L'homme d'affaires qui a certainement paniqué à cette offensive médiatique, notamment sur les réseaux sociaux, a tenté de contre-attaquer par les mêmes moyens d'ailleurs en vain. Il accuse ses concurrents en nommant les marques qui pourraient l'ester en justice pour diffamation, il se contredit sur les chiffres en lançant un effectif du simple au double, une production journalière du nombre de véhicules très loin de ce qui était annoncé lors de l'inauguration de cette usine qui a couté la bagatelle de 250 millions de dollars. De l'autre côté, le gouvernement surpris par la diffusion des vidéos, dépêche pour certainement noyer le poisson une commission expéditive qui est passée en quelques heures du doute aux félicitations. Plus grave, on a même permis au partenaire Sud Coréen de s'exprimer pour se vanter de pouvoir transférer une technologie dans les délais des engagements pris. Pourtant, les vidéos diffusés sont formelles, des véhicules totalement assemblés dans un container sans les pneus. Plus loin, les ouvriers montent les rouent. On peut se demander quel est ce concurrent ou citoyen jaloux qui supporterait des dépenses pour ramener des moyens logistiques lourds afin monter ce scénario pour nuire à cet homme d'affaire dont l'unité vient à peine de démarrer et pourquoi ? Quels sont les critères pour qu'une grande marque s'installe dans un pays ? Comment peut-on situer l'affaire TMC par rapport à son concurrent Renault et Peugeot ? Que vise l'Algérie par ces usines de montage ? Pourquoi ces ombres dans les chiffres annoncé ? Enfin quelles est la leçon à tirer de cette affaire ? Le rêve des pouvoir publics s'est estompé avec cette affaire L'Algérie a toujours rêvé de construire sa propre voiture. On se rappelle le projet de la voiture Algérienne qui a fait long feu, la MINA-4 en 1967. Depuis la puissante Sonacom en partenariat avec des géants de l'automobile comme Berliet, Deutrz a monté des camions comme le M-210, la Série des « B » le moteur Cirta plus tard la « Fatia » etc. Dans un modèle de développement autocentré, reconnaissent plus tard de nombreux analystes l'industrie Algérienne avait toutes les chances de faire progresser le taux d'intégration. Malheureusement la réorientation de l'économie nationale, début des années 80 a tout ramené à zéro en déstructurant le processus intégré des puissantes sociétés nationales dont le peu de savoir et savoir faire qu'elles ont capitalisés s'est effrité. Plus proche de nous, les années 2000 l'objectif de «la voiture algérienne» a bénéficie d'un véritable matraquage médiatique. L'Algérie a pris la ferme décision irrévocable de créer une industrie automobile pour produire des voitures et des véhicules industriels sous la conduite d'Abdelhamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements. Il a ravivé le fantasme de la voiture sur les cendres de ce qu'il a appelé lui-même : « la quincaillerie algérienne » terme qui qualifie de ce qui reste du secteur industriel des années 70. De nombreuses tentatives ont été faites après lui mais n'ont pas drainé de partenaires crédibles pour des raisons évidentes : absence de clusters de sous traitance et pollution du climat des affaires. Il fallait attendre prés de 47 ans pour voir la première voiture montée en Algérie sortir d'Oued Tlelat la fameuse « Symbol » L'usine Renault de Oued Tlelat est en effet une entreprise qui dotée d'équipements sophistiqués pour le montage de véhicules de haute gamme car son investissement est le deuxième en Afrique après celui du Maroc. Pour le cas algérien, des estimations donnent une cadence de 75.000 voitures par an avec une possibilité d'augmenter la production pour l'exportation vers d'autres pays africains mais ceci n'est qu'un objectif. Toutefois Renault devrait œuvrer pour élargir progressivement le taux d'intégration de départ retenu à 12% à d'autres opérateurs algériens chacun dans son domaine de spécialisations à savoir le verre, la pneumatique et d'autres accessoires utiles pour le véhicule. Rappelons que le contrat signé entre le groupe Renault et la partie algérienne est régi sur la base de la règle 51/49 auquel la SNVI détient 34 % avec 17 % détenus par le Fond national d'investissement et les 49 % sont détenus par le constructeur français. Pour l'heure, l'usine qui fait travailler 200 ouvriers algériens continuera le recrutement pour l'encadrement technique parmi les diplômés des écoles algériennes et la formation continue sera appliquée telle que l'une