La première incidence de cette baisse de la production tirera le prix vers le haut Le phénomène de «l'alternance», le retard des pluies, la hausse de la température en été sont trois facteurs qui ont réduit sensiblement la production oléicole cette année. L'oléiculture reste une activité des plus importantes dans la partie est de la wilaya de Bouira. Depuis quelques années, d'autres régions comme Lakhdaria au nord ou Dirah au sud se sont lancées dans cette filière grâce aux nombreux programmes financés par les pouvoirs publics. La réputation de la qualité de l'huile a dépassé les frontières de la wilaya. La production, qui reste en deçà des espérances, est due en partie à l'exploitation trop artisanale. Le parc olivier est dans son immense majorité privé et familial, d'où la difficulté d'entretenir les arbres. Menacés par la maladie qui se propage très rapidement, les oliviers doivent être traités dans la globalité. En Espagne par exemple, les plants d'oliviers s'étendent sur des centaines de kilomètres. Le traitement est fait par voie aérienne. Chez nous et selon les moyens de chacun, le traitement se limite à quelques arbres. Un autre facteur porte atteinte à la qualité de l'huile: la cueillette se fait quand le grain est noir. Selon un expert, l'olive perd sa valeur nutritive quand elle noircit. Après la cueillette, le grain est entassé pendant des jours aux abords des huileries. Cette situation augmente, selon toujours notre expert, l'acidité de l'huile qui n'est plus fine et perd ainsi beaucoup de sa qualité. Lors du broyage, il est impératif de maintenir la température à 31°, or de nombreux pressoirs ne respectent pas cette condition. A ces facteurs techniques s'ajoutent les aléas de la nature. Le phénomène de «l'alternance», le retard des pluies, la hausse de la température en été sont trois facteurs qui ont sensiblement réduit la production oléicole cette année. D'habitude, un quintal d'olives donne entre 18 et 23 litres d'huile. Cette année et en raison de la santé du grain, les 100 kilos donneront moins de 16 litres. Si dans des pays comme l'Espagne, la Tunisie, la Grèce... l'huile d'olive, désignée par le qualificatif «d'or vert» est une réelle industrie, une source de revenu en monnaie forte, un secteur pourvoyeur d'emplois et de richesse, chez nous la filière est livrée à elle-même. Des milliards ont été investis dans des prêts, des aides qui n'ont jamais ciblé les vrais professionnels, mais ont profité à des intermédiaires, des personnes mercantiles. Les professionnels du secteur s'attendent à une production qui approchera les huit millions de litres quand, il y a quelques années, la production avoisinait les 18 millions de litres. La baisse sensible due en partie au réchauffement climatique et au non entretien des oliviers affectera à n'en pas douter la saison puisqu'elle réduira l'emploi au niveau des 211 huileries que compte la wilaya. La saison oléicole qui vient de débuter est une aubaine pour la région Est où les nombreux chômeurs trouvent un emploi saisonnier, surtout que plus de 80% de la production proviennent de cette partie de la wilaya. La modernisation des pressoirs, conçus pour des productions beaucoup plus importantes, écourtera à ne pas en douter la période du ramassage. Les facteurs climatiques, en plus de réduire la production, peuvent affecter la qualité. Précisons que la meilleure huile reste celle de la région de M'Chedallah et de Chorfa où la variété «Achemlal» donne une huile avec un taux d'acidité inférieur à 2%. La rareté du produit cette saison influera également sur le prix de vente. La première incidence de cette baisse de la production tirera le prix vers le haut. L'on annonce déjà des coûts entre 800 et 1000 DA le litre. La récolte, qui reste artisanale, l'âge des oliviers et le réchauffement climatique continuent de faire de la filière une activité de subsistance et à se limiter au clan familial. Faite manuellement et traditionnellement, l'opération fera appel à beaucoup de volonté. Les femmes, les petits-enfants, en période de vacances scolaires prochaines s'associeront afin de ramasser les grains un à un. L'érosion du pouvoir d'achat amène le consommateur à recourir aux huiles industrielles, aux dépens de sa santé, même si les prix sont excessifs. «Nous obéissons aux caprices de ces arbres. On fait des bénéfices une année pour compenser l'autre», nous confie un producteur qui a fini par industrialiser son activité. Son produit est conditionné dans des bouteilles et destiné à l'exportation en Tunisie où il compense la demande locale. L'inexistence de circuits organisés de commercialisation, l'anarchie qui y règne et l'apparition des lobbies autour de la profession, ont accentué la spéculation et sont à l'origine de cette hausse. Au regard des difficultés que rencontrent les paysans, 500 DA jusqu'à 1000 DA le litre restent un prix conforme comparé aux augmentations qui ont touché toutes les filières agricoles et où l'effort manuel est de loin moins intense. «Même quand la récolte est maigre, il faut se donner de la peine pour ne pas mécontenter ces arbres qui exigent le respect. Ces arbres sont mes vrais enfants. Ceux biologiques sont partis en ville. Eux sont toujours à mes côtés et assurent ma survie», nous disait avec un air nostalgique et philosophique encore un paysan de Chorfa. La filière qui va accumuler deux années de disette lance un appel aux pouvoirs publics afin de venir les aider à perpétuer une agriculture ancestrale, un héritage plein de sens. Même les projets de plantation lancés il y a quelques années au sud de la wilaya se sont avérés infructueux et l'oléiculture reste une activité exclusive de la région Nord et Est de la wilaya.