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Au pied du mont Chenoua, la plage Azur
Les habitués du grand bleu
Publié dans El Watan le 22 - 08 - 2004

Le mont Chenoua, verdâtre, se dresse majestueux, comme pour veiller sur la Méditerranée, mais aussi sur le grand bleu, cet immense complexe de tourisme populaire, situé à Chenoua-Plage.
Ces centaines d'aoûtiens, du moins dans leur majorité, n'en sont pas à leur premier séjour. Grâce à leurs employeurs, quasiment tous issus du secteur public, des familles viennent chaque été y passer des vacances de rêve pour une somme modique. Un camp de toile compartimenté en plusieurs « villages ». Ici, celui de la Banque du développement local (BDL) ; là, celui de la Banque nationale d'Algérie (BNA) ; en face, le secteur de l'éducation de la wilaya de Tissemsilt ; à proximité Etablissement national de la navigation aérienne (ENNA) ; un peu plus loin les secteurs sanitaires de Berrouaghia ou de Laghouat ; suivis du carré de Saïdal et de ses filiales. Des villages séparés par d'étroites allées, mais suffisamment larges pour que le résident « Saïdal » et le « campeur ENNA » puissent les emprunter sans encombre tout en échangeant des amabilités. Les « tribus » ne sont pas renfermées sur elles-mêmes. « Nous nous connaissons presque tous grâce aux tournois de jeux de société que la direction du complexe organise tous les jours à notre intentions », nous lance, souriant, un paramédical de Laghouat. Ce jeudi, une « olympiade » de belote est prévue en fin d'après-midi. Les pronostics vont bon train, donnant favoris les « Sudistes » qui, de l'aveu de quelques jaloux d'« Algérois », sont maîtres en la matière. « Le but est de meubler le temps, mais aussi de faire connaissance avec tous ces gens venus de diverses régions. Les parties se passent dans une ambiance bon enfant et on s'amuse énormément », renchérit un « campeur » banquier.
FARNIENTE CHEZ L'ENNA
Les villages se limitent entre 20 et 40 tentes. Chaque « guitoune » est dotée de 6 matelas, d'une table, de 6 chaises et d'un réchaud à gaz butane pour la cuisine. Cependant, il est souvent relevé que les tentes affichent des surcharges, la famille vacancière étant « greffée » de quelques neveux et nièces, proches du côté de « Monsieur » ou de « Madame ». Les séjours sont en général limités à 10 jours, de telle sorte qu'un maximum de familles de travailleurs puisse profiter du lieu. Avec 30 tentes louées du 1er juillet au 31 août 2004, l'ENNA permettra ainsi à 180 de ses travailleurs de goûter aux plaisirs du Grand bleu dans la mesure où le séjour est limité à dix jours par famille et facturé à 15 000 DA. Gérant une quarantaine d'aérodromes à travers le pays (partie navigation aérienne), la direction des œuvres sociales de l'ENNA doit user d'une véritable gymnastique pour satisfaire ses travailleurs dans « l'équité géographique », comme le souligne Kamel Sehili, président du Comité de participation (CP) et secrétaire général du syndicat d'entreprise de l'ENNA. « Nos travailleurs viennent de partout, d'Alger comme de Béchar. Nous confectionnons la liste bien avant l'été avec pour principe « 1er arrivé, 1er servi », sans aucun traitement de faveur ; que l'on soit cadre dirigeant ou simple employé, tout le monde est logé à la même... tente », poursuit notre interlocuteur, signalant que l'ENNA fréquente le Grand bleu depuis trois années consécutives. Les frais de séjour sont supportés par les deux parties, les deux tiers par le travailleur et le reste par les œuvres sociales. « Et encore, la somme versée par le travailleur est assurée par les œuvres sociales sous forme de prêt remboursable en plusieurs mensualités », relève notre interlocuteur en signalant que l'ENNA dispose, dans le cadre d'une concession, d'un camp de toile de 120 tentes à El Aouana, dans la wilaya de Jijel. Un avantage supplémentaire à cette entreprise publique que le syndicat n'hésite pas à qualifier de modèle en matière de relations avec la direction générale. « Le partenaire social a souvent recours à l'escarcelle pour le bien-être du travailleur », reconnaît Kamel Sehili en nous suggérant de « faire intrusion » dans n'importe quelle tente du camp.
