Elle était venue à Almeria en favorite, elle a plané sur le triple saut. Elle avait pour défi celui de se maintenir au sommet de l'épreuve du triple saut féminin du bassin méditerranéen, c'est-à-dire confirmer sa médaille d'or des Jeux de Tunis en 2001. Baya Rahouli a survolé le concours des Jeux d'Almeria d'une manière qui a dû, certainement, écoeurer ses adversaires. Elle était venue en Espagne pour une médaille en or, elle en est repartie avec l'objet qu'elle recherchait. Et son succès de vendredi soir ne souffre aucune contestation tant sa supériorité a été manifeste. Elle peut, raisonnablement, nourrir de grandes ambitions pour les prochains mondiaux d'Helsinki même si le concours de cette compétition n'a rien à voir avec celui des Jeux méditerranéens. «Aux mondiaux, il y aura la crème du triple saut féminin. Mais ma performance d'Almeria est réelle et les 14,98 m me donnent à penser que je peux encore progresser» nous a-t-elle dit au soir de sa victoire. De tous les athlètes engagés dans cette discipline, elle représentait la plus grande chance algérienne de médaille d'or. Il n'est pas facile de revêtir l'habit de favori. «De toutes les concurrentes, j'étais celle qui détenait la meilleure performance depuis le début de la saison. C'est forcément un rôle de favori qui vous met la pression et que vous vous devez d'assumer. Ce n'est pas facile lorsque vous savez que dans le concours il y a la Grecque Devetzi qui a déjà sauté à 15,32m et qui est la vice-championne olympique des Jeux d'Athènes». La veille du triple saut, Baya était engagée dans la longueur. «Au départ, je m'étais dit que je pouvais doubler. Mais par la suite, j'ai préféré ne pas disperser mes forces pour me concentrer sur le triple saut pour assurer la médaille d'or. Voilà pourquoi lors de la finale de la longueur, je n'ai effectué qu'un saut, d'ailleurs mordu. Il fallait que j'y participe car j'y étais engagée. Si je n'avais pas du tout concouru dans cette épreuve, on m'aurait disqualifiée du triple saut comme le prévoient les règlements de l'IAAF». C'est au 3e essai qu'elle réussit sa meilleure performance avec un bond de 14,98 m, nouveau record des Jeux qu'elle détenait depuis Tunis en 2001 (14,30 m) et meilleure performance mondiale de la saison. Mais cette dernière n'a pas tenu. «Je n'ai eu ce privilège que pendant une demi-heure. En effet, juste après le concours, on m'a téléphoné pour me dire que la Russe Tatyana Lebedeva venait de réussir 15,11 m au meeting de Saint-Denis en France, 1re étape de la Golden League. Cette performance va m'inciter à forcer la cadence dans le travail en vue des Mondiaux d'Helsinki».En tout cas avec ses 14,98 m, Baya était sûre d'obtenir la médaille d'or du concours des Jeux méditerranéens d'autant que derrière c'était un peu la débandade, la Grecque Devetzi ne se contentant que d'un saut à 14,33 m lui assurant la médaille de bronze, l'argent revenant à l'Espagnole Castrejana avec un sautant de 14,60 m, nouveau record d'Espagne. Baya se dit capable d'aller bien au-delà de cette limite. «Pour des raisons administratives, j'ai débuté ma préparation d'avant saison avec un mois de retard. Ce retard, je ne peux le rattraper et il se répercute fatalement sur ma progression. Sans lui je serai peut-être à 15,10 m, 15,20 m en ce moment».Toujours est-il que Baya a quitté, hier matin, Almeria pour se rendre à Lausanne, en Suisse où elle doit participer le 5 juillet à un meeting international. Nulle doute que d'ici les Mondiaux d'Helsinki, Lebedeva est sa plus sérieuse rivale pour l'or, et elles vont s'éviter. Rahouli sait cependant que le temps viendra où elle s'affirmera au plus haut niveau. Une certitude que partage son entraîneur Mohamed Hocine. «La plupart des concurrentes sérieuses de Baya ont dépassé la trentaine alors que elle n'a que 26 ans. Dans le concours du triple saut on n'atteint la plénitude de ses moyens qu'aux environs de 30 ans. Elle a donc une grande marge de progression» nous a-t-il dit. Un Mohamed Hocine qui se plaint, cependant, des moyens dont dispose son athlète. «Je pense qu'en athlétisme la gestion des sportifs de haut niveau ne se fait pas d'une manière rationnelle. Très souvent, elle participe à des meetings et je ne suis pas auprès d'elle. Trouvez-vous cela normal? Apres cela on demande à l'athlète des résultats et des podiums». Il y a là comme un anachronisme qu'il convient de corriger et cela ne peut venir que de la fédération et du ministère des Sports.