Le Premier ministre lors de l'inauguration de la Foire de la production nationale Cette sortie du Premier ministre signifie-t-elle l'arrêt de l'attribution des autorisations d'ouverture d'usines de montage automobiles? Cela en a tout l'air puisqu'ils sont déjà 5 avec Renault, Volkswagen, Hyundai, KIA et prochainement Peugeot... «Nous n'allons pas laisser refaire l'histoire des minoteries!». C'est avec cette phrase lourde de sens que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, s'est adressé aux producteurs automobiles lors de l'inauguration, jeudi dernier, de la 26ème édition de la Foire de la production algérienne (FPA). En effet, le chef de l'Exécutif a promis de mettre de l'ordre dans cette industrie encore embryonnaire afin d'éviter un «remake» des moulins qui profitent d'une multitude de facilitations, de la farine subventionnée à titre d'exemple, sans pouvoir relever le défi de l'exportation. Le Premier ministre a donc adressé un avertissement à peine voilé aux opérateurs qui ont décidé de se lancer dans ce défi du montage automobile afin d'améliorer au plus vite le taux d'intégration. Les choses sont claires pour Ouyahia, il ne veut pas que cette industrie d'assemblage ne se transforme en importation «déguisée», particulièrement en cette période des vaches maigres. «Si on a arrêté d'importer 500.000 véhicules/an, soit 6 milliards de dollars, ce n'est pas pour importer 600.000 ou 800.000 kits aujourd'hui. Les 500.000 véhicules étaient importés à l'époque où nous avions 174 milliards de dollars (de réserves de changes, Ndlr) mais aujourd'hui, à novembre, nous n'en avions que 98 milliards de dollars», a-t-il argumenté. Ainsi, Il promet que l'Etat va remettre de l'ordre dans ce marché afin d'aller vers une véritable industrie qui «produit» de la devise au lieu de la «consommer» comme c'est le cas actuellement. Dans ce sens, il annonce que le nombre de véhicule sera «très limité. «Il n'y aura pas 50 producteurs de véhicules légers ou lourds (en Algérie), la liste sera très limitée», a-t-il précisé, ce qui a sonné comme une douche froide à la pléiade d'hommes d'affaires venus assister à l'inauguration de ce salon, et dont beaucoup avaient laissé transparaître leurs ambitions de se lancer dans cette juteuse aventure. Il a fait savoir, à ce titre, que le ministère de l'Industrie a enregistré à ce jour 60 demandeurs pour l'assemblage de véhicules en Algérie. 98 milliards de dollars de réserves de changes «Il y a trop de demandes sur l'automobile (assemblage automobile, Ndlr) et nous (gouvernement) n'allons pas consommer toutes les devises de l'Algérie en important des kits, nous mettrons de l'ordre dans ce marché», a-t-il affirmé, en constatant que beaucoup d'opérateurs essayent de se lancer dans cette activité sans même attendre d'avoir les agréments nécessaires. Le Premier ministre menace-t-il de «bloquer» les trois industriels qui ont déjà ouvert leurs usines? Non, pas du tout! «C'est un marché qui va être rétréci et qui sera monopolisé. Nous comptons sur ceux qui sont sur place pour tenir la balle», souligne-t-il pour ne laisser aucune équivoque. D'ailleurs, en s'adressant à un concessionnaire qui a déjà investi dans le marché de l'assemblage, il a dit à propos du nombre d'assembleurs qui y seront retenus: «Dans l'avenir vous serez cinq pour l'automobile (ils sont déjà cinq avec Renault, Volkswagen, Hyundai, KIA et prochainement Peugeot, ndlr) et cinq pour les camions.» Ce qui aura eu donc pour effet de rassurer ces investisseurs tout en provoquant assurément la colère d'autres. «Ceci ne va pas plaire à certains mais, en tant que gouvernement, nous avons à défendre les intérêts du pays», a-t-il lâché. «Nous n'avons plus de devises à gaspiller et dites-le à vos amis du secteur: Aujourd'hui ça leur semblera une démarche gouvernementale un peu brutale mais il faut qu'ils pensent aussi que, dans quatre ans, ils risquent tous de baisserer les rideaux», a-t-il lancé à l'égard d'un assembleur de véhicules. «Diversifiez et exportez...» Néanmoins, ce ne sont pas que les assembleurs automobiles qui ont été avertis à l'ouverture de cette Foire de la production algérienne (FPA). Ouyahia, qui est réputé pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, a déversé son «venin» contre tous les producteurs nationaux qui n'arrivent pas à atteindre les objectifs assignés par le gouvernement qui sont notamment l'exportation et un fort taux d'intégration. «Vous devez vous impliquer davantage dans la diversification de l'économie algérienne en augmentant leurs taux d'intégration pour réduire les importations et en adoptant une démarche plus agressive en matière d'exportation», n'a-t-il cessé de dire tout au long de sa visite de ce salon. Le Premier ministre leur a également demandé de diversifier leurs activités et éviter de recréer des productions existant en abondance sur le marché. «Il faut de la rationalité, si nous avons cinq ou six nouvelles entreprises qui démarrent c'est bien, mais si elles font toutes la même chose, qu'est-ce que cela pourra nous apporter en termes macro-économiques?», a-t-il asséné à l'adresse d'un producteur de chauffages à gaz. Le même message a été adressé à des producteurs d'appareils électroniques et électroménagers. Il a en outre invité les opérateurs privés, à s'associer, notamment dans le cadre du Forum des chefs d'entreprises (FCE), pour investir dans le domaine du fret aérien et maritime pour essayer de réduire le coût du transport des produits exportés et rendre ainsi plus compétitives leurs exportations en termes de prix. Toutefois, «Si Ahmed» n'est pas venu que pour «remonter les bretelles» à nos industriels. Il a profité de l'occasion pour réaffirmer la détermination du gouvernement à les aider et les accompagner, avec un avantage à ceux qui se lancent dans l'exportation. Il a appelé par la même ces opérateurs à «aider» l'Etat à réduire davantage les importations. «Aidez-nous à réduire les importations pour préserver les réserves de changes et par conséquent l'indépendance financière du pays», a-t-il lâché. La majorité des opérateurs a salué les mesures engagées par le gouvernement pour soutenir la production nationale et a notamment applaudi la suppression récente du régime des licences d'importation pour des centaines de biens produits localement. Durant presque trois heures, le Premier ministre a fait le tour de la majorité des exposants à ce salon qui se tient jusqu'au 27 de ce mois au Palais des expositions (Pins maritimes), en commençant par les stands des entreprises de production du ministère de la Défense nationale qui participe pour la deuxième fois à cette manifestation économique. Une sortie donc à la Ouyahia, c'est-à-dire «bourrée» de messages forts...