des clauses du contrat le stipule. Bien que tout le monde sait que le Renault visait un « marché » et non un partenariat, les intentions des uns et des autres étaient et ne souffraient d'aucune ambigüité. L'usine existe, elle produit mais n'a rien changé au cours du marché qui s'est enflammé. Les autres constructeurs comme Peugeot, Volkswagen, Hyundai ont suivi pour proposer des projets sentant bien entendu la bonne affaire qui non seulement ne les engage en rien mais partageront la croissance avec les Algériens en toute quiétude. L'affaire TAHKOUT justement rentre dans ce cadre là. Tahkout n'est pas un industriel mais un homme d'affaires Certains diront mais où se situe la différence. Elle est de taille. L'industriel donne à ses projets une portée stratégique, dans ce cas ces gains évolueront en dents de scie doucement mais surement et pour plusieurs générations. L'homme d'affaires par contre recherche le gain facile et s'appuie sur un « pay out time » le plus court possible pour amasser des capitaux qu'il fructifie par diversification dans tous les domaines. L'objectif est seulement de gagner plus. Il n'est pas loin du spéculateur. C'est la raison pour laquelle l'actif de cet homme d'affaires est passé d'un bus à 1000 et d'un million à plusieurs milliards en un temps record. Même si sur le plan éthique et moral, cette évolution reste discutable, elle est économiquement humaine. Elle a trouvé une brèche dans le système, il saisit l'opportunité. Il a un défaut, il parle trop. La révélation de son projet avec l'Iranienne Saipa lui attire des ennuis et des envieux car comme l'a fait la compagnie Maruti avant lui, se lancer dans les petites voitures low cost gêne le lobby français qui détient prés de 70% des parts du marché en Algérie. Donc à ce niveau, l'homme n'a pas tort car il est dans le collimateur. La voiture est devenue un statut social en Algérie dont la couche moyenne a rejoint celle pauvre par conséquence la faible bourse aspire à une quatre roues en fonction de ses moyens. Reste la question que de nombreux experts se posent. Comment il a réussi habillement à contourner les règles et les procédures ? Rappelons d'abord qu'il n'est pas extraordinaire et ceci teste fort probable que les vidéos diffusées soient réellles, seulement une situation passagère. Une panne d'un maillon de la chaine, met l'unité à l'arrêt provisoire. Son partenaire Sud Coréen lui envoie des voitures toutes prêtes à la commercialisation en lui montant uniquement les pneus pour ne pas rompre la cadence de production. N'importe qui à sa place le ferait. Rappelons à l'occasion que l'unité Renault de Oued Tlélat devait connaitre plusieurs arrêts suite à, une rupture d'approvisionnement en kits de montage de Roumanie causée par la vague de froid. En tout cas, l'intéressé a paniqué en ouvrant son usine à la presse mais qu'est ce qu'on y voit comparé à l'unité marocaine ou mexicaine supposées de même gabarit : un immense garage artisanal de mécanicien juxtaposé à un autre de tôlerie. La partie numérique est jalousement contrôlée par des coopérants techniques sud coréens par le biais de boites noirs. Ce projet est passé par le Conseil National des Investissements(CNI) Si l'on se réfère au décret exécutif N° 06-355 du 9 octobre 2006 relatif aux attributions, à la composition, à l'organisation et au fonctionnement du Conseil national de l'investissement, c'est le premier ministre qui le préside avec un secrétariat réservé à l'industrie et les mines. Les collectivités locales, les finances, l'industrie, la promotion des investissements, le commerce, l'énergie, le tourisme, la petite et moyenne entreprise et artisanat, l'aménagement du territoire,l' environnement et tourisme en sont membres. L'action de ce conseil s'exerce désormais en matière de décisions stratégiques relatives à l'investissement et en matière d'examen des dossiers d'investissements présentant un intérêt pour l'économie nationale. Comment cet ensemble de structures d'élite, ce beau monde a laissé passer un kit contenant un châssis peint, portant même les phares, les garnitures, les sièges, le tableau de bord, et même le logo Hyundai. Comment a-t-il permis au Sud Coréen de faire travailler ses usines en Corée et les transférer presque montées en Algérie et qui reviennent aux mêmes que pour un concessionnaire. Pourquoi n'a-t-il pas obligé le partenaire de s'impliquer dans le projet ? Donc l'arnaque ne se situe pas au niveau de Tahkout mais tout lui a été