Les Catalans sont appelés aujourd'hui à décider s'ils conservent leur confiance aux indépendantistes, crédités des faveurs des sondages Après une campagne à couteaux tirés, les électeurs de Catalogne décident aujourd'hui s'ils reconduisent au pouvoir les dirigeants indépendantistes poursuivis par la justice pour une tentative de sécession qui a secoué l'Espagne et l'Europe. Les derniers sondages montrent que les Catalans sont toujours divisés à parts égales entre séparatistes et partisans de l'unité de l'Espagne, dont les défenseurs les plus farouches, Ciudadanos, montent en flèche dans les sondages. Mais les derniers meetings de campagne mardi ont mis en lumière les divisions intestines des deux camps, qui compliqueront encore la formation d'une coalition de gouvernement. En dépit des incertitudes - plus d'un quart de l'électorat serait encore indécis - beaucoup d'analystes tablent sur un gouvernement dirigé par les séparatistes. «Ils ont reconnu publiquement que la voie unilatérale vers l'indépendance n'était plus possible, souligne Andrew Dowling, un expert du nationalisme catalan à l'université de Cardiff, au Royaume Uni. S'ils forment un gouvernement, ils seront très prudents parce qu'ils ne voudront pas être démis à nouveau». Après la proclamation unilatérale d'indépendance du 27 octobre, le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy a suspendu l'autonomie de la région, destitué l'exécutif et dissous le parlement régional pour convoquer ces nouvelles élections. La crise catalane, qui a fait la une dans le monde entier le 1er octobre quand la police espagnole a réprimé brutalement un referendum d'autodétermination interdit par la justice, a alarmé l'Union européenne qui, craignant une contagion des séparatismes, a appuyé fermement Madrid. Faisant campagne par vidéo-conférence depuis Bruxelles où il s'est exilé, Carles Puigdemont, l'ex-président de l'exécutif catalan, a affirmé que voter pour lui serait mettre en échec M. Rajoy. «La présidence de Catalogne ne se 'décapite'' pas, elle ne se change pas en fonction des convenances» des dirigeants à Madrid, a déclaré l'ancien journaliste. En se présentant comme le seul candidat légitime pour diriger la région, il prétend aussi barrer la route à son ex-vice président, Oriol Junqueras, dont le parti Gauche républicaine de Catalogne (ERC) aspire à gouverner pour la première fois depuis la guerre civile. Inculpé comme M. Puigdemont et leurs anciens ministres de rébellion, sédition et malversations pour avoir préparé la sécession, M. Junqueras est lui en prison.«Parce que je ne me cache pas et suis conséquent avec mes actes», a-t-il expliqué à la radio Rac1, dans une pique contre la fuite à Bruxelles de M. Puigdemont. En face, la candidate de Ciudadanos, Inès Arrimadas, 36 ans, promet aux Catalans la fin du «processus» d'indépendance qui divise la région depuis des années et a fait fuir plus de 3 000 entreprises qui ont transféré leur siège social hors de la région. «Nous allons nous réveiller de ce cauchemar», a-t-elle lancé en appelant les électeurs aux urnes. «Ça va se jouer à une poignée de voix, personne ne peut rester chez soi». Dans l'assistance, Miguel Carillo, 62 ans, électeur du Parti populaire de M. Rajoy, a expliqué qu'il voterait cette fois pour Ciudadanos, un vote stratégique parce que «nous voulons être unis à l'Espagne. Nous ne voulons pas d'une république». Mais la jeune candidate n'a pas épargné non plus le Parti socialiste de Catalogne (PSC), auquel elle dispute les voix anti-indépendantistes, rappelant que ce dernier n'a pas hésité par le passé à s'allier aux séparatistes pour gouverner. Même si les indépendantistes n'obtiennent pas la majorité des voix, la loi électorale favorise les régions rurales où ils sont dominants, et les sondages leur permettent d'espérer la majorité de 68 sièges sur 135 au parlement. Une telle victoire devrait les inciter à surmonter leurs différences, d'autant que l'autonomie restera suspendue tant qu'il n'y aura pas de gouvernement. Mais «les possibilités de blocage et de nouvelles élections sont très élevées», prévient le politologue Pepe Fernandez-Albertos. La loi prévoit un retour aux urnes d'ici la fin mai si aucun gouvernement n'est formé.