Les réformateurs de l'ex-président Khatami condamnent «les violences» et «la duperie des Etats-Unis» «Les mounafikine, a dit le général Sanaïrad, responsable politique des Gardiens de la révolution, ont été chargés par les Al Saoud et certains pays européens de créer l'insécurité dans le pays.» Les violences ont continué, la nuit dernière, dans un Iran sous haute surveillance, faisant neuf morts au centre du pays qui a vu les manifestants tenter de prendre d'assaut un commissariat. Ce sont 21 personnes au total, dont 16 manifestants, qui ont succombé, depuis jeudi dernier, date du début des rassemblements suivis par des mouvements de plus en plus politiques jusqu'à devenir des émeutes contre le régime en place qui n'a pas vécu de tels évènements depuis 2009 lorsque les foules contestaient la réélection du président conservateur Ahmadinejad. Partie de Machhad, dans le nord-est de l'Iran, cette contestation était mue a priori par la volonté de dénoncer la vie chère et la corruption endémique, mais très vite, il est apparu que les meneurs avaient d'autres motivations et d'autres objectifs. Du coup, les dirigeants iraniens montés au créneau ont accusé l'opposition installée à l'étranger, notamment aux Etats-Unis, d'être l'instigatrice d'une situation qu'ils qualifient de complot contre l'Etat iranien. C'est ainsi que le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a accusé hier les «ennemis» de la République islamique d'avoir créé une coalition pour attaquer le régime iranien, selon la télévision d'Etat. «Dans les événements de ces derniers jours, les ennemis se sont unis en utilisant leurs moyens, l'argent, des armes, la politique et leurs services de sécurité pour créer des problèmes au régime islamique» d'Iran, a affirmé Ali Khamenei qui se prononçait pour la première fois depuis le début de la contestation. Auparavant, c'était le président Hassan Rohani qui évoquait pour sa part une «minorité» de «fauteurs de troubles» recourant à la violence, tout en affirmant que le gouvernement reste mobilisé pour «régler les problèmes de la population», dont prioritairement le chômage qui concerne 12% de la population active. Selon des informations recoupées, le mouvement de protestation qui n'a pas faibli depuis jeudi dernier demeure néanmoins non structuré car les manipulateurs ont tout intérêt à rester invisibles, et il se limite aux villes de moindre importance tandis que la capitale s'avère beaucoup moins concernée même si des sources indiquent que 450 personnes y ont été arrêtées. Ainsi, l'assaut contre le poste de police de Qahderijan, dans la province d'Ispahan, a-t-il entraîné la mort de six manifestants tandis qu'à Khomeinyshahr, toujours dans le centre du pays, un homme passant aux alentours d'un rassemblement a été blessé et son enfant de 11 ans tué par des tirs inconnus. La télévision d'Etat a fait également part de la mort d'un Gardien de la révolution à Kahriz Sang alors qu'un de ses collègues a été blessé par des manifestants armés de fusils de chasse. De la même manière, un policier avait péri également à Najafabad. La situation est devenue suffisamment alarmante pour faire réagir le général Ismaïl Kossari, numéro deux de la base des Gardiens de la Révolution et responsable de la sécurité à Téhéran. «Nous ne permettrons en aucune manière que l'insécurité continue à Téhéran. Si cela devait continuer, les responsables prendront des décisions pour en finir», a-t-il averti hier dans une déclaration largement rapportée par les médias iraniens. «Chaque jour qui passe, le crime des personnes arrêtées devient plus grave et leur punition sera plus lourde. Nous ne les considérons plus comme des protestataires qui réclament leurs droits, mais comme des gens qui visent le régime», lui a ensuite répondu, comme en écho, le chef du tribunal révolutionnaire de Téhéran, Moussa Ghazanfarabadi, cité par l'agence Tasnim. Téhéran accuse en outre les Moudjahidine du peuple, qualifiés de «mounafikine» (hypocrites) et des groupes monarchistes, d'être à l'origine de cette flambée de violences. Selon le général Rassoul Sanaïrad, responsable politique des Gardiens de la révolution, ils servent d'instruments de sape à des pays ennemis de l'Iran qui sont, on s'en doute, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis. «Les mounafikine, a dit le général Sanaïrad, ont été chargés par les Al Saoud et certains pays européens de créer l'insécurité dans le pays.» C'est une sorte de riposte au président américain Trump qui a encore tweeté hier que «le temps du changement est venu» pour un «régime brutal et corrompu», après avoir traité l'Iran quelques semaines plus tôt de «pays terroriste». Mais pour le vice-ministre de l'Intérieur, le mouvement va s'éteindre de lui-même car «la population coopère avec les forces de l'ordre» pour protéger les infrastructures. Ce qui n'a pas empêché le voisin turc d'exprimer son «inquiétude» hier, mettant en garde contre une «escalade» et des «provocations». «La Turquie est inquiète face aux informations selon lesquelles les manifestations (...) se répandent, provoquant des morts ainsi que la dégradation de certains bâtiments publics», a déclaré le ministère turc des Affaires étrangères, ajoutant que «le bon sens doit prévaloir pour empêcher toute escalade». Longtemps sujettes à des crispations, les relations entre l'Iran et la Turquie se sont quelque peu réchauffées depuis que les deux pays participent avec la Russie à la recherche d'une solution politique en Syrie où Téhéran et Moscou soutiennent le régime syrien alors que Ankara appuie les rebelles présents aux pourparlers d'Astana.