Une lecture croisée des lois algériennes et françaises en matière de prévention des catastrophes naturelles laisse apparaître des insuffisances criardes dans notre législation. Plus d'un mois après les inondations particulièrement meurtrières du 10 novembre, il est légitime et même important de se demander si notre législation avait prévu des textes de loi qui précisent la responsabilité des autorités compétentes dans la prévention des catastrophes naturelles ou technologiques. Il faut savoir qu'en Algérie, il existe un texte juridique, le dé-cret 85-232 du 25 août 1985, relatif à la prévention des risques de catastrophe. L'énoncé de cette loi fait obligation aux autorités et aux entreprises de «mettre en oeuvre des mesures et des normes réglementaires et techniques de nature à éliminer les risques susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes, des biens et de l'environnement, ou à en réduire les effets». Termes relativement génériques, noyés dans des généralités diffuses et qui ne précisent pas la nature exacte des procédures, dispositions et décisions à prendre dans le cadre de la prévention des catastrophes naturelles. Si l'on examine les textes de la législation française, par pure comparaison, on découvre que la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982, relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, stipule, dans son article 5, alinéa 1, que «l'Etat élabore et met en application des plans d'exposition aux risques naturels prévisibles, qui déterminent notamment les zones exposées et les techniques de prévention à mettre en oeuvre tant par les propriétaires que par les collectivités ou les établissements publics. Ces plans sont élaborés et révisés dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Ils valent servitude d'utilité publique et sont annexés au Plan d'occupation des sols, conformément à l'article L.123-10 du code de l'urbanisme». Sur la même lancée, rappelons que le wali d'Alger, M.Nourani, avait déclaré que la capitale ne disposait pas d'un récent Plan d'occupation du sol. Autre point à charge de nos autorités, les services de la wilaya n'ont jamais initié, depuis le temps qu'Alger est sujette aux séismes, une étude géotechnique globale et qui s'inscrit dans le cadre de la prévention des risques majeurs. Toujours selon la réglementation en vigueur en France, «la prise en compte des risques se manifeste par l'élaboration de plans de surface submersible élaborés par les services de l'Etat et approuvés par décret en Conseil d'Etat et de plans de zones sensibles aux incendies de forêt». En termes d'outils de prévention, l'administration française a prévu tout un arsenal en définissant très scrupuleusement la réglementation de l'occupation des sols. La responsabilité du maire de la commune française est, ici, nettement mise en exergue. En termes d'aménagement, il est chargé de la prévention des risques car il a pleine compétence en matière de délivrance des permis de construire et de plan d'urbanisme POS (plan d'occupation des sols non respecté à Alger à hauteur de 71%, selon certaines sources), en application du code de l'urbanisme français. En matière d'information préventive, le maire organise l'information de ses concitoyens dans les zones à risques. Il doit, notamment, établir un dossier communal d'information sur les risques et préparer une campagne d'information et un plan d'affichage (les affiches placardées décrivent les risques majeurs, dont les inondations, susceptibles de se produire, et donnent des consignes de sécurité), selon les explications contenues dans les documents de l'Organisation publique française exposant les modalités de la gestion des inondations dans l'Hexagone. Retour en Algérie: trouve t-on ce genre de dispositions dans les textes algériens? Et même pour la loi citée plus haut, le décret 85-232 du 25 août 1985, quelles procédures attenantes ont été mises en application? Ainsi, toute la question est de savoir comment ce vide juridique va être comblé. Le ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire, M.Chérif Rahmani, franchement enclin à une plus rigoureuse réglementation de l'urbanisme et de l'aménagement, devra, selon quelques indiscrétions, présenter un projet de loi en ce sens. Le récent colloque algéro-français, tenu il y a une semaine à l'hôtel El-Aurassi autour de ces questions, semble s'inscrire dans cette optique.