Ni très séduits ni très déçus, ils font preuve d'un réalisme politique exceptionnel. Le discours du président de la République sur la réconciliation nationale et l´amnistie générale n´ a pas déçu les islamistes au point qu´on pensait. Réagissant avec un réalisme tout à fait exceptionnel pour un mouvement qui n´a pas fait preuve d´un sens de la mesure par le passé, ils estiment, dans leur ensemble, que " le président a donné le meilleur de lui-même, et que l´étape actuelle ne constitue pas une fin, et qu´il ne faut pas refuser les petites avancées acquises, tout en continuant à faire valoir nos droits à l´expression politique ". Pour Madani Mezrag, ancien émir national de l´Armée islamique du salut (AIS, branche armée du FIS, ndlr) le discours de Bouteflika est allé " aux extrêmes limites de ce que peut concéder l´Etat aujourd´hui . Il explique: Il serait puéril de croire que tout dépend du président. Les plaies sont encore grandes-ouvertes et les enjeux si importants qu´on n´ose pas croire à plus que ce qu´il a dit et fait. Il y a des équilibres politiques et sociaux à respecter, comme il le dit lui-même (...). Bien sûr, il a mis toute la tragédie qu´a vécue l´Algérie sur le compte du FIS et nous a exclus de toute activité politique. C´est un fait. Mais est-ce pour autant que nous allons, d´un revers de main, faire table rase de toute cette avancée qu´il a opérée par le biais d´un discours fédérateur et pacifique? Soyons réalistes: il y a des faits nouveaux dans cette charte pour la réconciliation. Prenons ce qu´i y a de bon dans cette nouvelle étape, et demandons, un autre jour, nos droits et notre part de vérité. Pour l´instant, il y a une concorde, une paix à établir, alors aidons le président à fond et ne pensons pas à nos petites personnes. L´autre ancien chef de l´AIS, Ahmed Benaïcha est plus nuancé: Le discours du président a été clair et son projet de charte est une nouvelle étape dans le sens d´une réhabilitation de la paix civile en Algérie. Je pense que c´est déjà un grand pas fait vers la solution finale, car je conçois que la solution définitive est à venir. Les équilibres dont parle le président ne permettent pour le moment, pas d´espérer plus que cela, et la solution finale viendra dans une ultime étape. Nous sommes réalistes et nous serons impliqués à fond dans tous les efforts qui seront faits pour aider l´Algérie à dire adieu à la guerre . Ahmed Merrani, ancien membre fondateur du FIS, devenu sénateur du tiers-présidentiel, trouve qu «après douze années de crise et de tueries, il est temps que tout cela cesse et qu´une solution finale trouve sa voie. Nous sommes conscients de toutes les contraintes qui existent encore, mais il faut oeuvrer à pousser les choses plus en avant. Pour un premier temps, les mesures prises vont remettre de l´ordre, après cela, on pourra discuter de certains détails qui pénalisent les uns ou les autres. Il n´y a pas de sécurité, ni de paix sans ces nouvelles mesures, bien qu´elles peuvent constituer pour certains une voie de transit vers la solution finale». En fait, pour les autres, les conclaves vont commencer, et l´on devine que les polémiques seront houleuses. Ali Djeddi et Mustapha Kertali, deux autres figures de l´ex-FIS, ne trouvent pas assez de motifs politiques pour s´exprimer sur la question et préfèrent «parler lorsqu´il y aura plus de visibilité (dixit Djeddi) ou que» «ce que le président a dit est assez clair en soi avec tout ce qu´il comporte de recul ou d´avancées par rapport à la concorde civile».