Les Africains se trouvaient hier dos au mur pour s'entendre sur une représentativité africaine en prévision de l'élargissement de l'ONU. Ouvert hier à Syrte en Libye, le 5e sommet de l'Union africaine devait entrer rapidement dans le vif du sujet en abordant le point le plus difficile du sommet : la représentation africaine dans un Conseil de sécurité éventuellement élargi. Ce sommet, assez particulier, qui se tient à un moment charnière de la mise en place d'institutions africaines fiables d'une part, de la prochaine réforme des Nations unies d'autre part, a été rehaussé par la présence à Syrte du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, et du président de la Commission de l'Union européenne, José Manuel Baroso. Si l'UA s'est entendue sur le principe de deux sièges de membres permanents (avec droit de veto) au Conseil de sécurité et cinq sièges de membres non permanents pour l'Afrique, point sur lequel le consensus africain est total,-qui présentera un front commun lors des débats sur la question à l'ONU-, les choses sont moins nettes quant au mode de désignation des représentants africains et sur les critères déterminant cette représentation. Il est de fait que le satisfecit que donnent à voir les principaux responsables africains cache mal la difficulté réelle consistant à faire le tri entre les neuf pays postulants (Afrique du Sud, Egypte, Nigeria, Kenya, Sénégal, Libye, Angola, Gambie) qui se sont mis sur les rangs pour l'attribution d'un éventuel siège de membres permanents du Conseil de sécurité. Sous l'impulsion de la nouvelle organisation, l'Afrique a retrouvé une pugnacité quelque peu perdue permettant des progrès et une percée certains au plan international. Mais beaucoup reste à faire pour sortir le continent de l'impasse où il s'est mis. Dans son discours d'ouverture, le président de la Commission africaine, Alpha Oumar Konaré s'est félicité du fait qu'«il souffle aujourd'hui sur le monde un vent en faveur de l'Afrique, ce n'est pas un effet de mode mais un mouvement sincère», rappelant au passage que «ce mois-ci, il y a la réunion du G8 puis en septembre, la réunion sur la réforme de l'ONU à New York». M.Konaré indiqua par ailleurs que «l'Afrique participera à ces réunions debout, unie et solidaire. Il s'agit d'une Afrique responsable qui prend en charge elle-même ses propres problèmes et qui respecte ses principes» soulignant «trop de promesses nous ont été faites au cours de trop de rassemblements, mais aucune n'a jamais été tenue». Le président de la Commission de l'UA affirma d'autre part: «Il nous faut refuser la fatalité de la pauvreté, c'est l'oeuvre de plusieurs générations et notre génération a le rôle de défricheur pour l'Afrique». Le 5e sommet de l'Union africaine a aussi salué «l'engagement constant de l'Union européenne» à ses côtés. Ainsi, devant les représentants de l'Union européenne, M.Konaré a indiqué, à l'ouverture des travaux du sommet de l'UA: «Je salue au nom de l'UA, la présence du président de la Commission de l'UE, José Manuel Baroso et du commissaire (européen au Développement) Louis Michel, une preuve de l'engagement constant de l'UE à nos côtés». Il faut savoir aussi, -coïncidence heureuse?-, que le sommet africain se tenait à la veille du sommet du G8 (du 6 au 8 juillet à Gleneagles en Ecosse) où plusieurs dirigeants africains, dont le président algérien Abdelaziz Bouteflika, y seront présents pour parler des questions qui préoccupent l'Afrique. Cela d'autant plus que le continent noir sera au centre des travaux des huit pays les plus riches du monde. Il est patent que l'aide du G8 en matière de développement reste précieuse pour l'Afrique qui, à l'occasion de la réunion de Gleneagles, demandera, entre autres, la suppression de la totalité de la dette des pays africains pauvres les plus endettés. Car, si le geste du groupe des Huit envers ces pays a été apprécié comme il se doit, il a aussi été considéré comme insuffisant par nombre de responsables et gestionnaires africains. De fait, ne se faisant pas d'illusion, René N'Guettia Kouassi, directeur des Affaires économiques de l'UA, indique. «La persistance du sous-développement en Afrique montre que beaucoup reste encore à faire tant du côté de l'Afrique que du côté de nos partenaires et la participation de l'Afrique au sommet du G8 sera l'occasion de le rappeler». Mais c'est encore la question de la représentation africaine au Conseil de sécurité qui s'annonce comme une bataille difficile et décisive pour la cohésion future de l'Union africaine. Aussi, c'est à l'aune de ce débat que l'Afrique montrera qu'elle a atteint, ou non, la maturité lui donnant de dépasser les faux problèmes liés à l'égoïsme national. Dans son discours devant les dirigeants africains, le secrétaire de l'ONU, Kofi Annan, qui a annoncé officiellement à Syrte la création d'un fonds pour la démocratie, a invité, évoquant la réforme envisagée de l'ONU, de «saisir cette précieuse opportunité» de pouvoir entrer au Conseil de sécurité. M.Annan s'est déclaré «heureux d'annoncer la création du Fonds des Nations unies pour la démocratie, qui doit porter assistance aux pays qui cherchent à établir ou à renforcer leur démocratie», précisant «un certain nombre d'Etats membres ont déjà indiqué leur intention de contribuer et j'espère que beaucoup d'autres vont suivre leur exemple». M.Annan a rappelé qu'il «y a plus d'Etats africains que jamais à avoir des gouvernements démocratiquement élus» et souligné «presque toutes les nations» (représentées à cette conférence) «se sont clairement engagées dans le processus démocratique, (réaffirmant leur intention de respecter la volonté de leur peuple) exprimée dans le cadre d'élections libres et transparentes». «Nous savons tous que ce n'est pas un processus facile» note M.Annan qui relève le «maintien d'institutions démocratiques représente un poids pour les ressources d'un pays pauvre». De fait, c'est aussi la pauvreté qui contrarie un développement africain à long terme favorisant son décollage économique et, partant, empêche l'instauration d'une véritable culture démocratique en Afrique.