Après des mois d'un bras de fer opposant un syndicat de l'enseignement du secondaire au ministère de tutelle, on décide de reprendre, aujourd'hui, les cours. Les grévistes n'ont rien arraché et les élèves ont perdu des mois qu'ils sont appelés à rattraper, alors que la période des examens a commencé et que les candidats au baccalauréat vont faire face à une pression à risque pour se préparer aux épreuves fatidiques. Les raisons ayant été à l'origine de ce mouvement de débrayage, transformé en cours de route en grève illimitée, ne semblent pas mériter autant de remous et de blocage, alors que la tutelle était décidée d'aller jusqu'au bout de sa logique consistant à mettre en application ses menaces de radiation des enseignants grévistes, d'autant plus que beaucoup parmi eux, donnaient des cours privés et chichement rémunérés. Cette situation a poussé les parents d'élèves et les élèves à se mobiliser contre les enseignants grévistes, affaiblissant du coup, la position du Cnapest qui n'a pas d'autre choix que de reculer. La grève est un droit inaliénable qui ne peut être remis en cause quelles qu'en soient les raisons. Ce droit sacré reconnu à toutes les catégories socioprofessionnelles afin de pouvoir en user en cas d'atteinte à leurs intérêts matériels et moraux, ne doit cependant pas être banalisé en ayant recours lorsque le dialogue, les négociations et autres formes de pressions connus par les syndicats représentatifs, combatifs et responsables, peuvent conduire à la satisfaction de certaines revendications, notamment comme celles formulées par le Cnapest ainsi que l'intersyndicale. Le responsable du Cnapest, Nouar Larbi, avait déclaré lors du forum de Liberté du 23 février dernier: «Le Premier ministre nous avait envoyé son ministre chargé de la Réforme du service public, en l'occurrence Mohamed El-Ghazi, alors patron de la Fonction publique. À l'issue d'une réunion qui a duré pas moins de 23 heures, un procès-verbal avait été établi. Laissez-moi vous dire que ce document, qui a une force d'exécution juridique, est resté lettre morte, alors qu'il est recevable devant n'importe quelle juridiction du pays.» Pourquoi donc, le Cnapest n'a-t-il pas saisi la justice pour faire valoir ses droits et démontrer à l'opinion publique, en cas de gain de cause devant un tribunal et de non-exécution de la décision de justice, qu'il n'avait d'autre choix que de recourir à la grève? Pourquoi, c'est toujours la tutelle qui saisit la justice pour dénoncer le caractère illégal de telle ou telle grève, quand elle n'est pas décidée conformément à la réglementation? Au-delà de la légitimité ou non d'une grève et des revendications formulées, tout bras de fer qui s'engage entre un secteur socioprofessionnel et sa tutelle est avant tout une bataille qui se mène sur le terrain de la communication et du marketing politique. La question qui se pose est: qui des deux camps peut gagner l'opinion publique à ses arguments? Le secteur de l'éducation est aussi sensible que ceux de l'énergie, des transports et de l'agroalimentaire. Aucun de ces secteurs ne peut être paralysé, pour peu que le suivi de la grève soit général ou important, sans toucher de plein fouet les populations et leurs intérêts. A ce titre, les responsables des syndicats de ces secteurs doivent peser leurs mots avant la prise de toute décision, car aucun droit ne peut être défendu au détriment d'autres droits et surtout, il s'agit de préserver la crédibilité du syndicat et des syndicalistes qui doivent convaincre l'opinion publique à travers leurs attitudes, leurs actions et décisions qu'ils agissent, en cas de grève, pour le bien commun et non pour les seuls intérêts corporatistes, d'autant plus que la majorité des secteurs d'activité est tombé dans le piège du corporatisme syndical, situation qui a favorisé l'atomisation des forces sociales et syndicales. Au-delà de cet aspect de l'inflation des organisations syndicales qui a grandement affecté les luttes sociales au moment où l'Ugta est en perte de repères et de représentativité, on assiste à une inflation de grèves pour des raisons parfois farfelues, qu'il y a lieu de craindre une banalisation de cet instrument de lutte devant être un dernier recours.