Peu d'éléments nouveaux dans une enquête qui s'annonce difficile et compliquée. La police britannique continuait hier à tâtonner tentant de comprendre d'abord le procédé avec lequel ont été exécutés les attentats de jeudi contre les transports londoniens. Par élimination et supputations, les services de sécurité semblent commencer à avoir une idée sur la manière avec laquelle les attentats ont été commis, mais il reste encore à déterminer la nature des explosifs utilisés. Une certitude se dessine toutefois, les bombes qui ont servi aux attentats ne sont pas artisanales. Ainsi, Scotland Yard a quelque peu levé hier le voile sur des faits liés aux attentats en indiquant que l'explosif des quatre bombes était de «forte puissance», la police étant encline à supposer qu'un dispositif «à retardement» a été utilisé. Très évasif, un officier de Scotland Yard, Brian Paddick, s'est contenté de renvoyer les questionnements de la presse en s'interrogeant lui-même sur la nature des explosifs indiquant: «Explosif militaire, explosif industriel, plastic? Nous ne voulons pas l'affirmer pour le moment» craignant sans doute qu'en étant plus précis, il ne dévoile des faits qui puissent nuire à l'enquête. Mais, comme celle-ci ne fait que commencer, toutes les supputations sont plausibles et la presse britannique ne se prive pas d'en faire en menant en parallèle sa propre enquête. Il est de fait que le type d'explosif, son origine, le détonateur et la façon dont l'engin est fabriqué, offrent aux enquêteurs des renseignements appréciables sur l'identité du groupe responsable. Une procédure en fait classique dans toute affaire de cette nature. Brian Paddick indique à ce propos: «Tout ce que nous disons, c'est qu'il s'agit d'un explosif de forte puissance... ce qui suggère qu'il ne s'agit pas d'un engin artisanal.» Mais, il n'en dira pas plus. De fait, l'exécution quasimilitaire des attentats de Londres conduit la police britannique à estimer que ceux-ci ont été perpétrés par un, ou des, groupe(s) professionnel(s). La police semble avoir maintenant une idée plus précise du déroulement des attaques, estimant que les trois bombes dans le métro se sont déclenchées quasisimultanément dans un intervalle de 50 secondes à partir de 8h 50 (7h 50 GMT) alors que la quatrième bombe, qui a visé un bus à deux étages qui circulait à Tavistock Square, près de Russell Square, a explosé à 09h 47 (08h 47 GMT) près d'une heure après les explosions dans le métro. Ces attentats ont fait, selon les estimations de la police, plus de 50 morts et quelque 700 blessés. Toutefois, le nombre réel des morts demeure inconnu, les sauveteurs ayant des difficultés à descendre dans le sous-sol du métro où il fait, indiquent des sources proches des secouristes britanniques, une chaleur de 60° empêchant ces derniers à atteindre les corps des victimes coincés dans les décombres. Par ailleurs, il semble, en l'état actuel de l'enquête, que la police soit encline à écarter le fait qu'un (ou des) kamikaze (s) soit (ent) derrière ce carnage. Jusqu'à hier, aucune arrestation n'a été opérée, et les enquêteurs restent prudents n'écartant aucune piste mais n'en privilégiant aucune non plus. De fait, la police se trouve dans l'expectative et tâte le terrain prenant en compte tous les aspects d'une affaire qui n'a pas encore livrée tous ses tenants. Ainsi, en est-il de la piste du Marocain Mohammed Al-Guerbouzi qui a fait samedi la Une des tabloïds londoniens, quelque peu relativisée hier où apparaissait une autre piste menant vers un autre terroriste présumé, le Syrien Moustapha Setmariam Nasar. De fait, Mohamed Al-Guerbouzi a démenti hier toute implication dans les attentats de Londres, déclinant dans une vidéo, où il apparaissait en ombre chinoise et s'exprimant en arabe, son identité en affirmant être porteur d'un passeport britannique indiquant: «Je ne suis pas en fuite. Les autorités britanniques savent parfaitement où je me trouve. Je démens formellement les accusations de la presse concernant mon implication dans des actes de terrorisme à Londres ou à Madrid. Il s'agit de fausses accusations répandues par les autorités marocaines.» Tout aussi spéculative est la piste Nasar, ce dernier, étant, au même titre que Guerbouzi, soupçonné d'être l'un des auteurs ou commanditaires, des attentats de Madrid du 11 mars 2004 qui ont fait 198 morts et près de 2000 blessés. Plusieurs journaux de Londres ont publié hier la photo du Syrien considéré comme l'un des possibles auteurs du carnage de Londres. Ainsi, le quotidien London Times, citant des «sources espagnoles de sécurité» écrivait hier que Nasar «apparaît comme un personnage important dans la traque des poseurs de bombes de Londres». Cependant, un autre quotidien le Sunday Telegraph relativise l'importance de cette piste estimant que Nasar, «n'est que l'un des nombreux suspects» recherchés par la police et le MI5 (renseignements intérieurs). Mais les spécialistes britanniques craignent toujours d'autres attaques. De fait, suite à une «menace importante» la police a dû faire évacuer dans la soirée de samedi tout le centre-ville de Birmingham (comté de West Midlands) soit environ 20.000 personnes, après une alerte à la bombe, a indiqué l'adjoint au maire de la ville. C'est dire l'état de nervosité dans lequel se trouvent autorités et populations britanniques. Un responsable à la sécurité britannique a ainsi estimé qu'«il est parfaitement possible, vu les attentats de jeudi, que les terroristes frappent à nouveau» mettant en exergue la difficulté à sécuriser une ville de la dimension de la capitale britannique (près de onze millions d'habitants avec sa grande banlieue). Quatre jours après les attentats de jeudi, les choses tardent à se décanter, la police avançant prudemment mais ne négligeant aucune piste, d'autant que les deux revendications faites au nom d'Al Qaîda ne contribuent guère à clarifier la donne autour des forfaits commis contre la capitale britannique.