Pour les Algériens, qui ne l'auraient pas encore perçu, leur pays vient de vivre un moment décisif de son Histoire. Le voyage de Bouteflika à Bruxelles a scellé le nouveau destin qui attend l'Algérie pour, au moins, la décennie à venir. N'est-il pas vrai que c'est en changeant de sémantique que l'on change de discours et que l'on finit d'opérer les meilleurs réajustements? C'est ce qui vient exactement de se produire au cours de ces cinq derniers jours. L'Occident, à travers l'Union européenne et l'Alliance atlantique, a ouvert grandes ses portes devant l'Algérie qui aspire, depuis l'avènement au pouvoir de Bouteflika, à recouvrer toute son aura d'antan. C'est, aujourd'hui, chose faite. L'Algérie se refait des habits neufs à sa juste mesure et à celle de ses ambitions. Tout en changeant de look et d'apparat, ne voilà-t-il pas qu'elle s'emploie en même temps à songer à améliorer son image de marque pour qu'enfin, le monde la saisisse sous ses nouveaux attraits. Et ses attributs à reconstruire. Autres temps, autres moeurs. Que l'Algérie vienne à se hisser, en cette fin 2001, au diapason des nouvelles exigences internationales, n'en est que la simple expression de ce que les sociologues appellent communément dans leur jargon, un déterminisme. Cela s'entend ainsi. Fini donc le bipolarisme américano-soviétique de la guerre froide et enterrés à jamais les effets ravageurs de conflits idéologiques préfabriqués ayant plongé des peuples entiers dans des drames et de fausses querelles auxquelles le Tiers Monde, qui reste encore miné par ce mal endémique du sous-développement, avait été longtemps abusé. Les Algériens, depuis deux ans, se sont mis, vaille que vaille, à rattraper les erreurs politiques de leurs anciens dirigeants pour faire leur mue avec tout ce que cela suppose de courage, de volonté, de sacrifices et d'investissement en termes d'idées et de choix stratégiques pour faire émerger ce pays de son coma. L'Algérie ne sent plus le soufre! L'un des signes forts de ce CHANGEMENT est d'abord à relever dans ce que l'on pourrait appeler le new-look de notre diplomatie revue et corrigée par son maître d'oeuvre: Abdelaziz Bouteflika. Qu'on le veuille ou non, l'Algérie est aujourd'hui un pays non seulement fréquentable, mais respecté et souvent courtisé par les grandes puissances. De Washington à Paris, en passant par les capitales européennes, africaines, asiatiques, Alger, malgré sa chienlit, redevient de jour en jour une halte politiquement convoitée. La visite de Bouteflika au siège de l'OTAN aura permis aux observateurs de saisir toutes les nuances introduites désormais dans le changement de cap de notre politique étrangère, depuis juillet 1962. Un paysan du terroir qualifiera ce contexte de changement d'attelage. Et il s'agit bien d'un! On en change pour aller vite, sûrement et sans encombres vers de nouvelles destinations. La halte de Bruxelles s'inscrit inévitablement sur ce carnet de route ou sur ce plan de vol. L'Algérie, plus proche du Bon Dieu et des Américains, ne s'en portera que mieux. Ainsi va le monde. Tous ceux qui possèdent l'art consommé de décoder les événements sont convaincus que, désormais, rien ne sera plus comme avant dans ce pays. Et ce sera cette nouvelle donne politique qui va déterminer, à coup sûr, les multiples facettes sur lesquelles s'appuiera cette métamorphose introduite aujourd'hui en matière de politique étrangère et d'alliances internationales. Bouteflika, au siège de l'OTAN, serrant chaleureusement la main de son secrétaire général, Lord Robertson, eût été inimaginable du temps de Boumediene et de celui de Brejnev. J'avoue que c'est un moment fort de notre Histoire, surpassant toutes les séances d'exorcisme pour effacer et guérir de tous nos péchés politiques, idéologiques, économiques engrangés en quarante ans d'indépendance à commencer par le plus pernicieux d'entre eux, celui d'avoir engagé une alliance avec le camp soviétique. Dieu que c'est difficile d'abattre cette barrière idéologique et psychologique pour se choisir un nouveau destin, de nouveaux partenaires et un nouveau champ de coopération et d'alliance stratégique! Bouteflika a épousé son époque en sachant d'avance quel sera le prix de la dot à déposer dans la corbeille de la mariée. L'accord d'association avec l'UE nous incitera à devenir plus performants. Plus ambitieux. A l'heure de la mondialisation, la realpolitik algérienne se refait une santé en exhalant un parfum capiteux d'attirance et de séduction. Notre pays et nos dirigeants ne sentent-ils plus le soufre? Pour Bouteflika, c'est jouable, car cela se résumerait aux nouvelles possibilités qui s'offrent à Alger de disposer d'une assistance financière et d'encourager les investissements européens. Une nouvelle page de notre Histoire vient de s'ouvrir. Elle est porteuse de formidables promesses pour peu que s'installe dans nos coeurs cette sérénité en des lendemains meilleurs pour voir enfin la paix restaurée dans le pays et dans nos consciences longtemps meurtries par de surréalistes marchandages, clivages de faux apôtres de la démocratie. Les mauvais génies sont-ils encore parmi nous?