permis par les pouvoirs publics eux-mêmes dont le premier responsable du gouvernement qui a la charge de trancher sur les projets de cette envergure. Alors, qu'il s'étonne en dépêchant une inspection pourrait être compris par le commun des mortels comme de la poudre aux yeux. Tahkout et le dispositif CKD /SKD Lorsqu'un projet selon son envergure a eu l'aval de l'ANDI ou de la CNI, il est mis en œuvre en respectant scrupuleusement le cahier des charges. Pour les assembleurs tous secteurs confondus, ils restent soumis annuellement au respect d'un dispositif dit CKD/SKD régit par le décret N°74-2000 du 02 Avril 2000 qui fixe les conditions d'identification des activités de production à partir de collection destinée aux industrie de montage et aux collections CKD/SKD. La mise en œuvre de cette procédure a été complétée et précisée le 24 Février 2014 par un autre décret exécutif N°14-88. Les assembleurs doivent donc chaque année adresser une demande à Madame la secrétaire générale du ministère de l'industrie et des mines qui fait ressortir les produits pour lesquels l'assembleur sollicite un avis technique pour les produits qu'il compte importer avec leur position tarifaire correspondante. Pour cela il devra, s'il est ancien comme le cas de TMC présenter un dossier administratif et un autre technique qu'une commission étudiera minutieusement envoie des enquêteurs sur le terrain pour constater de visu la chaine de production et la véracité des information fournies. Si tout est en ordre, on lui délivre un agrément valable une année. Dans le canevas d'avis technique, l'assembleur doit donner tous les détails : les kits à importer, les décisions antérieures pour comparer l'évolution, l'évolution des investissements consentis par l'assembleur dans le matériel de production pour vérifier le transfert annuel de la technologie, la liste détaillée des équipements de la chaine, l'évolution des emplois par rapport aux engagements de l'assembleur, la décomposition détaillée de la collection, les éléments qui peuvent permettre à la commission d'apprécier l'évolution du taux d'intégration qui devra évoluer de 15 à 40% au bout de la cinquième année sous condition que le partenaire qui a autorisé l'assembleur à exploiter son brevet s'implique dans le capital social de la société en question. Et ceci, sans compter bien entendu les détails sur l'évolution du chiffre d'affaire et un aperçu sur les perspectives de l'assembleur. Au vu donc de cette procédure, l'observateur se pose la question pour le cas de Tahkout pourquoi le premier ministre a décidé de dépêcher une commission alors qu'il aurait pu exiger immédiatement le rapport de l'industrie et des mines de la région de Tiaret et qui a autorisé TMC à importer les Kits en 2017. Comment se fait-il que l'activité de TMC n'a pas été arrêtée ou mise en demeure pour non-conformité à la souscription au capital social du partenaire Sud Coréen et une surestimation des engagements de la capacité de production et des emplois à créer. Pour rappel, ce projet évalué à plus de 250 millions de dollars devra débuter avec une cadence de 60 000 voitures par an et employer plus de 400 agents. Or à raison de 80 à 85 voitures par jour et en supposant que l'unité travaille 365 jours par année ce qui est peu probable pour ne pas dire impossible, elle en donne à peine la moitié pour une centaine d'emplois. Cela voudra dire que l'assembleur n'est pas soumis à ces contrôles annuels pour des raisons qui laissent le commun des mortels à deviner. Conclusion Il faut peut être reconnaitre que cet homme d'affaires n'est pas le seul dans ce cas, s'il a été visé en premier c'est qu'il n'a rien derrière lui et qu'il commence à gêner les lobbies en présence dans son domaine d'activité. Il n'y a pas de fumée sans feu. La leçon qu'il conviendrait de tirer c'est la confirmation incontestable de l'échec de la politique industrielle en Algérie. Il y a trop de lois qui ont tué la loi. Cet arsenal juridique a alourdi la bureaucratie, crée des niches pour la corruption et les passes droits qui polluent le climat des affaires et donc attirent les spéculateurs et les adeptes du gain facile. Les investisseurs véritables ne viendront pas en Algérie tant que ce rouage n'est pas assaini. La décision que vient de prendre les pouvoirs publics pour contingenter les kits de la collection CKD/SKD pour les soumettre elles aussi à une licence d'importation est un pas dans ce sens. *Consultant et Economiste Pétrolier