Louise Michel est revenue en grande dame sur les scènes du festival « off » d'Avignon l Pas moins de trois spectacles à l'affiche, dont deux animés par Marie Ruggeri et un par Pauline Latournerie. La communarde, révolutionnaire insatiable, l'anticolonialiste sans réserve reprend vie. Avignon. De notre envoyé spécial Marie Ruggeri n'en revient pas. Ces deux spectacles « Louise M » créés dans le cadre du festival off ont tout de suite rencontré leur public au Théâtre du Bourg-neuf. Plus de 100 ans après sa mort, « elle serait étonnée, si elle revenait au monde pour voir ça », dit-elle avec enthousiasme. La chanteuse et comédienne donne deux visions de la femme active qu'était Louise Michel. La femme, plus intime, et la révolutionnaire qui ne cesse de nous interpeller encore aujourd'hui. Celle qui avait été déportée en Nouvelle-Calédonie après la Commune de Paris (1871) ne s'y étiola pas. Au contraire, elle prit fait et cause pour les Canaques et rencontra à Nouméa les condamnés algériens, éloignés sur cette île lointaine. C'est là qu'elle comprit, outre l'exploitation calédonienne, la colonisation inhumaine infligée au peuple algérien. Lorsqu'elle meurt, en 1905, c'est au retour forcé d'une série de conférences épuisantes sur le sol algérien. Marie Rugeri a construit son spectacle à partir de la correspondance et des mémoires de Louise Michel. « Je souhaitais mettre en lumière une Louise plus intime, une femme face à ses doutes, ses blessures », dit-elle. « Montrer ce personnage hors du commun, cette personnalité complexe, animée jusqu'à son dernier souffle par la quête d'un monde meilleur, plus juste, plus équitable, comme elle ne cessera de proclamer sa conviction que, dans l'avenir, on reconnaîtra la folie du capital, de la guerre, des castes, des frontières et qu'il n'y aura plus qu'un seul et même peuple qui serait l'humanité. Elle affirme avec force qu'on peut la poursuivre, la condamner, cela ne changera rien à sa croyance ». Condamnée, enfermée, elle le fut pendant douze ans de sa vie et ses mémoires autant que ses correspondances montrent un volontarisme exacerbé que rien ne pourrait arrêter. A ce titre, Marie Ruggeri donne à entendre ce qu'elle a appris sur cette personnalité hors normes : « Elle est devenue pour moi une grande sœur. Je donnerais cher pour passer une journée avec elle. Ce que j'ai admiré, c'est sa curiosité. Elle veut tout connaître, elle a soif de voir les choses par-delà les apparences superficielles ». Pour autant, alors qu'il y a tant de rues, ou d'établissements scolaires qui portent son nom, elle reste « une femme mal connue, et c'est étonnant qu'il n'y ait pas plus de travaux sur elle ». L'autre spectacle sur Louise Michel s'intitule « La louve noire » et il a été créé au théâtre de la « Tortue » par Giancarla Ciarapica (éditions Christophe Chemant), avec la sublime Pauline Latournerie. La pièce dévoile l'engagement de la « vierge rouge » jusque dans les derniers instants de sa vie, avec cette phrase : « Je ne voulais pas être subversive, je voulais être heureuse, que tous soient heureux ». Rien ne pouvait l'empêcher de conserver son engagement comme un étendard. Ainsi dit-elle au moment où elle est libérée de la déportation en Nouvelle-Calédonie : « Je suis partie au bagne dotée d'un foulard rouge, je suis revenue le cou enserré d'un foulard noir ». Il faut dire qu'à son combat français s'étaient ajoutés à la fois la découverte de l'exploitation calédonienne, et la rencontre à Nouméa des insurgés algériens de 1870. Son dernier voyage militant fut d'ailleurs en Algérie qu'elle quitta, alertée par la maladie qui devait l'emporter, en 1905 à Marseille.