Les intervenants ont incriminé l'administration, qui agit selon eux, dans l'urgence. «Il y a un manque de volonté de la part de l'administration et des entrepreneurs à veiller à l'application des règles régissant la passation des marchés publics» affirme M.Mokdad Kerghouli représentant du Conseil de d'Etat. Ce dernier, qui intervenait hier à l'occasion de la journée d'étude sur les marchés publics et la responsabilité de l'Etat organisée à la résidence des magistrats à Ben Aknoun, a fait un constat amer à l'égard de l'administration, à laquelle on reproche «d'agir souvent dans l'urgence». Et dans certains cas «d' ignorer carrément les textes de lois». Les principales affaires présentées à la première chambre spécialisée dans le traitement des litiges en rapport avec les marchés publics au niveau du Conseil d'Etat, traduit dans la majorité des cas «un manque de rigueur de l'administration». Parmi les «défaillances», le conférencier cite entre autres, l'absence de contrôle et de suivi des projets, qui est du ressort de l'administration. «Il faut savoir que les administrations sont chargées, en vertu de la loi, de veiller à la conformité des marchés publics à la législation. C'est ce qu'on appelle le contrôle externe qui est précédé d' un contrôle interne dont font d'objet les commissions d'ouverture des plis et d'évaluation des offres». Sur le terrain la situation traduit «un laxisme flagrant» dans ce domaine. L'absence d'une définition précise des besoins, et de l'objet du projet, la non-maîtrise de l'environnement judiciaire, notamment des règles qui régissent les dépenses publiques sont autant d'entraves soulevées par la justice. Concernant le volet financier, l'orateur a insisté sur le paiement des marchés et les garanties que doit avoir l'administration pour s'assurer du bon fonctionnement du projet. «Il est primordial dans la passation des marchés publics de définir les parties concernées par le financement afin d' éviter les surprises.» Sur ce plan aussi, beaucoup d'efforts restent à accomplir. «On constate que l'administration qui, comme nous l'avons attesté, agi dans l'urgence, omet dans la majorité des cas de préciser ce détail ce qui met dans la gêne la justice». Le conférencier a soulevé le problème des avenants qui deviennent une «règle au lieu d'être l'exception» et, dont le montant dépasse dans certains cas «le coût global du marché, ce qui est impardonnable». Par ailleurs, l'assiette foncière pose un véritable problème. «En l'absence d'enquête et de recensement fiable des assiettes, beaucoup de projets sont à l'arrêt suite à un conflit sur la propriété du terrain». Sur ce point, ce sont les APC qui sont les premières incriminées. Les intervenants dans ce séminaire ont mis en exergue les inconvénients des marchés octroyés de gré à gré. «Cela, note M. Keghouli, prive l'administration et l'entrepreneur d'un cadre législatif rigoureux». De son côté, la présidente du Conseil d'Etat, Mme. Fella Henni, a évoqué «la méconnaissance» des lois par l'administration. Pour cette dernière «ce genre de séminaire revêt une grande importance pour l'Algérie qui enregistre un accroissement dans les contentieux ayant trait aux marchés publics». Selon ses chiffres, 1500 affaires ont été déposées sur le bureau du Conseil seulement pour l'année 2005. En parallèle, le conseil enregistre un manque des magistrats spécialisés dans ce domaine. Mme Fella Henni a fait savoir que le Conseil d'Etat n'est pas représenté à la commission de passation des marchés, contrairement aux autres pays. Cette situation ne saurait durer, insinue-t-elle. Interrogée en marge de la rencontre sur les affaires de corruption qui ont fait les unes des journaux ces derniers mois, Mme. Henni s'est contentée de rappeler que «la corruption n'est pas spécifique à l'Algérie, mais un phénomène mondial».