Les liens du mariage consacrés par l'Islam n'ont pas résisté à l'évolution des moeurs en Algérie. Constantine a abrité, jeudi dernier, une cérémonie de mariage «collectif» qui a profité à 128 jeunes couples. Ce phénomène est nouveau, mais devant la «cherté» de la vie, il est appelé à prendre de l'ampleur. Le mariage, en tant que choix individuel, n'échappe désormais plus à la solidarité dans une société démantelée, déstructurée et qui cherche à préserver son équilibre. Dans une Algérie en crise, convoler en justes noces est devenu, par la force des choses, une affaire de gros sous. Les liens du mariage consacrés par l'Islam n'ont pas résisté à l'évolution des moeurs en Algérie. Une évolution qui a fini par libérer «l'institution du mariage» de la mainmise du système «patriarcal». L'ouverture de la société, une décennie rouge dont les séquelles ne sont pas près d'être effacées, une crise sociale et économique qui a plongé plus de six millions d'Algériens sous le seuil de pauvreté et les confluences étrangères ont imposé à la société des choix qui ne sont pas obligatoirement acceptés par tout le monde. Peu à peu, le mariage a commencé à quitter le giron de la tradition sans pour autant s'installer dans une modernité mal assimilée. Constantine, à l'instar des autres wilayas du pays, a fini par abandonner, pour ne pas dire abdiquer, devant la nouvelle mode des cérémonies de mariage «prêt-à-porter». C'en est bien fini des orchestres et des fêtes d'autan. «Les t'boul» en plein air font partie désormais d'un passé révolu. Les festivités d'une semaine ont dramatiquement rétréci. Les invités sont triés sur le volet. En un mot, la cérémonie de mariage est aujourd'hui conçue comme une «corvée» à liquider au plus vite et avec le minimum de dépenses, si c'est possible! Cette manière de voir les choses est curieusement partagée par les familles des futurs époux dans un consensus tacite. Sur les coûts du mariage, chacun va de ses chiffres, mais tout le monde parle de dépenses qui dépassent largement les 800.000 DA. Pour la majorité des jeunes qui n'ont pas les moyens, il vaut mieux décrocher un visa, ça coûte moins cher et ça peut rapporter gros! Pour ce qui est de la cérémonie, il est rare, très rare que des familles l'organisent à domicile. Il est plus pratique maintenant de louer une salle. A Constantine, il y a à peu près une vingtaine de salles dont le coût de location varie entre 80 et 140.000 DA la soirée, service compris. Appelées communément «salles des fêtes», ces lieux sont sollicités, chaque été, par des centaines de familles. Chaque famille opte pour la salle qui répond à son standing. Dans la ville des Ponts, il est question aussi d' «étiquette» et d'«image de marque» particulièrement pour les nantis. Ces derniers ne se privent pas d'étaler leur luxe et leur faste, à coup de millions, de 4 x 4, et d'orchestres raï. Pour le reste, c'est-à-dire la majorité, on se contente d'un D.J. afin d'assurer un semblant d'animation à moindre coût. De juin jusqu'au début du mois de septembre, les quartiers populaires de la cité, d'El Guammas, Bab El Kantara, vivent ainsi chaque jour au rythme de Joséphine et du tapage nocturne que les voisins sont obligés de supporter. C'est dans ce contexte qu'une nouvelle formule de mariage fait sont petit bonhomme de chemin et s'installe lentement dans les moeurs. C'est le mariage collectif. Initialement, l'idée a été lancée par les affaires religieuses, puis elle a été prise en charge par les imams qui ont, chaque vendredi, appelé à la solidarité des fidèles. Une solidarité qui s'est transformée, en huit mois de collecte, en un mariage collectif, qui a touché 128 couples de démunis. Ce chiffre demeure modeste, mais c'est toujours un début que la société civile de Constantine est appelée à récupérer et à rentabiliser afin de donner une chance aux jeunes qui n'ont pas les moyens. Le mariage collectif doit sortir du carcan des idées préconçues. Les concepteurs doivent l'élever au rang de pratique culturelle aux dimensions humaines avérées, pour rendre cette pratique courante et permettre aux jeunes couples de surmonter les coûts élevés. La cérémonie de ce jeudi s'est particulièrement caractérisée par des dons, de chambres à coucher, de réfrigérateurs, et téléviseur en plus des aides financières.