mobilisés La justice entendait hier les dirigeants des principaux mouvements indépendantistes catalans et le chef de la police régionale, à trois jours de la date envisagée en Catalogne pour une déclaration unilatérale d'indépendance qui fait trembler l'Europe. Le chef de la police catalane Josep-Lluis Trapero, est arrivé hier matin à l'Audience nationale de Madrid, tribunal spécialisé notamment dans les affaires de sécurité nationale, sans dire un mot. Il est poursuivi pour «sédition», comme les chefs des deux principales associations indépendantistes catalanes, très puissants dans la région: Jordi de l'Assemblée nationale catalane (ANC) et Jordi Cuixart (Omnium). Ces auditions pourraient encore accroître les tensions entre Madrid et Barcelone, plongés dans la crise politique la plus grave en Espagne depuis que ce pays est redevenu démocratique, en 1977. Une crise qui divise la Catalogne, où vivent 16% des Espagnols et où la moitié de la population n'est pas indépendantiste selon les sondages. L'instabilité dans cette région grande comme la Belgique alarme aussi l'Europe. «Défaire l'Espagne, c'est-à-dire un Etat-nation (...), c'est défaire l'Europe. Et si on ouvre la boîte de Pandore, demain c'est le Pays basque et après c'est le Pays basque français et après c'est l'Italie du Nord, et après c'est la guerre», a estimé sur BFM TV l'ancien Premier ministre français Manuel Valls, originaire de Barcelone. Les séparatistes catalans envisagent de déclarer l'indépendance lundi, après la publication des résultats définitifs d'un référendum d'autodétermination qui s'est tenu dimanche et qu'ils estiment déjà avoir emporté avec près de 90% des suffrages et 42,3% de participation. La convocation du chef de la police fait suite à des troubles ayant accompagné des arrestations et perquisitions en Catalogne, les 20 et 21 septembre. Des manifestants encouragés par l'ANC et Omnium avaient alors bloqué des gardes civils dans leur bâtiment pendant des heures et avaient endommagé leurs véhicules. C'était les premiers signes de l'agitation qui règne en Catalogne, où les manifestations contre les forces de l'ordre se sont encore intensifiées après les violences policières ayant émaillé le référendum, quand des policiers ont brutalement tenté d'arrêter le référendum dans une centaine de bureaux de vote. Des militants qui faisaient barrage de leur corps pour leur bloquer le passage ont été matraqués, traînés par les cheveux, frappés à coups de pied... des balles en caoutchouc ont été utilisées... La comparution du chef de la police intervient alors que la pression politique ne cesse de s'accroître sur l'exécutif catalan. L'impasse semble pour l'instant totale, alors que le gouvernement central de Mariano Rajoy écarte toute possibilité de médiation. Depuis le début de la crise actuelle, la justice a agi avec fermeté contre les indépendantistes. Le Tribunal constitutionnel a en particulier interdit avant sa tenue le référendum d'autodétermination de dimanche, et il a encore suspendu jeudi la session annoncée pour lundi du Parlement catalan au cours de laquelle une éventuelle proclamation unilatérale d'indépendance est annoncée. Mais de même que l'exécutif catalan avait ignoré l'interdiction du référendum et décidé la tenue de la consultation, sans toutefois les habituelles garanties élémentaires de régularité (commission électorale, vote secret...), la présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell, a paru indiquer que la session prévue aurait lieu. Qualifiant la décision du Tribunal constitutionnel de «fait extrêmement grave» et contraire à «la liberté d'expression» des députés, Mme Forcadell a assuré que le Parlement, dominé par les indépendantistes, n'accepterait pas «la censure». L'onde de choc de la crise politique a atteint le secteur économique: Caixabank, première banque de Catalogne et troisième d'Espagne, devait tenir hier un conseil d'administration extraordinaire pour décider si elle va déplacer son siège social hors de la région en crise. Jeudi, c'est Banco Sabadell, deuxième banque de Catalogne et cinquième en Espagne, qui a annoncé le transfert de son siège social à Alicante, dans le sud-est du pays, après la dégringolade de son cours en Bourse. Les banques craignent les conséquences d'une éventuelle sortie de la Catalogne de la zone euro au cas où son indépendance serait proclamée. Par ailleurs, Barcelone, locomotive économique et principal pôle touristique de la Catalogne, région qui a reçu 17 millions de visiteurs en 2016, a vu s'effriter dernièrement les réservations hôtelières, selon le syndicat local de cette industrie. Décidé à empêcher l'indépendance à tout prix, Mariano Rajoy a réuni son gouvernement hier pour étudier de possibles nouvelles mesures. Parmi les options figure la suspension de l'autonomie régionale dont jouit la Catalogne, une mesure que le gouvernement central n'exclut pas et que réclament des voix de plus en plus nombreuses en Espagne. Mais une telle suspension échaufferait encore davantage les esprits en Catalogne, risquant de déclencher une spirale de violence. La crise affecte jusqu'au monde du football et perturbe l'ambiance au sein de l'équipe nationale espagnole. Après les ennuis de son défenseur catalan Gerard Piqué, critiqué et conspué pour s'être prononcé pour «le droit à décider», la Roja, toute proche d'une qualification pour le Mondial 2018, recevait l'Albanie hier à Alicante. Pour mettre fin à la crise Le gouvernement espagnol souhaite des élections en Catalogne Le gouvernement espagnol a appelé hier les séparatistes catalans à dissoudre leur Parlement et à convoquer des élections dans la région pour surmonter la crise entre Madrid et Barcelone, qui menace de déclarer l'indépendance unilatéralement. «Il serait bon de commencer à refermer la plaie en passant par le Parlement de Catalogne (...) par le biais d'élections régionales», a déclaré Inigo Mendez de Vigo, porte-parole du gouvernement, lors d'une conférence de presse organisée à l'issue du Conseil des ministres.