UNE PLAGE PROPRE ET SECURISÉE
Nous jetons notre dévolu sur la « 67 » où des femmes s'affairaient à préparer une table « commune ». Chacune d'elles a « pioché » dans son ordinaire, sans parcimonie. Une table agrémentée d'un repas copieux auquel nous serons conviés. « Nacéra, tâche de bien soigner nos hôtes, sinon ils écriront des méchancetés », ironise Kamel à l'adresse de l'une de nos hôtesses. Ici, on se tutoie et les épouses des collègues sont appelées par leur prénom, en d'autres termes un climat familial prévalant chez la « grande famille de l'ENNA ». S'il n'est pas strictement conventionné, farniente aoûtien oblige, l'emploi du temps des pensionnaires du Grand bleu n'est point géré sans la bonne humeur. Toute activité est ludique. On joue, on s'amuse, on rit aux éclats et cela en cuisinant, en mettant de l'ordre dans la tente ou en allant faire ses emplettes dans la supérette du complexe. « Même les scènes de ménage se passent avec... entrain », plaisante Leïla. Cette mère de deux filles, ingénieur en informatique, déclare s'inscrire dans la « logique féminine » du village : « Après avoir nettoyé la tente et mis la literie au soleil, je rejoins mes fourneaux pour préparer le déjeuner. En début d'après-midi, je descends à la plage avec mes voisines pour y rester jusqu'au coucher du soleil. » Chenoua Plage, destination par excellence des Algérois depuis des lustres, garde, encore intact, son sable fin. Les pilleurs ne s'aventurent pas, la Gendarmerie veillant au grain. La plage est prise d'assaut par les campeurs du Grand bleu mais aussi par les pensionnaires d'autres camps de toile privés, à l'exemple de la Mer du Sud, mitoyen. L'eau est peu profonde, permettant ainsi aux enfants de se baigner sans danger. « Dieu merci, nous n'avons enregistré aucune noyade depuis l'ouverture de la saison, le 1er juillet 2004 », se félicite un maître nageur. Les secouristes, travaillant pour le compte de la Protection civile, sont assez nombreux pour que tout incident ne frôle pas l'irréparable. La prévention n'est pas un vain mot. « Le sifflet du maître nageur se fait entendre toute la journée. Personne n'ose s'aventurer au large, même si la mer est calme, et c'est tant mieux », nous dit Abbès, s'apprêtant à rentrer « chez lui », car devant emmener sa fille Maïssa, 9 ans, chez la coiffeuse. Elle devra participer à un défilé de mode pour enfants, organisé par la direction du complexe. Le top model en herbe fera un un tabac. « Je monte à la tente pour préparer le dîner. Nous devons le prendre plus tôt que d'habitude pour pouvoir assister au concert de Radia Manal », renchérit son épouse, également primée dans le concours de « La tente la mieux tenue ».
RADIA MANAL ET LA FIÈVRE DU JEUDI SOIR
22h 45. Le théâtre en plein air du Grand bleu, affiche déjà complet. Au guichet, quelques retardataires pressent le pas. « Pas question de rater cette soirée. Nous sommes venues pour danser et nous éclater et nous allons nous éclater ! », lance un groupe de jeunes filles. A l'intérieur, les familles estivantes, venues des quatre coins de l'Algérie profonde, semblent bien installées. Les premiers bancs de « l'arène », presque en cercle, sont déjà occupés par des parents et, surtout, des jeunes filles. Ces dernières ont tenu à porter leurs plus belles tenues. Jeans serrés, robes ou jupes courtes d'été, s'étant mises ainsi sur leur « 31 ». Accompagnées de leurs filles, les mamans se sont débarrassées pour la circonstance de la « djebba », une tenue de soirée étant incontournable. On se bouscule à la recherche d'un endroit pour s'installer le plus près possible de la scène. « Je ne veux pas rater cette soirée. C'est Radia Manal qui va chanter », lance une femme venue de Bab El Oued. « La nuit sera chaude, ça va vibrer », tempête notre accompagnateur. A l'affiche, la belle, la sublime, la femme à la voix prodigieuse, la très prisée Radia Manal. La fièvre était à son paroxysme. « C'est comme ça chaque jeudi. Nous invitons un chanteur ou une chanteuse connus sur la scène artistique nationale sur la base des doléances des familles. Notre souci est de voir notre clientèle satisfaite, joyeuse et heureuse », lance le directeur général du complexe. « A 100 DA, le prix du ticket d'entrée reste à la portée de toutes les bourses », relève un père de famille, venu pour danser « comme tout le monde ». Une sonorisation parfaite, doublée d'une organisation des plus pointilleuses, a émaillé la soirée mais aussi Radia qui fera vibrer un public excité, libéré. L'orchestre, d'un professionnalisme exceptionnel est composé d'un « drabki », d'un pianiste (synthé) et d'un batteur. Juste ce qu'il fallait pour Manal pour enchaîner tube sur tube. Du staïfi, en passant par le constantinois avant d'atterrir sur l'algérois, un véritable voyage lyrique à travers l'Algérie. A 2 h, extinction des feux. Mais pas à l'extérieur de l'« arène » où la soirée sera ponctuée de longues palabres vacancières.
Djamel Zerrouk, Nadir Kerri


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