La récolte qui reste manuelle et traditionnelle influe sur l'avenir de l'arbre L'huile produite reste difficile à commercialiser surtout que des lobbies ont infiltré la filière et la contrefaçon fait des ravages. Parce que l'olivier est prolifique une année sur deux, la récolte pour cette année, sera et sans aucun doute, plus importante. La cueillette des olives a débuté depuis plus d'une dizaine de jours déjà. Les huileries travaillent à plein régime. La satisfaction vient aussi de la météo qui est restée clémente et les paysans travaillent à leur guise. Cependant, trois facteurs essentiels s'opposent au développement et à la modernisation de ce secteur: le caractère traditionnel de la production, les aléas naturels et l'inexistence de circuits de commercialisation. Les arbres cumulant des centaines d'années pour certains, la modernisation n'est pas possible. La récolte qui reste manuelle et traditionnelle influe sur l'avenir de l'arbre. Les troncs étant immenses et les oliviers centenaires, aucune mécanisation n'est possible. Les vibrateurs utilisés ailleurs ne sont pas conçus pour des oliviers aussi imposants et robustes. L'échelle, le filet et le bâton sont les seuls outils encore utilisés. La cueillette se fait toujours traditionnellement. Le travail est pénible et se fait en famille. Les olives sont ramassées une à une. Le dérèglement climatique influe directement sur l'olivier qui ne supporte pas les températures extrêmes. L'huile produite reste difficile à commercialiser surtout que des lobbies ont infiltré la filière et la contrefaçon fait des ravages. Des moyens dérisoires La filière concentrée en grande partie dans la région est de la wilaya, plus précisément dans la daïra de M'Chedallah, continue et depuis des lustres à rester un legs familial et une entreprise qui s'hérite de père en fils; un autre facteur qui s'oppose au développement. Le temps et ses lois ont poussé tout le monde à moderniser les installations. Comme pour prendre le temps à témoin, certains ont laissé les anciens pressoirs en l'état et servent de décor et représentent un pan de l'histoire de toute la région. Plusieurs familles par amour de la profession, se sont dotées d'huileries modernes mais elles n'échappent pas au diktat des mercantiles qui ont la mainmise sur le marché. Les lobbies qui ne ratent aucune occasion ont infiltré la corporation. La création d'une filière professionnelle de l'oléiculture subventionnée sur fonds public et avec une participation de 9 millions de DA consentie par l'Union européenne a vite tourné en dérision devant les intérêts partisans et individuels. L'association composée de 14 membres issus des quatre coins de la wilaya s'est confinée dans des réunions. «Les bénéficiaires aux aides, aux terres et aux plants sont des gens externes à la profession» nous a déclaré un responsable syndical autonome. C'est dans ce cadre qu'une coopérative a été créée sur les hauteurs de Dirah où l'oliveraie est vite devenue un terrain vague. «Parce que l'olivier ne nourrit pas, il est délaissé de plus en plus. La cherté de la vie a poussé les jeunes à aller vers des professions plus rentables et seuls les anciens continuent à s'occuper des arbres. L'ouverture de l'école et sa démocratisation a sensiblement réduit la main-d'oeuvre. L'olivier n'est plus irrigué, élagué comme jadis. Sa survie n'est due qu'à son caractère rustique mais sa production perd de sa qualité» nous avait confié le propriétaire d'une huilerie l'année passée à l'occasion d'un reportage sur la filière. Réputée huile fine avec un taux d'acidité inférieur à 1%, la production de M'Chedallah «Achemlal», Chorfa tend à se banaliser et n'est plus distinguée des huiles des autres régions du pays. Elle est souvent mélangée à d'autres huiles pour améliorer le goût et accentuer l'odeur qu'elle dégage. Pas de circuits de commercialisation Par le passé, les paysans recouraient à la construction de retenues d'eau sur les rivières et par des actions de volontariat creusaient des canalisations pour amener l'eau jusqu'aux troncs des arbres. «Pour une bonne production mais aussi une bonne qualité de l'huile, l'olivier doit être irrigué juste après l'hiver et pendant les saisons de printemps et d'été après la floraison» nous avait confié notre interlocuteur. Pour tenter de comprendre pourquoi la filière reste une activité en proie à des intentions et menacée de disparition, nous avons rencontré l'année dernière un propriétaire qui s'occupe d'une huilerie familiale. A la question de savoir pourquoi cette inertie dans un secteur aussi important, notre interlocuteur répondra: «La filière est concentrée dans trois régions du pays. Ces régions sont connues pour leur refus du fait accompli et sont qualifiées de régions frondeuses. Les programmes de développement agricole ne sont pas répartis équitablement. Les aides quand elles existent vont dans tous les sens sans arriver à ceux qui les méritent. Les magnats de l'huile aussi entravent l'amélioration de la production surtout qu'une huile de qualité et en quantité à un coût raisonnable, peut devenir un concurrent sérieux aux huiles industrielles et peut casser le monopole national de certains sur un produit de base...» Le second facteur est naturel. L'olivier produit une année sur deux. «Seul un entretien intensif et des conditions climatiques idéales peuvent inverser cette nature» nous confie Aâmi Omar qui ajoute: «Il faut un hiver doux, un printemps pluvieux sans vent et un été sans canicule pour permettre à l'olivier de produire deux années de suite.» Ces conditions relèvent de l'utopie en ces temps de dérèglement climatique causé en partie par le réchauffement de la planète. Ces confessions d'un paysan de la région de Chorfa résument la situation de l'oléiculture. Le facteur frein au développement de la filière reste l'inexistence de circuits organisés pour la commercialisation. Ainsi, pour l'année 2005, les producteurs se sont retrouvés dans l'impossibilité de vendre leur produit aux Tunisiens. L'olive «Achemlal» a étonné nos voisins par la qualité de son huile et ils ont raflé toute la production. Il n'est pas rare d'acheter une huile de M'Chedallah sur les étals de Tunis, de Gabès ou de Hammamet en la payant au prix fort quand chez nous on dit qu'elle est trop chère. Voyant des signes d'amertume et de découragement sur le visage de notre interlocuteur, nous avons essayé de comprendre son argumentaire. «L'argument qui confirme mes dires et mes appréhensions reste la décision des pouvoirs publics d'effacer les dettes de l'ensemble des filières, mais ont exclu l'oléiculture. Cette filière travaille une saison sur l'année et s'il y a une corporation qui nécessite les aides c'est bien la nôtre. Les responsables eux voient les choses différemment. Cette manière n'est pas propre à notre filière. Voyez ce qui se passe avec les dattes Deglet Nour. Elles vont dans les pays voisins à dos de mulet. C'est la même chose pour l'huile d'olive, la vraie, la pure. Notre filière est victime des intentions de certains gros riches qui veulent l'accaparer. Notre combat est dur mais nous ne nous laisserons pas faire surtout que c'est une question de famille et un héritage ancestral.» Ainsi, et au vu de tous les problèmes auxquels il est confronté, il est aisé d'affirmer, à juste titre, que ça ne baigne pas dans l'huile pour le secteur oléicole à Bouira.