Le Cpmc, le centre le plus important, ne peut prendre en charge tous les cancéreux. Si, dans le monde, les moyens thérapeutiques permettent de guérir 50% des cancers, la survie dans notre pays est loin d'atteindre ce pourcentage. Notons bien que nombre de malades fuient nos centres pour se soigner à l'étranger. Nous avons visité le Cpmc (Centre Pierre et Marie Curie) afin de comprendre et la surprise était grande. Une file d'attente d'une quarantaine de personnes au premier étage, des malades fatigués, au bord de l'hystérie, attendent leur tour pour subir la chimiothérapie, nous avons interrogé l'un d'entre eux pour en savoir plus et ses déclarations sont plus qu'étonnantes: «J'attends là depuis 9h du matin, il est maintenant 11h30, je suis épuisé, il n'y a pas assez de place pour prendre tous les malades, et on ne cesse de nous expliquer qu'il n'y a pas assez de médicaments et autres consommables. J'ai l'impression que je ne vais pas tenir longtemps si je reste ici, je voudrais aller me soigner en France, j'attends que ma soeur règle les problèmes administratifs». Ce patient, Mohamed, âgé de 54 ans, présente un cancer digestif avec métastases hépatiques opérables mais récusé et orienté en oncologie au grand étonnement du médecin de service. Car l'annonce du diagnostic de cancer est une épreuve que beaucoup de médecins essayent d'éviter, la laissant à un autre collègue et des erreurs sont commises comme le cas de Fazia que nous avons rencontrée aussi au Cpmc. Cette patiente qui a été hospitalisée à deux reprises (lithiase rénale puis cancer du colon avec métastases hépatiques), se présente dans le service avec une lettre d'orientation pour le traitement des métastases hépatiques sans qu'à aucun moment on ait évoqué avec elle un quelconque geste chirurgical sur le foie. Un médecin des soins intensifs nous déclare ceci: «Une fiche de traitement doit être établie pour chaque patient dont le dossier a été étudié au Cpmc, et sur laquelle doit être expliqué le déroulement dans le temps des différents traitements. Cette fiche doit suivre le malade dans les différents services hospitaliers où il est pris en charge, mais comme vous pouvez le constater, les choses se font autrement ici, les médecins sont dépassés et les fiches ne sont pas remplies, des erreurs se commettent au détriment du malade». Le fait est que le Cpmc, le centre le plus important, ne peut prendre en charge tous les cancéreux. Cela se traduit par une grande disparité dans la qualité des soins, sans aucune coordination entre les praticiens des différentes spécialités appelés à prendre en charge un patient cancéreux pour un type particulier de cancer. Au Cpmc, on a l'impression d'être dans la pizzeria du coin, des malades déambulent dans les couloirs dans l'espoir que leur cauchemar se termine. Beaucoup de patients se voient proposer des décisions chirurgicales immédiates sans bilan complet et sans concertation pluridisciplinaire, et puis un jour, ils atterrissent encore une fois dans les couloirs obscurs du Cpmc sans qu'ils aient compris ce qui leur arrive. Samedi, lundi et mercredi sont les jours de délivrance, car ce sont les jours de visite où les malades savourent des moments précieux avec leurs familles, amis et parfois même des patients guéris qui viennent encourager et donner du baume au coeur à des malades qui veulent être rassurés, qui veulent qu'on leur explique pourquoi leur centre est obsolète.