Le poulet ou le mouton «farcis» aux antibiotiques. C'est très courant. Il y a danger pour les consommateurs. L'OMS explique pourquoi et comment écarter ce danger? De l'éleveur au pharmacien... Menace. Mardi dernier, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) a mis en garde contre l'utilisation systématique des antibiotiques chez les animaux sains. Première question: que vient faire l'OMS, qui s'occupe de la santé humaine, chez les animaux? Réponse: il s'agit d'animaux destinés à l'alimentation humaine, comme l'élevage de poulets, de bovins, d'ovins ou de caprins. Il n'est un secret pour personne que la consommation de ces viandes expose à une transmission, de l'animal à l'humain, de différents microbes. C'est dans ce contexte et après avoir constaté que «dans certains pays, approximativement 80% des antibiotiques importants pour la médecine humaine sont consommés dans le secteur animal, et, en grande partie, pour favoriser la croissance chez des animaux sains», l'OMS ne pouvait que tirer la sonnette d'alarme. Pourquoi? D'abord parce qu'une telle «utilisation excessive d'antibiotiques contribue à amplifier la menace de la résistance aux antibiotiques» précise l'organisation. Ce qui veut dire que les animaux en question, peuvent arriver dans l'assiette des humains avec des maladies que les antibiotiques n'ont pas réussi à guérir. Ce qui veut dire aussi que cette résistance aux antibiotiques réduit les moyens thérapeutiques contre certaines maladies. On peut lire, sur ce point, dans le communiqué de l'OMS qu'un «manque d'antibiotiques efficaces est une menace pour la sécurité sanitaire aussi grave qu'une flambée soudaine d'une maladie mortelle, affirme le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS. Une action forte et durable dans l'ensemble des secteurs est indispensable pour contrer la vague de résistance aux antimicrobiens et préserver la santé des habitants de la planète». On peut ajouter à cela, le déséquilibre dans la distribution (et donc la disponibilité) de ces médicaments humains, dès lors qu'ils sont détournés par les éleveurs. On peut aussi y ajouter l'impact sur les finances publiques. D'une part par la gratuité des médicaments dans notre pays. Et d'autre part sur nos réserves de changes s'agissant de médicaments importés. Pour l'OMS, le phénomène prend de l'ampleur. Il est précisé dans le communiqué de mardi dernier que «Le volume d'antibiotiques utilisés chez les animaux continue de croître partout dans le monde, sous l'effet de la demande grandissante en aliments d'origine animale, provenant souvent d'élevages intensifs». En administrant systématiquement des antibiotiques à leurs animaux, les éleveurs le font avec le souci de favoriser leur croissance. L'OMS le sait. C'est pourquoi, elle préconise «pour remplacer les antibiotiques dans la prévention des maladies chez l'animal, il est notamment proposé d'améliorer l'hygiène et l'utilisation des vaccins et de modifier les pratiques d'hébergement et d'élevage des animaux». Maintenant que nous connaissons, grâce à l'OMS, les risques que font courir à notre santé, certains éleveurs, il y a lieu de s'interroger sur la manière la plus efficace pour réglementer et contrôler cette pratique. D'abord à la commercialisation et la distribution de ces médicaments. S'il faut arriver à cesser la vente libre des antibiotiques, pourquoi pas? S'il faut instaurer un système de contrôle chez les grossistes, pourquoi pas? D'autant qu'il est plus facile de détecter les anomalies sur de grosses quantités consommées que chez le pharmacien avec ses ventes par petites doses. Quoiqu'il en soit, cette alerte doit trouver une oreille attentive chez nos responsables. Le citoyen est finalement «encerclé» par les menaces. Celle de la pollution de l'air. De la pollution sonore. Des perturbateurs endocriniens. Des épidémies de virus. Etc.etc. Cela suffit pour ne pas en rajouter. Deux départements ministériels sont directement concernés. La santé et l'agriculture. La concertation et la coordination sont indispensables. L'action a entreprendre fait partie de la prévention. Pour protéger les citoyens. Mais pas seulement. Les dépenses de santé publique aussi. Il y a un autre volet à ne pas négliger dans cette surveillance médicale. Celui d'obliger les éleveurs à assurer leur cheptel contre les risques de maladies. Car et pour peu que leurs intérêts soient préservés, les éleveurs accepteraient plus volontiers les contrôles vétérinaires. Quoiqu'il en soit, le choix n'est plus à faire. Entre le poulet ou le mouton et la santé des citoyens, les pouvoirs publics sauront prendre les mesures appropriées suite à cette alerte de l'OMS. Il ne faut surtout pas confondre avec la viande qui «change de couleur» pour passer du rouge au vert, qui fait débat à chaque Aïd Al Adha. Les antibiotiques administrés aux animaux ont été constatés dans plusieurs pays par l'OMS. Donc pas de confusion! [email protected]