Ces mêmes organisations qui criaient haro sur l'Algérie lors de la mise en place de juridictions d'exception, comme moyen de lutte contre le terrorisme, ne trouvent rien à redire aujourd'hui que Tony Blair a recours à la même procédure. La batterie de lois antiterroristes que Londres s'apprête à adopter appelle trois remarques. D'abord, même si ces lois d'exception n'ont été envisagées qu'après les meurtriers attentats dans la City londonienne et les menaces de nouvelles attaques, elles tombent à point nommé pour couper l'herbe sous le pied d'un terrorisme qui n'épargne plus personne et qui rue dans les brancards un peu comme une bête blessée. Le Londonistan n'aura plus les capacités qu'il avait auparavant pour couver des islamistes radicaux, leur ouvrant les formidables canaux de communication qui leur avaient permis de tisser leur toile à travers, pratiquement, le monde entier et d'où ils avaient organisé, à leur guise, de denses et inextricables réseaux logistiques et commandité d'horribles attentats. Tony Blair a fini par se rendre à l'évidence, lui qui avait constamment ignoré les avertissements de pays victimes, de, l'Algérie à l'Arabie Saoudite, en passant par l'Egypte quant à l'utilisation de son pays comme rampe de lancement de la violence islamiste. Riyad, pourtant concepteur et propagandiste du wahhabisme qui a enfanté la terreur islamiste, avoue, aujourd'hui, que les Britanniques les ont fait tourner en rond durant deux années, lorsqu'il les avait avertis de la menace posée par des dissidents saoudiens établis en Grande-Bretagne. C'est le pétrodollar qui a bâti le Londonistan mais l'Arabie Saoudite, rattrapée dès 2003 par le terrorisme, devait tirer son carton rouge, avertissant Tony Blair que les relations entre les deux pays seraient mises à mal si aucune action n'était entreprise pour mettre un terme à la confusion dans la gestion des islamistes à qui Londres avait octroyé généreusement des séjours, quand ce n'est pas la nationalité. Après les attentats du 7 juillet et récidive manquée le 21 juillet, le monde a applaudi à l'avertissement de Tony Blair que les règles du jeu britannique ont changé dans la lutte antiterroriste. Les lois d'exception permettant l'isolement de suspects, le prolongement de leur garde à vue, la suprématie du parquet, une codification restreinte de leur défense dont des auditions devant des cours spécialisées sans jury, et la promulgation de nouveaux chefs d'accusation, comme le crime de trahison tombé en désuétude avec, à la clef, une condamnation de prison à vie, n'ont suscité de remous chez personne. Pas même chez les gardiens du temple des libertés que sont les grandes ONG et qui n'ont rien trouvé à redire devant l'annonce par Tony Blair qu'il avait négocié avec plusieurs pays l'expulsion d'islamistes résidant en Grande-Bretagne. Seul le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture s'est fondu d'un communiqué rappelant qu'expulser vers un pays où la torture est pratiquée est absolument interdit par les lois internationales. Mais, comme il est difficile d'établir la liste de pays qui torturent, cet avertissement est un coup d'épée dans l'eau. La seconde remarque est relative à cette politique de deux poids, deux mesures. Tandis que pour Londres, on acquiesce et on encourage, pour l'Algérie, par exemple, on n'avait pas hésité à sortir la grosse artillerie. Toutes les mesures que le pays avait déployées pour faire face à la déferlante islamiste étaient suspectes, peu recommandables, voire condamnables. La Grande-Bretagne, elle-même, ne répliquait-elle pas sèchement à la lutte antiterroriste algérienne, accusant le pouvoir de ne pas toujours avoir un comportement conforme aux droits de l'Homme dans sa riposte au terrorisme ? La troisième remarque est qu'au moment où dans le monde il est mis fin à la confusion et aux fuites en avant dans la lutte contre le terrorisme, chez nous, on continue à s'emmêler les pinceaux en cultivant des incohérences sur l'approche même d'un phénomène pourtant admis comme dangereux par tous. La réconciliation nationale et l'amnistie polluent une situation qui interpelle plutôt pour un véritable démarrage économique inconcevable sans la conjugaison des forces modernes. L'Algérie des années 1990 restera l'aiguillon qui a montré au monde entier la voie à adopter face au terrorisme. D. Bouatta