Le traditionnel forum d'El Moudjahid a été marqué par des débats houleux hier sur la concurrence et les marchés publics. Les différents intervenants n'avaient pas leur langue dans leur poche. Si les représentants des différentes administrations ont mis en avant l'absence de qualification de la plupart des entreprises, les entrepreneurs ont évoqué les fléaux de la corruption et du népotisme qui aboutissent à une concurrence déloyale. « Certains entrepreneurs ne possèdent même pas une brouette, mais ils ont quand même été retenus pour des projets », fulmine le président de l'Union nationale des entrepreneurs du bâtiment. « Oui, il existe des entrepreneurs véreux qui scannent les certificats de qualification. Mais les premières victimes de ces pratiques sont les entrepreneurs qui doivent gérer les problèmes de pénurie de matériaux de construction. » Ils sont pénalisés d'emblée avec la caution de 5% », a-t-il noté. Les amendements apportés au code des marchés publics ont été le coup de grâce à la corporation. Un entrepreneur a indiqué que de nombreuses entreprises du secteur rencontrent toutes les difficultés du monde pour être payées après avoir fourni des prestations. « Il y a des entrepreneurs qui ont travaillé après les inondations de Bab El Oued en 2001 et d'autres lors de la campagne d'embellissement de la wilaya d'Alger pour le sommet arabe, elles n'ont toujours pas été payées alors que les services des impôts exigent de nous acquitter de l'IRG relatif à des projets pour lesquels nous n'avons rien touché », a-t-il témoigné. Un autre entrepreneur a regretté l'absence de bureaux de placement de la main-d'œuvre pour le recrutement d'un personnel qualifié. « Nous recrutons dans les rues, dans les cafés, etc. Certains ingénieurs nous proposent de nous vendre leurs diplômes juste pour les soumissions, car cela rapporte plus que d'être un travailleur salarié », raconte-t-il. Djamel Djerad, représentant de l'Ordre des experts-comptables, estime pour sa part que les entrepreneurs algériens et l'administration pèchent par absence de formation et de qualification. « Peu d'entreprises nationales publiques ou privées font appel à un expert-comptable et à des professionnels. Les entreprises étrangères font toujours appel à des juristes et des fiscalistes algériens », a-t-il souligné. Pour ce qui est de l'administration, il fera savoir que certaines commissions des marchés publics sont composées de « jeunes sans expérience recrutés il y a un mois à peine ». Faisant allusion aux pratiques de corruption, il fera savoir que certaines entreprises « obtiennent juste comme ça des mises à jour au niveau de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS) et auprès d'autres organismes ». « Certaines entreprises font du copier coller et apportent des bilans mal faits. Je n'ai pas encore vu une entreprise qui a une comptabilité analytique pour l'établissement des coûts et leur actualisation », a-t-il ajouté. Quid de la préférence nationale ? Il relèvera cependant que des avancées ont été réalisées en matière de transparence. « Désormais, l'on est tenu de publier les noms des entreprises retenues et les critères sur lesquels s'est basée la sélection. Il y a aussi des articles dans le code de procédures civiles et administratives consacrés aux marchés publics », a-t-il affirmé à ce propos. Yahiaoui Amar, représentant de l'Union générale des entrepreneurs algériens, estime pour sa part « injuste » le fait que « les entrepreneurs qui sont sur le terrain n'aient pas été consultés pour l'élaboration des textes de loi ». L'administration se montre intransigeante, selon lui, imposant à l'entrepreneur pénalité sur pénalité pour le retard dans la réalisation des projets sans tenir compte des difficultés d'approvisionnement en matériaux de construction et la réévaluation des coûts du fait de la hausse des prix de ces produits. « Parfois, les unités de production de ciment n'honorent que 15% de la commande », soutient-il. L'administration est montrée du doigt par M. Bensaci, président du Conseil national consultatif pour la promotion des PME, pour ne pas respecter l'instruction du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, concernant la préférence nationale. « Des entreprises étrangères sont sélectionnées au détriment des entreprises algériennes avec lesquelles elles sous-traitent tout en louant du matériel auprès de sociétés algériennes », assure-t-il. « Dans les appels d'offres et les cahiers des charges, les administrations incluaient des critères qui excluaient de fait les entreprises algériennes, laissant ainsi la voie libre aux groupes étrangers », a-t-il poursuivi. « Aujourd'hui, la PME, tout le monde en parle mais personne ne l'a vue », a-t-il conclu.