La Galerie Talmart, sise à Paris, qui n'a de cesse d'accueillir des artistes algériens, ouvre cette fois son espace du 13 décembre au 25 janvier à une exposition pour le moins originale et sobre. Il s'agit d'une expo individuelle de l'artiste algérien Massinissa Selmani, «L'usine ne fait pas les nuages» agrémentée d'une oeuvre en collaboration avec Mohamed Bourouissa. L'idée de base est partie d'une phrase, une expression du chanteur de rap Oxmo Poccino: «Longtemps pendant mon jeune âge, je pensais que l'usine faisait les nuages». La galerie Talmart a découvert Massinissa Selmani lors de la Biennale de Melle en 2011 où il présentait alors l'installation «Le Jasmin l'emportera». Depuis, l'artiste a multiplié les projets, soutenu par diverses institutions et galeries. L'exposition «L'usine ne fait pas les nuages» est sa deuxième exposition individuelle à Paris. Il a invité l'artiste Mohamed Bourouissa pour coréaliser une animation intitulée «C'est la vie» réunissant les univers des deux plasticiens. Mais si l'usine ne fabrique pas les nuages, elle exhale bien des formes vaporeuses proches de celles-ci, dont le trait épuré et énigmatique sera la caractéristique principale du dessin de l'artiste Selmani. «Les images de Massinissa Selmani révèlent l'ambiguïté des signes, en poussant leur juxtaposition jusqu'à provoquer une situation absurde et bien sûr éloquente: un dessin qui présente deux scènes incompatibles qu'il faut relier en les regardant, ou encore une image dédoublée par un papier calque. Ce dédoublement vient brouiller ou corriger l'image. Les nuages que l'usine fabrique bien, sont les doubles toxiques des vrais nuages...» peut -on lire sur le dossier de presse. En effet, jouant sur le rapprochement des scènes entre deux calques, l'artiste parvient à créer un troisième possible, de scènes nouvelles et insolites qui donnent du relief et du mouvement à ses images figées. Et le descriptif du projet de rajouter: «La démarche de Massinissa Selmani a, comme fil conducteur, les multiples expérimentations qu'offre le dessin. Les sujets de ses oeuvres trouvent souvent leur origine dans les actualités politiques et sociales et les coupures de presse. Les images qu'elles contiennent, ayant subi des processus de sélection, de traitement, de cadrage et obéissant à des codes du documentaire, de l'archive et parfois de mise en scène/narration, offrent un champ d'expérimentation particulier pour l'artiste.» L'artiste invente ainsi des situations nouvelles, éphémères, sans doute artificielles qui font parfois sens ou s'annulent à l'aune du regard que l'on porte sur les dessins et notre propre interprétation. L'exposition est composée de quatre propositions plastiques. Tout d'abord «a-t-on besoin des ombres pour se souvenir?». Une série de trois dessins 40x50 cm au crayon et couleur met en scène un bus sur lequel des gens tentent de charger des choses. Non loin de là, un homme déroule un tapis rouge créant un sentiment de contraste et de malaise allant jusqu'à la dramaturgie. Les Métamorphoses est une série de six dessins sur papier calque. (3 dessins de 30x40 cm et 3 de 40x50 cm). le point de départ ce sont les images d'uniformes que le plasticien a recueillies dans la presse... le papier calque sert de brouillard à l'image, des nuages qui voilent la lumière. Ce voilage des corps et des visages dépouillent presque les uniformes de leurs supports, comme s'ils étaient autonomes. C'est l'absurdité vers laquelle tend l'artiste ici en détournant des situations vers d'autres improbables. De son côté, «Merouane» est une image inspirée d'un fait divers survenu en 2007. Il s'agit du premier kamikaze qui s'est fait exploser au centre d'Alger en avril 2007. La multiprise représentée près de la voiture est une réalité matérielle de ce terrorisme. l'intervention par le dessin crée une mise en scène fictionnelle assez dérangeante. Enfin, «C'est la vie», en collaboration avec Mohamed Bourouissa est une animation-installation projetée sur papier 70x50 cm renvoie à ce même cercle vicieux figuré ici dans un caillou. L'animation représente un individu qui tente d'enlever le caillou de sa chaussure de sport. Il retire sa basket, la pose, en extirpe le caillou qu'il jette et qui retombe dans la chaussure comme dans un panier de basket. Le dispositif dédouble la chaussure. L'image animée échoue dans la chaussure photographiée... L'origine lexicale de cette animation vient de l'expression «avoir un caillou dans la chaussure» pour parler d'un problème sans réponse qui s'empare de soi. Bref un travail réflectif et minutieusement étudié, et à la technique qui est loin d'être banale. A voir!