Le président français entame aujourd'hui une tournée en Afrique à la veille du Sommet UA-UE à Abidjan Décidé à redresser l'image et l'influence françaises en Afrique, Emmanuel Macron entame aujourd'hui sa première tournée sur le continent -Burkina Faso, Côte d'Ivoire et Ghana- pour moderniser les relations franco-africaines, recentrées sur l'entrepreneuriat, la jeunesse et l'éducation. Il devra convaincre une jeunesse africaine de plus en plus hostile à la présence française sur le continent, sur fond de menace terroriste persistante au Sahel que les troupes françaises installées dans la région ont du mal à combattre et de flux migratoire croissant que l'Europe veut endiguer. Pour montrer qu'il appartient à une nouvelle génération, éloignée du passé colonial, il parlera surtout partenariat économique, entrepreneuriat, éducation, sport et énergies renouvelables, plutôt que d'aide au développement. Vraie innovation, il s'est entouré depuis cet été d'un «Conseil présidentiel pour l'Afrique», principalement des jeunes entrepreneurs binationaux en lien étroit avec leur pays d'origine, qui lui apportent une autre vision de l'Afrique que les réseaux diplomatiques traditionnels de ses prédécesseurs. Première étape, le Burkina Faso où il prononce demain son principal discours de politique africaine devant 800 étudiants à l'université de Ouagadougou. Il répondra ensuite à leurs questions, «sans filtre», promet l'Elysée. «Ce public n'a pas forcément une bonne image de la France», reconnaît l'Elysée, surtout depuis la chute de Blaise Compaoré, chassé par la rue en 2014 et que la France a exfiltré vers la Côte d'Ivoire. Le Burkina réclame aussi à Paris l'extradition de son frère François Compaoré, objet d'un mandat d'arrêt international pour l'assassinat d'un journaliste en 1998. Plusieurs organisations de ce pays ont appelé à manifester sur son passage, pour protester contre le «pillage» des ressources naturelles par les grandes entreprises françaises, la présence militaire de Paris et le maintien du franc CFA, «monnaie coloniale», selon elles. Emmanuel Macron se rendra ensuite à Abidjan pour assister au sommet Afrique-Europe et «replacer la relation France-Afrique dans le cadre de son projet de refondation de l'Europe». Ses priorités: obtenir le soutien financier des Européens pour la force antiterroriste des pays du G5 Sahel et coordonner la lutte contre les passeurs, y compris en Libye où certains migrants sont vendus comme esclaves. Le président français a qualifié mercredi ces cas d'esclavage de «crimes contre l'humanité». Il en profitera aussi pour poser la première pierre du métro d'Abidjan, projet majeur pour lequel Paris a accordé un prêt record d'1,4 milliard d'euros. Il se rendra enfin au Ghana, pays anglophone, afin de montrer une «approche continentale de l'Afrique» au delà des anciennes colonies françaises et une vision plus offensive de la francophonie. «Emmanuel Macron a compris qu'il faut s'adresser autant aux Africains qu'aux diasporas africaines. Ce sont elles qui font naître un sentiment antifrançais», souligne le spécialiste Antoine Glaser. «Il veut mettre davantage les chefs d'Etat africains en face de leurs responsabilités, pour qu'ils prennent en main leur sécurité, et recentrer sa politique sur le Sahel», ajoute-t-il. Le chef de l'Etat devra aussi veiller à éviter tout impair sociétal et faire oublier a petite phrase de cet été au G20, où il jugeait difficile de stabiliser l'Afrique quand la natalité y est «encore de 7 à 8 enfants par femme». «Comme ses prédécesseurs, il donne la priorité à la sécurité au Sahel et veut garder l'influence de la France en Afrique francophone tout en s'ouvrant à d'autres pays», note Frédéric Lejeal, rédacteur en chef de la Lettre du Continent. «Mais, la différence, c'est qu'il connaît l'Afrique où il a effectué un stage de 6 mois, est entouré d'une meilleure expertise africaine, avec une vision multipolaire, et voit le continent comme un formidable réservoir d'opportunités économiques». «Nous devons avoir aujourd'hui des rapports d'égalité, d'intérêts réciproques et de respect mutuel», soulignait début novembre le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré. «Les jeunes pourront poser des questions pour mieux comprendre ce que la France entend apporter de nouveau dans ses relations avec l'Afrique. C'est un point de rupture que les gens attendent». «La France a moins d'influence, l'Afrique s'est mondialisée. Et dans les pays francophones d'Afrique de l'Ouest, le sentiment est que la France est connectée aux dirigeants mais pas à la jeunesse ni à la société civile. Emmanuel Macron veut mettre en place une diplomatie économique», renchérit Alain Antil, spécialiste de l'Afrique à l'Ifri