Le ministre de la Santé et de la Population veut secouer le cocotier. Amar Tou, ministre de la Santé à la tête du département depuis le dernier remaniement ministériel s'est donné le temps de faire l'état des lieux. Visiblement, aujourd'hui, c'est fait puisqu'il vient d'adresser sa première circulaire aux gestionnaires des établissements de santé. Il y dresse un diagnostic des plus sévères. «L'absentéisme, le mauvais accueil, le non-respect des rendez-vous, le détournement amoral des médicaments, des instruments, voire des malades, frôlant parfois l'escroquerie, le mauvais traitement des malades, l'opacité dans la gestion...» sont autant d'aspects négatifs qui s'inscrivent dans ce qu'il désigne comme étant «une logique de la perversion». Une logique qu'il est décidé à combattre par tous les moyens même s'il se veut rassurant en précisant que c'est là «un phénomène minoritaire». Cette circulaire datée du 4 juillet dernier à tout l'air d'un avertissement avant l'offensive. Un avertissement à cette «minorité» d'avoir à rentrer dans le rang pour que cesse «l'opprobre jetée sur toute la communauté de la santé». Une communauté qui «ne peut plus rester otage de cette situation», précise la circulaire du ministre. Avec beaucoup de nuances, le ministre énonce tout de même sans complaisance toutes les tares qui affectent le secteur. Un chapelet interminable. Pour s'en débarrasser et parvenir à «des mutations positives», Amar Tou devra se servir du «bistouri» sinon sa note suivra le même sort que toutes les circulaires «pondues» par ses prédécesseurs, c'est-à-dire lettre morte. Il faut dire que l'actuel ministre de la Santé bénéficie d'une réputation de battant qu'il s'est taillée lors du «redressement du FLN» et a à son actif le fulgurant développement de la téléphonie alors qu'il était ministre des Postes et Télécommunications. La différence avec le secteur qu'il dirige aujourd'hui est qu'il a affaire à de gros intérêts bien établis. Et comme s'il voulait dire qu'il connaît «le gros lièvre» qu'il veut lever, sa circulaire n°2 signée deux jours après celle citée ci-dessus, vise «les monopoles qui refont surface d'une manière détournée, dans le cadre des opérations d'acquisition d'équipements, de produits pharmaceutiques et de consommables et ce, notamment, à travers des instructions visant la désignation d'un équipement donné, d'un produit donné ou d'un fournisseur donné». Comprendre par là que les jours de la Pharmacie centrale des hôpitaux, qui avait l'exclusivité de l'approvisionnement des structures hospitalières publiques, sont comptés. Une véritable révolution dans un milieu qui pataugeait à sa guise dans une enveloppe de milliards de dollars. Car, il paraît évident que le ministre ne s'arrêtera pas à la seule PCH dans son action de moralisation. Il s'attaquera forcément aux autres sources de «perversion» qui nichent dans le marché du médicament tout entier. Il devra affronter des forces de dimension internationale que sont les multinationales du médicament qui ont des relais dans le pays pour casser la production nationale ou prendre les malades algériens pour cobayes dans les essais de leurs médicaments sur l'humain. Il devra se pencher sur les invitations aux «congrès scientifiques» à l'étranger dont usent et abusent sans contrôle nombre de nos spécialistes. La tâche est immense mais pas impossible pour un ministre qui a la réputation de ne pas être facile. Une tâche où il n'aura que les malades pour l'encourager à aller de l'avant. C'est à dire toute la nation moins une minorité de parasites.