Le dirigeant catalan, Carles Puigdemont, a signé, mardi soir, la déclaration d'indépendance de la Catalogne qui, pour le moment, reste symbolique Au risque de provoquer une déferlante patriotique pour protéger l'unité du royaume, avec l'adhésion enthousiaste des nostalgiques de la période Francisco Franco, M.Puigdemont a ouvert la boîte de Pandore dont nul ne sait, pour l'instant, quelles seront les conséquences. Le président indépendantiste catalan, Carles Puigdemont, a choisi la voie médiane, mardi soir, en annonçant dans son discours devant le Parlement de la Catalogne convoqué pour ce moment historique de la «signature de la Déclaration d'indépendance», qu'il ouvrait la porte au dialogue avec Madrid. Avait-il vraiment le choix dès lors qu'il s'est trouvé pris entre deux feux et bousculé de part et d'autre? Les menaces du chef du gouvernement espagnol ne devaient pas être prises à la légère quand il brandissait l'épée de Damoclès qui aurait tranché l'autonomie de la région. La chose était pendante car Mariano Rajoy avait anticipé les évènements et pris les dispositions nécessaires pour riposter séance tenante à l'action des parlementaires catalans. C'est conscient de ces risques majeurs que M.Puigdemont a appelé au dialogue, aussitôt la Déclaration paraphée et suspendue dans la foulée. «Nous constituons la République catalane comme Etat indépendant et souverain, de droit, démocratique et social», lit-on dans la déclaration signée par les trois partis indépendantistes. «Le gouvernement de Catalogne et moi-même proposons de suspendre les effets de la Déclaration d'indépendance», avait déclaré, quelques minutes auparavant, M. Puigdemont, sans parler d'un délai précis dans son allocution historique au Parlement catalan, placé sous très haute surveillance policière. Réagissant avec promptitude, le gouvernement espagnol a averti qu'une «déclaration implicite d'indépendance n'est pas admissible» avant que, dans la soirée, la vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria, ne souligne que M.Puigdemont «ne sait pas où il est ni où il veut aller». Hier, un Conseil des ministres extraordinaire a été convoqué pour décider de la réponse à donner au défi des indépendantistes catalans. Aujourd'hui, il semble que M.Puigdemont se découvre assis entre deux chaises: d'un côté, il affiche sa détermination à maintenir les engagements pris avec son électorat, de l'autre il montre sa volonté de garder une porte ouverte pour une solution négociée, qui ne peut être autrement que difficile, quand on considère le défi de l'Etat espagnol par le dirigeant de cette région, située au coeur de l'Europe méditerranéenne et accueillant 16% des Ibères. La colère de Madrid et l'inquiétude de l'UE ont conduit le leader séparatiste à moduler une décision «irréversible», averti qu'il était du refus de Bruxelles d'accueillir la Catalogne dans ses rangs en qualité d'Etat indépendant. Pensait-il sincèrement que son appel au dialogue pouvait trouver écho quand Mme Soraya Saenz de Santamaria répétait qu'il n'y a «pas de place pour la médiation entre la légalité et l'illégalité, entre la loi et la désobéissance, entre la démocratie et la tyrannie»? Et le fait de déclarer lui-même qu' «il y a un avant et un après le 1er octobre. La Catalogne sera un Etat indépendant sous la forme d'une République.» pouvait-il passer pour un message conciliateur, de nature à apaiser les tensions avec Madrid? Réuni dans la confusion, le Parlement catalan aussi divisé que la société elle-même, attendait «une médiation internationale» dont il n'a plus été question, une heure à peine après le discours. C'est la preuve que Madrid ne démord pas de sa position intransigeante et qu'il n'y aura pas de dialogue au sens où l'entendent les indépendantistes qui ont défié le roi dont le discours de fermeté les avait irrités, au lendemain du référendum interdit. Au risque de provoquer une déferlante patriotique pour protéger l'unité du royaume, avec l'adhésion enthousiaste des nostalgiques de la période Francisco Franco, M.Puigdemont a ouvert la boîte de Pandore dont nul ne sait pour l'instant quelles seront les conséquences aussi bien pour l'Espagne que pour l'Union européenne. Reste la porte ouverte par le chef du Parti socialiste espagnol (Psoe), principale force d'opposition, qui a annoncé hier un accord avec le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy pour étudier une réforme de la Constitution en vue de résoudre la crise catalane. «Nous sommes convenus que l'heure est venue d'aborder la réforme constitutionnelle», a déclaré Pedro Sanchez, précisant que le débat à la Chambre des députés permettrait de rechercher comment «la Catalogne reste en Espagne, pas de comment elle s'en va». Il prévoit la formation, au plus tôt, de la commission de réforme territoriale pour étudier pendant six mois l'actuelle répartition des compétences entre les régions et le gouvernement central, avant d'entamer la procédure de révision de la Constitution pour trouver, lors du débat, un nouveau modèle des relations entre la Catalogne et le reste de l'Espagne. Il a en outre condamné les dirigeants séparatistes catalans et soutenu l'ultimatum de M.Rajoy face à «un bloc souverainiste qui cherche à gagner un peu de temps pour continuer à imposer son programme politique».