img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P180304-06.jpg" alt=""Le dessin c'est un parti pris très fort"" / La délicatesse serait le maître-mot qui lui correspondrait le mieux tant du point de vue de la personnalité que celui de la qualité du travail qu'il exerce manuellement en prônant le dessin comme une forme de narration exclusive pour dire les choses. Prix Sam Art Project pour l'art contemporain 2016, Massinissa Selmani expose actuellement au palais de Tokyo aux côtés entre autres de trois Algériens, à savoir Neil Beloufa, Dris Ouadahi et Katter Attia. Intitulé «Ce qui coule n'a pas de fin», il s'agit en fait d'«un travail d'expérimentation autour du dessin, mêlant une approche documentaire à des constructions fictionnelles, prenant pour point de départ l'histoire politique et sociale». Pour cette exposition, Massinissa Selmani s'est rendu sur les traces de Louise Michel en Algérie et en Nouvelle-Calédonie, où, cette figure légendaire de l'anarchisme fut déportée de 1873 à 1880, après la défaite de la Commune de Paris. Elle y côtoya non seulement les Canaques, dont elle soutint la révolte, mais également des Algériens qui y avaient été envoyés au bagne après les insurrections de mars 1871 en Kabylie. De cette rencontre, Louise Michel noua des amitiés avec les Algériens déportés et leur promit de leur rendre visite. Entre octobre et décembre 1904, quelques mois seulement avant sa mort, elle entreprit ce voyage en Algérie où elle donna de nombreuses conférences dénonçant les religions, le militarisme et la violence coloniale. S'inspirant de cet épisode historique méconnu, Massinissa Selmani réalise une installation, où, si le dessin est omniprésent, il déborde de la page pour investir l'espace sous des formes variées. L'artiste y étend par ailleurs ses questionnements au contexte actuel, à la diffusion de la révolte et au positionnement «devant la douleur des autres». C'est ce qu'il nous explique dans cet entretien en plus de son amour pour le dessin... L'Expression: Votre expo est intitulée Ce qui coule n'a pas de fin, tout d'abord ça a-t-il un quelconque lien avec la thématique de «La discorde fille de la nuit»? Massinissa Selmani: Oui, la saison de la discorde contient l'idée de la révolte et la tension qui est présente un peu partout dans les expos. La mienne prend racine ou a comme point de départ les conférences de l'anarchiste française Louise Michel en Algérie, en 1904. Suite à mes recherches j'ai découvert qu'elle avait rencontré les Algériens dans le bagne à la Nouvelle Calédonie où elle a été déportée. Les Algériens et les communards en Nouvelle Calédonie se sont rencontrés suite à leur déportation là-bas.. Quelque temps après, les Canaques se sont révoltés. Je suis donc parti sur ces traces-là. Je suis parti à Alger, à Nouméa etc. j'ai entamé donc ce travail qui est un prétexte pour continuer à travailler sur ce que j'avais entamé il y a deux ou trois ans sur le dessin comme forme documentaire... Effectivement, le dessin semble être votre support de prédilection... Oui, j'aime le dessin, dans toutes ses formes...je sais qu'il se tient actuellement à Alger le Salon du dessin où d'ailleurs Nadira Laggoune m' y avait convié. Elle m'avait écrit pour y participer mais je ne pouvais pas. J'étais en pleine finalisation de ce projet. C'était un peu compliqué... Votre expo semble déclinée en plusieurs parties L'expo ici au palais Tokyo est pensée en trois îlots en effet. Il y a l'installation centrale qui est cette partie qui représente une sorte de zone tension fictionnelle. C'est le seul endroit où il y a des indices sur tout ça, car il y a la question de la révolte qui traverse toute l'expo. Il y a des indices un peu partout. Là-bas ce sont trois grands dessins inspirés de la presse écrite. Tous les éléments viennent de choses qui n'ont rien à voir ensemble. Mais il y a l'idée de la prise de parole, de l'enregistrement qui est présent. Aussi, l'idée des instruments de mesure, des graduations qui reviennent comme l'incarnation de l'autorité, soit qui tiennent les choses soit qui s'effondrent. Et puis, ce mur qui est pensé comme un mur d'atelier où j'ai mis un peu en vrac des choses, des questionnements qui ont traversé tout le projet, la question de la révolte, sa diffusion, des lectures par télescopages, comment ces figures familières se retrouvent dans des gravures, des photographies de presse que j'ai relevées, que j'ai mises en relation avec d'autres. L'expo est pensée comme une enquête. Il faut avoir une lecture entière. Il faut accepter de prendre le temps ou pas. L'expo rentre dans le cadre du prix Sam Art Project pour l'art contemporain que j'ai obtenu en 2016. Le dessin documentaire c'est votre façon de dire les choses alors, d'où cela vous est-il venu? En fait, j'explore le dessin et j'essaye de faire un travail autour du dessin. Il y a deux ans j'ai fait une oeuvre que j'ai montrée à la biennale de Venise. C'était autour des 1000 villages algériens qu'on a voulu construire dans les années 1970. A partir de là, l'idée de raconter des événements que par le dessin et des formes dessinées, ce qui serait plus juste comme mots, a fait son chemin. Cette oeuvre-là a déclenché beaucoup de choses. Du coup j'essaye de développer des systèmes narratifs où le dessin est l'élément central. Il y a une forme dessinée quelque part partout, tout le temps. Le dessin est constamment mis en relation avec des formes, même quand je fais de la vidéo, pour moi c'est du dessin. Je rajoute du dessin avec le calque avec cette idée de mesure de la tension que l'on retrouve aussi dans cette tige qui soutient juste un papier et ça, c'est plus un geste qu'une oeuvre qui vient dans l'ensemble. Car tout seul il n'a pas de sens. Car ça a l'air très fragile tout ça...c'est revendiqué bien sûr? La légèreté, je suis assez obsédé par ça, de faire des formes les plus légères possibles. L'économie de moyens est très importante pour moi. Peut-on connaître de quelle formation vous êtes issu? J'ai fait des études en informatique en Algérie. Après, j'ai fait les Beaux-Arts de Tours (France, ndlr) où je vis depuis deux ans. Je touche à autre chose aussi. J'aime beaucoup la photographie de presse, mais je me considère avant tout comme un artiste qui fait du dessin tout simplement. Tout le propos dans mes travaux s'incarne par le dessin. C'est un parti pris très fort. J'aurai pu très bien prendre une caméra et filmer les choses ou ramener une équipe de tournage, c'est faisable. J'ai ramassé énormément d'archives que j'aurai pu exposer ou montrer aussi, mais j'ai choisi d'en montrer que trois. C'est tout. Parce que je voulais absolument rajouter de la fiction, des formes narratives par le dessin qui, par le télescopage de leurs lectures fait que ça fasse sens. Un élément qu'on voit, là, relié à un autre, ça crée de la narration. Et c'est cet ensemble-là qui forme un propos.