Convoqué à Riyadh par un simple appel téléphonique, il a été, à son arrivée, le 3 novembre, embarqué directement vers l'hôtel Ritz-Carlton où se trouvaient les princes, ministres, ex-ministres et hommes d'affaires arrêtés dans le cadre de la purge anticorruption. Après quinze jours d'incertitudes sur le cas du Premier ministre libanais, le ton est monté de nouveau entre l'Iran, et l'Arabie saoudite qui a fini par laisser M. Hariri se rendre en France, à la demande du président Emmanuel Macron, avant de rejoindre Beyrouth mercredi prochain, jour de la fête de l'indépendance. Il aura fallu que le président Michel Aoun durcisse sa position en proclamant que Riyadh «détenait» le Premier ministre libanais, puis l'intervention insistante du chef de l'Etat français et de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour que le prince héritier Mohamed ben Salmane consente à relâcher un homme apparu à la télévision de son propre parti avec des traits tirés, une voix inhabituelle et un regard de grande lassitude. «Je rentrerai prochainement et je remettrai ma démission au président de la République» avait alors indiqué M.Hariri à une population libanaise incrédule. Hier, donc, M. Hariri était à Paris d'où il a informé le président Michel Aoun qu'il sera de retour au pays du Cèdre mercredi prochain afin de participer à la Fête de l'indépendance. Le communiqué de la présidence a même indiqué, dans la foulée, qu'il participera «notamment, au défilé militaire» traditionnel. Maintenant que l'imbroglio est clos, on commence à découvrir les conditions rocambolesques dans lesquelles le Premier ministre libanais s'est trouvé embarqué. Convoqué à Riyadh par un simple appel téléphonique, il a été à son arrivée, le 3 novembre, embarqué directement vers l'hôtel Ritz-Carlton où se trouvaient les princes, ministres, ex-ministres et hommes d'affaires arrêtés dans le cadre de la purge anticorruption déclenchée par le prince héritier juste après l'installation de la commission ad hoc. Le lendemain, il devra attendre quatre heures pour être reçu par Mohamed ben Salmane qui lui remet le texte annonçant sa démission, assortie d'une charge violente contre le Hezbollah. Les jours suivants, il apprend qu'une enquête est menée sur son entreprise de BTP dans le cadre de la lutte anticorruption. Le reste, on le connaît suffisamment, les Libanais, toutes tendances confondues, ayant fait front pour exiger le retour sans délai de leur Premier ministre dont la démission ne peut être prise en considération qu'à Beyrouth même. L'affaire Hariri est l'arbre qui cache la forêt du différend entre l'Arabie saoudite, désormais dirigée par Mohamed ben Salmane impatient d'en découdre avec l'ennemi chiite et l'Iran dont l'engagement sur plusieurs fronts dans la région moyen-orientale a mis en évidence la volonté de leadership. Il semble toutefois que M. Hariri n'ait pas mesuré clairement les ambitions et les objectifs du prince héritier saoudien en la matière, décevant ses interlocuteurs et les faisant douter de son aptitude à braver le Hezbollah et son allié iranien. D'où un rappel à l'ordre pour un Premier ministre qui est, avant tout, un citoyen saoudien dont les affaires dépendent totalement du royaume wahhabite. Le dossier Hariri n'est pas clos, au contraire. La situation peut s'envenimer dans les jours ou les semaines qui viennent, surtout que l'Iran est monté au créneau non seulement pour riposter aux déclarations de Riyadh mais aussi à celle du président et du MAE français. L'un et l'autre ont souscrit aux accusations de l'Arabie saoudite relatives aux «ingérences» dans les pays de la région, c'est-à-dire en Irak et en Syrie où la partie est d'ores et déjà perdue mais surtout au Yémen où les dirigeants saoudiens craignent une défaite qui sonnerait comme un tocsin dans le ciel de leur ambition de puissance régionale. On voit mal, dans un tel contexte de crise rampante, comment M. Hariri pourrait parvenir à tirer son épingle du jeu et s'en sortir sans grand dommage. L'unique solution qui lui reste est celle de la démission, porte ouverte à une nouvelle crise de grande ampleur pour le Liban dont les fragiles équilibres intercommunautaires se retrouveraient aussitôt en péril. Il faudra au président Michel Aoun mais également à Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, des trésors de persuasion et de compromis pour parvenir à infléchir son choix, mais le fait est que l'Arabie saoudite conserve, même à distance, des arguments auxquels il aura, bon gré mal gré, beaucoup de mal à résister.