350.000 manifestants catalans anti-indépendantistes selon la police 300.000 selon la police, 1,3 million selon les organisateurs, tel est le nombre des manifestants anti-indépendantistes qui ont investi la place centrale de Barcelone, deux jours après que le Parlement catalan eut déclaré l'indépendance de la région dont l'autonomie est suspendue. Répondant à l'appel d'une organisation proche du parti conservateur du chef du gouvernement, Mariano Rajoy, la Société civile catalane organisatrice du défilé, plus d'un million de personnes ont manifesté hier contre la déclaration du Parlement catalan sur l'indépendance de la région, aussitôt suivie de la mise en application de l'article 155 de la Constitution espagnole qui met entre parenthèses l'autonomie de la Catalogne ainsi que le gel de ses institutions régionales. Cette démonstration de force, tardive selon certains observateurs mais salutaire pour d'autres, intervient à un moment crucial qui voit l'Espagne tout entière se déchirer et s'interroger sur les réponses qu'il convient d'apporter au défi des indépendantistes. Beaucoup se disent favorables à un emprisonnement de Carles Puigdemont auquel un ministre flamand du gouvernement belge a proposé hier «l'asile politique», d'autres plus conciliateurs ou plus prudents, c'est selon, proposent de laisser la justice faire son travail de façon sereine tant vis-à-vis du président indépendantiste que de son numéro deux, Oriol Junqueras, dont l'influence aura été déterminante aux yeux des dirigeants espagnols. Il est vrai que Junqueras reste égal à lui-même. Dans une tribune publiée hier, il affirme que Puigdemont «reste et restera le président de la Catalogne» et maintient qu'il «ne reconnaît nullement les décisions de Madrid» mettant sous tutelle la région quelques minutes après la déclaration d'indépendance du Parlement, vendredi dernier. Ce n'est pas là une surprise, puisqu'il conforte son image ainsi que sa logique de désobéissance à l'égard du gouvernement central.javascript:void(0) Aussi, est-ce avec beaucoup d'intérêt que la marche d'un million de partisans de l'unité du pays a été observée. «La Catalogne, c'est nous tous!», proclamait le slogan de cette manifestation organisée par la Société civile catalane (unioniste), qui a réussi, la chose est manifeste, à rassembler plusieurs centaines de milliers de personnes contre la sécession, comme ce fut déjà le cas le 8 octobre dernier. L'Espagne s'est réveillée groggy au lendemain du vendredi soir, lorsqu'un autre rassemblement de dizaines de milliers de personnes avait fêté la naissance de la «République catalane», avec des feux d'artifice. La riposte du gouvernement espagnol du conservateur Mariano Rajoy avait alors un relent pathétique même si l'accord du Sénat lui a permis d'engager enfin l'article 155 de la Constitution, jamais utilisé auparavant. Mais pour prendre aussitôt les rênes de la région et y «restaurer l'ordre constitutionnel», c'est une autre paire de manches et c'est à la numéro deux du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, qu'incombe la tâche délicate de mener à bien une telle opération, au sens médical du terme. Car le défi institutionnel orchestré par les indépendantistes s'avère unique en son genre depuis que l'Espagne a retrouvé la démocratie, si l'on fait abstraction des quatre décennies au cours desquelles il lui a fallu combattre avec violence l'organisation séparatiste armée basque ETA, à laquelle incombent plus de 800 morts jusqu'au jour où elle a renoncé à la violence en octobre 2011. Les appels de Puigdemont et de ses lieutenants à «s'opposer pacifiquement» à la mise sous tutelle que va conduire Soraja Saenz de Santamaria pêchent par manque de visibilité quant aux procédés que peuvent tenter les indépendantistes. Du moins à cette heure, car il y a cette information du quotidien El Païs selon laquelle l'Association des municipalités pour l'indépendance pourrait servir de tremplin pour la mise en place d'un gouvernement parallèle. L'appel à la raison qu'a porté la manifestation des anti-indépendantistes sera-t-il entendu, dans une Catalogne où plus de 50% des 7,5 millions d'habitants que compte la région viennent d'autres contrées ou sont nés dans des familles fraîchement installées en Catalogne? C'est en tout cas la carte que veut jouer Mariano Rajoy, avec des élections finalement fixées en décembre prochain au lieu des prévisions de six mois initiales, tant il reste persuadé que le résultat de la future consultation remettra clairement les pendules à l'heure espagnole! Les séparatistes étaient majoritaires au Parlement, avec 72 sièges sur 135, par le jeu de la pondération des voix en faveur des régions les plus rurales. Un sondage paru vendredi dans le quotidien El Mundo semble lui donner raison. Une enquête menée auprès d'un millier de personnes pendant trois jours, avant la déclaration d'indépendance, donne 42,5% des voix aux indépendantistes contre 43,4% au total pour Ciudadanos, le Parti populaire et le Parti socialiste partisans de l'unité du pays. Et la tendance devrait logiquement se renforcer.