Des combattants séparatistes du sud du Yémen encerclaient hier le Palais présidentiel à Aden, deuxième ville du pays, après trois jours de combats meurtriers contre les forces gouvernementales qui ont perdu la plupart de leurs positions clés. Le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi est lui-même réfugié en Arabie saoudite, mais son premier ministre Ahmed ben Dagher et des membres du gouvernement résidaient ces derniers jours au palais présidentiel d'Aden. La crise qui a éclaté dimanche entre les séparatistes et le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenu par l'Arabie saoudite, a donné une nouvelle dimension au conflit qui se poursuit depuis trois ans dans ce pays pauvre de la péninsule arabique. «Les séparatistes ont encerclé le palais et contrôlent maintenant l'entrée principale», a indiqué un officier de l'armée yéménite, ajoutant: «Ceux qui sont à l'intérieur sont de fait assignés à résidence à ce stade». De son côté, le brigadier Saleh al-Sayyed, qui dirige des troupes combattant depuis dimanche avec les séparatistes, a annoncé que ses unités avaient pris le contrôle de la 4e Brigade qui inclut la garde présidentielle à Aden. Les combats ont fait au moins 36 morts et 185 blessés depuis dimanche, selon le Comité international de la Croix-Rouge (Cicr). La coalition sous commandement saoudien, qui intervient militairement au Yémen depuis 2015, a appelé dans la nuit à un cessez-le-feu immédiat. Le ministère de l'Intérieur a lui aussi déclaré avoir donné pour instruction à toutes les unités d'arrêter les combats et dit espérer que l'autre camp répondrait «positivement à l'appel de la coalition». Les séparatistes du sud du Yémen n'ont pas encore réagi à cette requête. La coalition a affirmé qu'elle prendrait «toutes les mesures nécessaires pour rétablir la sécurité à Aden», où le gouvernement s'est réfugié après avoir été chassé de la capitale Sanaa par les rebelles Houthis en 2014. Jusqu'ici, les principales composantes de la coalition -émiraties et saoudiennes- ne sont pas intervenues militairement à Aden pour faire cesser les combats. Lundi soir, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, qui est réfugié à Riyadh, a présidé une réunion avec ses conseillers et des responsables politiques, rejetant «le coup de force (séparatiste) et les actions terroristes à Aden», selon l'agence Saba. Les séparatistes étaient précédemment alliés à M.Hadi, mais la relation s'est tendue après le limogeage en 2017 du gouverneur d'Aden, Aidarous al-Zoubaidi, qui a formé un Conseil de transition du sud (STC), une autorité parallèle dominée par des séparatistes. Le Yémen du Sud était un Etat indépendant avant sa fusion avec le Nord en 1990 et les séparatistes y sont restés puissants. Depuis dimanche, ils ont acheminé des renforts vers Aden et, dans certains quartiers, ils semblaient en bien meilleure position que les unités gouvernementales, selon des habitants. Le STC avait fixé un ultimatum la semaine dernière à M. Hadi, exigeant le départ du Premier ministre Ahmed ben Dagher et «des changements au gouvernement», accusé de «mauvaise gestion» et de «corruption» Cet ultimatum a expiré dimanche matin et des combats ont aussitôt éclaté en ville, aboutissant à la prise du siège transitoire du gouvernement et d'autres installations par les séparatistes. Après avoir été chassé de Sanaa en 2014 par les rebelles Houthis, le gouvernement a déclaré l'année suivante Aden «capitale provisoire» du Yémen. Les Emirats, élément clé de la coalition dirigée par Riyadh, ont entraîné et appuient une force appelée «Ceinture de sécurité» dans le Sud. Cette force soutient le Conseil de transition du Sud créé par les séparatistes. Ce mois-ci, Riyadh a annoncé qu'elle transférait deux milliards de dollars à la Banque centrale du Yémen, contrôlée par le gouvernement Hadi, pour sauver l'économie. Lors d'un point de presse lundi soir à Riyadh, le porte-parole saoudien de la coalition au Yémen, le colonel Turki al-Maliki, a appelé les séparatistes à «la retenue et à parler avec le gouvernement légitime». Dans le même temps, a-t-il ajouté, «nous appelons le gouvernement légitime à examiner les demandes du mouvement social et politique» des séparatistes. Entre-temps, les civils à Aden se terrent chez eux, redoutant d'être pris sous des tirs croisés.