Plaque tournante du terrorisme islamiste, la capitale britannique s'active à débrouiller l'écheveau londonien. L'effet premier des attentats du 7 juillet a été de mettre en exergue ce que les «exégètes» appellent le «Londonistan», conglomérat formé d'islamistes et de prosélytes venus en masse du Maghreb et du Moyen-Orient se réfugier dans un Londres laxiste et permissif qui a permis tous les dépassements avec comme gage la tranquillité pour le Royaume-Uni. Ce mariage contre nature, mis à l'index par les pays arabes notamment, aura ainsi duré plus de quinze ans lorsque djihadistes de tous bords et opposants islamistes ont trouvé l'asile à Londres d'où ils programmaient et coordonnaient les attentats dans les pays arabes et musulmans. C'était là une réalité connue de tous et singulièrement des autorités politique et sécuritaire britanniques qui n'ont rien fait pour y mettre le holà. En fait, selon les spécialistes des mouvements islamistes, Londres est devenue au début des années 1990 la plaque tournante des groupes islamistes et surtout une place financière islamique importante alors que de nombreux médias arabes y ont implanté leurs sièges. Durant les années de feu imposées par les GIA au peuple algérien, des quotidiens londoniens comme Al-Hayet Al-Arabia et Al-Sharq Al-Awsat , et la chaîne satellitaire MBC - les trois à capitaux saoudiens - sont devenus de véritables porte-voix des groupes islamistes armés algériens glorifiant et répercutant leurs communiqués et revendications des attentats meurtriers commis en Algérie sans que les autorités britanniques y trouvent à redire. Des islamistes algériens, pakistanais, tunisiens, égyptiens, palestiniens, afghans ont ainsi installé leurs bases arrières dans la capitale britannique d'où ils s'attelaient à déstabiliser leur pays d'origine dans l'indifférence totale des pouvoirs locaux britanniques. Ces groupes ont de ce fait mésusé de leur puissance en coupant pour ainsi dire la branche sur laquelle ils étaient perchés en attaquant de front leur ultime refuge, ce dernier hors de portée des pouvoirs publics de leurs pays. Cet état de fait aura donc vécu mais, explique un expert des affaires des mouvements islamistes, «on aura peut-être un Londonistan plus clandestin», plus secret et sans doute plus difficile à débusquer. Toutefois, cet expert estime que cette nouvelle donne, disparition du sanctuaire londonien, va induire un usage massif d'Internet indiquant: «Je pense qu'Internet est la seule solution. Il n'existe pas de sanctuaire» soulignant: «Il existe un certain nombre de sites qui sont gérés ou administrés depuis Londres. Avec Internet vous pouvez avoir des pavillons de complaisance, être hébergé en Thaïlande et parler depuis Londres de la mouvance salafiste algérienne». De fait, selon un rapport du Royal Institute of International Affairs, (Chatham House), publié en début de semaine, dès les années 1990, les services britanniques «savaient parfaitement que Londres servait de plus en plus de base à des individus engagés dans la promotion, le financement et la préparation du terrorisme au Moyen-Orient et ailleurs». Il a donc fallu les attentats antiaméricains du 11 septembre 2001 pour que cette permissivité soit plus ou moins remise en cause, Londres instaurant plus de rigueur dans le contrôle des groupes et mouvements dissidents et islamistes mais, sans pour autant, mettre réellement en difficulté leurs capacités de nuisance et de reproduction. C'est seulement quand les terroristes se sont attaqués à la main qui les nourrissait -le dernier bilan des attentats de Londres fait état de 56 morts - que les autorités britanniques ont enfin pris conscience de la dimension du problème et décidé dans l'urgence de lui porter remède. C'est de cette optique que le ministre britannique de l'Intérieur, Charles Clarke, a annoncé hier l'établissement d'une liste de «comportements inacceptables» en liaison avec le terrorisme et précisé que les «étrangers qui s'en rendraient coupables» seraient expulsés du pays ou interdits de séjour. «Dans les circonstances auxquelles nous faisons face, j'ai décidé qu'il est juste d'élargir l'usage des pouvoirs concernant ceux qui fomentent le terrorisme ou cherchent à pousser d'autres à des actes terroristesce but, j'ai l'intention d'établir une liste de comportements inacceptables », tels, indique-t-il, certains «prêches, tenue de sites Internet, ou encore la rédaction d'articles qui ont pour but de fomenter ou de provoquer le terrorisme» a dit le ministre de l'Intérieur qui précise «j'ai revu les pouvoirs du gouvernement en matière d'expulsion (...) et ces pouvoirs doivent être appliqués plus largement et systématiquement, avant que les gens n'arrivent au Royaume-Uni, mais aussi quand ils y sont». Londres veut donc faire le ménage et réglementer le séjour des étrangers au Royaume-Uni. Des mesures qui demandaient à être prises lorsque le terrorisme islamiste a trouvé dans la capitale britannique toute latitude de se renforcer et de se diversifier comme de mener ses opérations contre les peuples arabes et musulmans qui, de fait, ont le plus souffert ces deux dernières décennies de ce fléau, à l'instar des Algériens hier -dont nombre de dirigeants des GIA et de l'ex-FIS ont trouvé refuge à Londres - et des Irakiens aujourd'hui.