Un événement culturel et économique majeur où les oeuvres de l'esprit se sont vendues comme des petits pains Deux semaines durant, des lecteurs, des auteurs, des éditeurs, des spécialistes ont partagé au Palais des expositions d'Alger leur amour du livre. Cette manifestation n'a cependant pas attiré les ténors de la politique. Avec la clôture du 22e Salon international du livre d'Alger, des millions de pages d'ouvrages de divers contenus et natures se sont refermés. Comme à l'accoutumée, depuis plusieurs années, l'affluence a été importante cette année malgré les appels au boycott qui ont précédé à cause d'une déclaration sexiste de son commissaire, cette édition semble avoir atteint le million de visiteurs. Le Palais des expositions des Pins maritimes a également accueilli près de mille exposants, dont 658 venus de 50 pays étrangers. C'est donc un événement culturel et économique majeur où les oeuvres de l'esprit se sont vendues comme des petits pains. L'image réjouissante de dizaines de milliers d'adultes et d'enfants raflant goulûment les publications se double de l'espoir de voir naître une génération de lecteurs assoiffés de savoir. Ce voeu a été exprimé par tous ceux qui ont assisté au déferlement de cette marée de consommateurs de culture écrite qu'ils ont vu coudoyer pour trouver des titres pour nourrir leur intelligence. Heureusement ou malheureusement, en cette période de campagne électorale, les politiciens n'ont pas investi la manifestation pour vendre leurs programmes. Les chefs de partis n'ont pas pensé mettre à profit ce rassemblement populaire pour se montrer et orienter ainsi les regards d'éventuels électeurs vers leurs formations respectives. Heureusement, car de telles incursions auraient parasité l'atmosphère studieuse qui a régné au Salon. Malheureusement, car cela prouve que la culture n'est pas une priorité et encore moins un réflexe chez les politiciens algériens, particulièrement ceux qui sont en lice pour arracher un siège d'élu local. Il n'y a qu'à voir la place que réservent leurs discours à la culture, puis à la gestion de celle-ci après que les haut-parleurs de la propagande du suffrage se seront tus. D'ailleurs, eux-mêmes lisent-ils? A quelles fréquence, et que lisent-ils? Voilà des questions à inclure, peut-être, dans le formulaire des candidatures. Le Salon international du livre est un événement à préserver et à promouvoir. D'autant plus qu'il apparaît comme une oasis fertile au milieu du désert des Tartares. Les nouvelles cités algériennes sont le plus souvent conçues comme des blocs de dortoirs. Dépourvues de bibliothèques, de théâtres, de cinémas et de lieux qui permettent l'épanouissement instructif et artistique, elles sont plus propices au spleen et au vague à l'âme. Les jeunes y passent leur temps, collés au mur, à broyer du noir faute de s'être habitués et trouver normal de lire dans des espaces agréables, de voir des films dans des salles bien équipées, d'assister à une représentation théâtrale ou musicale de bonne facture. Le critère essentiel de la qualité de vie d'une ville réside dans les possibilités qu'elle offre à ses habitants et à ses visiteurs en lieux de culture. Sans cela, elle se transforme en un entassement urbain et humain sans coeur. L'étranger qui découvre l'Algérie par son Salon du livre sera sans doute émerveillé. Pendant près de deux semaines et dans une ambiance festive, il verra des citoyens acheter en grande quantité des livres et assister à des débats de haute facture sur des thèmes variés allant de la littérature, à la philosophie, aux arts. Il rencontrera des auteurs, des poètes, des intellectuels et des experts de différentes nationalités. Il sera enfin frappé par la ferveur quasi religieuse des lecteurs algériens. Mais s'il reste quelques jours de plus pour se balader dans les quartiers de Bab Ezzouar, les Bananiers, Bachdjarrah, Draria et dans toute la ceinture urbaine d'Alger, il se rendra compte qu'il était victime d'une image en trompe-l'oeil.