La plage s'est transformée, bon gré mal gré, en une véritable surface où s'exerce une activité «économique» qui prend de l'ampleur. «M'hadjeb skhounine! 20 DA l'unité!» Rassurez-vous, vous n'êtes ici ni dans un marché public ni même dans une quelconque ruelle populaire de l'Algérois où la tradition culinaire fait florès. Ces clameurs retentissantes, vous risquez plutôt de les entendre sur les plages. Car, en effet, et comme c'est de coutume, chaque saison estivale apporte son lot de petits emplois et autres métiers saisonniers auxquels s'adonnent, en nombre, les jeunes chômeurs. Tout au long des journées chaudes de l'été, ces jeunes oisifs proposent aux estivants des produits divers. Les plus en vue et dont la présence est devenue coutumière depuis quelques années sont les vendeurs de produits alimentaires. Munis de leurs plateaux de fortune ou, parfois, de leurs caisses en plastique, ils circulent, tout au long de la journée et même le soir, le long de la plage pour proposer toutes sortes de produits dont des beignets, des sandwichs, des m'hadjeb mais aussi des boissons fraîches du thé, du café, etc. Bravant le plus souvent la canicule, de jeunes enfants notamment, sillonnent la même surface pour céder aux vacanciers des cigarettes, de la chique... Issus, la plupart, de familles pauvres, ces commerçants saisonniers, ne font pas seulement dans l'alimentation. Les plus ingénus et les plus aisés aussi, se sont convertis, avec l'autorisation des autorités locales, dans le commerce d'accessoires de plage en proposant aux clients des parasols, des chaises longues et des tables. Pour les loisirs, ces débrouillards, ne manquent pas d'imagination et font montre souvent d'une intelligence particulièrement mercantile. Nombre d'entre eux cèdent et à des prix assez raisonnables, des planches, des bouées et des barques... Dans toutes les plages de la côte algéroise, les jeunes commerçants pullulent. Les estivants sont assaillis une fois sur les lieux et assistent à une « guerre » concurrentielle des plus rudes. Chacun y va de ses propres prix et de ses propres services espérant décrocher l'affaire de la journée. Et c'est dans ces petits métiers que se font à tour de bras les « grandes » affaires. A raison d'un bénéfice journalier qui dépasse les 2000 DA, les vendeurs de beignets, eux, s'en tirent haut la main d'où le nombre de plus en plus croissant de ces jeunots en quête de fortune estivale. Ceux, qui louent les parasols font le double, voire le triple des premiers. Quant à l'argent amassé, beaucoup de jeunes scolarisés l'épargnent jusqu'à la veille de la rentrée scolaire pour l'achat des produits nécessaires. Les autres, les plus modestes, à l'aide de ces «fortunes» aident leurs parents à subvenir aux besoins de la famille. La plage, à y voir de plus près, s'est transformée, au fil des années, du fait notamment des mutations socio-économiques qu'a connues le pays durant la décennie 90, en une véritable surface où s'exerce, au vu et au vu de tous, une activité «économique» parallèle bien que celle-ci reste très peu nuisible pour l'économie nationale. Le chômage aidant, des milliers de jeunes prennent d'assaut les plages avec pour but de réaliser des affaires alléchantes. Certains, au terme de l'été s'en sortent avec des sommes colossales qui se chiffrent, souvent, à coup de millions. L'autre réalité: le manque d'investissement notamment dans les zones côtières et touristiques et l'attitude indulgente de l'Etat ont conduit à la propagation de ce type de commerce dont il ne faut pas voir seulement les points positifs. L'absence donc d'une politique de tourisme adéquate et agressive, celle qui fait valoir aux yeux des opérateurs aussi bien nationaux qu'étrangers les atouts touristiques de l'Algérie a poussé à la clochardisation de nos belles stations balnéaires. Il ne faut pas non plus occulter le taux de pauvreté qui touche particulièrement les habitants des régions côtières lesquelles subissent à leur corps défendant les conséquences de l'absence d'investissement dans ces contrées. Les pouvoirs publics, eux, continuent à fermer les yeux sur ces activités dont une grande partie n'est régie par aucune loi. L'attitude permissive de l'Etat ne doit pas cependant se faire sans le recours à un contrôle rigoureux permettant une meilleure exploitation de nos plages et, incitant par là même les investisseurs à s'impliquer davantage dans le marché national.